1790 à 1842
Un document exceptionnel à suivre chaque semaine !
Après l’aumône aux pauvres (qui constitue le 1er
épisode), voici le second épisode du Journal économique de Jean-Baptiste André,
dernier baron d’Aubière, et fils aîné du dernier seigneur d’Aubière.
Georges Fraisse
décédé, sa veuve, Annie, m’a autorisé à publier le contenu de ce journal manuscrit. C’est
avec plaisir que je m’efforcerai de respecter la volonté de mon regretté ami
Georges, qui souhaitait transcrire l’intégralité de ce manuscrit inédit, pour
servir à l’histoire d’Aubière et, peut-être, à celle de l’Auvergne.
C’est la vie
quotidienne à Aubière et sur les domaines de la famille André d’Aubière qui
nous est présentée dans ce Journal
économique d’une importance historique considérable. Les généalogistes y
trouveront quelques éléments intéressants et des listes de patronymes aubiérois
où se cache peut-être un ancêtre…
Au texte original (en italiques), dont seule la ponctuation
a été corrigée, j’ai ajouté quelques notes entre crochets [ ] au milieu du
texte, d’autres en bas de page qui apportent définitions ou précisions, et
quelques illustrations. Je me suis permis également de compléter par des liens
vers le cadastre napoléonien de 1831 pour situer certains terroirs cités par
l’auteur. Enfin, je vous informe que les pages seront publiées sur ce blogue au
fur et à mesure de leur transcription, à un rythme en principe hebdomadaire.
Nous devrions donc passer de très nombreux mois ensemble avec le « récit »
de Jean-Baptiste André… (P.B.)
Épisode 2
Juillet
– Aoust 1790
La rentrée des foins en Auvergne (R. Bonheur, 1855) |
Juillet 1790
[Page 2]
lundi 12 juillet
Les moissons ont été
ouvertes cette année vendredi 9 juillet. Elles sont heureusement très
abondantes et rendront beaucoup de grains. Elles étaient le juste espoir
capable d’adoucir la misère publique. Nos bleds ont été donnés à couper à prix
fait, moyennant 55 £ argent, trente cinq pots de petit vin, quatre pots de vin
et un septier (1) de bled. Tout cela
peut être évalué à la somme de 130 £. Et comme il y a à peu près trente
septerées de terre, cela fait 4 £ 6 ou 7 sols par septerée (2). Ils ont employé 70 journées, ils ont donc
gagné par jour environ trente sept à trente huit sols. Il y a eu dans le bas de
la grande terre ou dans les deux parcelles près du chemin de Clermont dix
pignons, dans le grand champvoisin onze, et dans le petit cinq. Le haut de la
grande terre, partie en pamoule (3),
partie en vessat (4), a donné six
grands chars de vessat et six de pamoule.
28 juillet
On a affermé la mayère
(5) du pré Rougier moyennant 500 £ et
on s’est réservé tous les arbres qui ne sont pas saules, mailles, vergnes,
frênes ou trembles. On s’est aussi réservé la onzième portion de la mayère,
mais en déduction du prix de l’afferme, sans être néanmoins obligé de fournir
aucune main-d’œuvre pour l’exploitation de ce lot. Les fermiers sont Antoine
Chirol, charon, Victor Brugière, Giraud Montel, Jean Arveuf, André Momy, Pierre
Mazen, Jean Jallut, Jean Momy, Antoine Montel, Jean Roche dit Tomas, tous
habitants d’Aubière.
31 juillet
On a charrié
aujourd’huy tous les pignons de la grande terre, dautres deux petites parcelles
et des deux champs voisins, il y a eu trente trois chars de bœufs et six
charretées ; chaque pignon n’a fait par conséquent qu’un char et
demi ; et sur ce pied-là, chaque char pouvait avoir 4 à 500 gerbes. Le
temps était beau et tout s’est fermé bien sec.
