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vendredi 31 août 2012

C’est la saint-Loup !




Affiche de la "Saint-Loup" 1925
(Archives communales d'Aubière)
  
"La Gauloise" devance la statue de saint Loup lors de la procession en 1913
Rue Vercingétorix

Fête patronale. Le premier dimanche de septembre, Aubière fête son saint patron : saint Loup. Autrefois, cette fête patronale était très appréciée et toujours très populaire. On venait de loin pour participer à la reine des fêtes d’Aubière.

Lors de la saint Loup, les belles venaient parader. Ici en 1904.

C’était là que l’on paraissait non seulement devant les Aubiérois mais aussi devant la population des environs. Les Clermontois aimaient venir à Aubière en cette occasion. Ils trouvaient là un esprit et un sens de la fête oubliés des citadins. On s’amusait, on chantait, on mangeait, on buvait gaillardement le bon vin du pays. Le dessus des caves devenaient un des lieux privilégiés où l’on flânait, observant avec envie ou mépris les dernières trouvailles vestimentaires des Aubiéroises embourgeoisées. En effet, elles avaient quitté pour l’occasion leurs tenues de gros drap noir pour d’amples robes légères aux tons clairs. Coiffées d’une capeline, elles se protégeaient des rayons encore chauds du soleil en faisant tournoyer ostensiblement au-dessus de leur tête une ombrelle aux couleurs assorties. Le matin, le maître vigneron avait sorti le cabriolet tout neuf, peint aux couleurs vives. Il avait conduit femme et fille endimanchées, à travers les rues, se redressant fièrement, assis sur la banquette rembourrée de crin, lorsqu’ils croisaient voisins et connaissances… à pieds ! Le soir ont s’encanaillerait dans les auberges et les cafés bondés. C’était là, qu’entre deux verres, on rêverait encore de récoltes records, et que l’on supputerait le nombre de cuves remplies…

Place des Ramacles lors de la saint Loup en 1905
  
Comme à l’accoutumée, les forains envahissaient la place des Ramacles. Mais ce jour-là, les vendeurs d’oies les côtoyaient, se pressant les uns contre les autres le long de l’Artière et autour du kiosque à musique. La coutume voulait en effet que l’on mangeât l’oie et la brioche sur les caves.
Le dimanche de la saint-Loup, la rue des Grandes Caves se noircissait de monde, de