Vers Cadastre
1831 : grande terre, Champvoisin, pré Rougier, la garenne
Aoust 1790
[Page 3]
1er aoust
Dans le mois dernier,
le prix du bled a éprouvé de grandes variations. Dans le commencement, il a été
fort cher comme pendant toute l’année, c’est-à-dire que le seigle était à dix
écus et le reste à proportion. Au moment de la moisson, il a tout de suite
baissé jusqu’à seize francs, mais le froment s’est toujours soutenu à trente
deux et trente trois livres parce que les nouveaux froments n’étaient pas
encore coupés, mais la diminution du prix du seigle, ayant attiré un grand
nombre de montagnards, le seigle est tout de suite remonté à 26 £, au dernier
marché, il était à dix huit.
Le vin a valu pendant
ce dernier mois, au commencement vin vieux quatre francs, vin nouveau trois
livres cinq ; à la fin vin vieux quatre livres cinq, vin nouveau trois
livres dix.
8 aoust
On a affermé le regain
du petit pré Rougier 34 £ dix sols au nommé Jacques Mazin. Le regain est fort
clair ; la sécheresse ayant été extrême depuis la levée des foins.
15 aoust
On a affermé à Pierre
Mazin et Jean Momy le regain du grand pré Rouger, en nous en réservant la
moitié. Il est chargé de tout faucher et tout préparer, et il donne cent francs
pour la moitié qui lui reviendra. Le regain est très mauvais.
29 aoust
Les noix ont été
affermées moyennant quatre quintaux et demi, mesure du poids du Roi, trois
quartons (6) de noix choisies et
quatre pains de noix. L’huile ne doit être mesurée que vingt quatre heures après
avoir été fait. Les fermiers sont Pierre Benay, Ligier et Guillaume Chalamaud,
Martin Cassière, fils à Guillaume.
30 aoust
On a fini de couper
aujourd’huy le regain de la garenne. Le prix fait était de 12 £. Ils ont
employé pour le couper quatorze journées. C’était le gendre du mourat, Ebely,
Pezant touron, Pierre le nieu.
La garenne a produit
six chars de regain que l’on a fait mêler avec de la paille de pamoule. On ne
s’attendait pas qu’elle fut aussi bonne, vu la grande sécheresse.
Nous avons depuis
quinze jours environ un bœuf malade. Le maréchal expert a ordonné d’abord trois
breuvages par jour de pinte chaque fois fait avec de la chicorée amère et de la
sauge.
On doit prendre une
poignée de chacune de ces plantes, l’on fait bouillir légèrement la chicorée
amère dans quatre pinte d’eau commune ; après cette petite ébullition,
l’on ajoute la sauge et une once de sel de nitre (7), on retire du feu et on laisse infuser pendant une heure, et on coule
ensuite pour en donner une pinte le matin, la seconde à midi et la troisième à
six heures du soir. Il faut aussi donner par jour quatre lavements d’eau tiède,
faire boire blanc le bien faire bouchonner par tout le corps. Ces breuvages ont
été continués pendant quatre à cinq jours après lesquels on lui a fait prendre
du vin avec de labcinte.
Annotations de Pierre
Bourcheix :
1- Septier : setier,
ancienne mesure de capacité pour les grains et les liquides. Variable selon les
régions, il vaut à Paris 156 litres environ.
2- Septérée ou setérée : ancienne mesure de superficie,
surface que l’on peut ensemencer avec un septier.
3- Pamoule : céréale, sorte d’orge.
4- Vessat : vesce,
plante fourragère.
5- Mayère : branches de saule. Faire la mayère, c’était tondre toute la ramure des saules ou
autres vergnes (aulnes) ; à Aubière, on disait aussi faire les remailles. Ce dernier mot a donné remacle puis ramacles,
d’où la place des Ramacles.
6- Quarton : ancienne mesure de capacité pour les
grains ou les liquides (huile de noix).
7- Nitre : Nom vulgaire du nitrate de potasse et du
salpêtre (azotate de potasse) ou nitre prismatique.
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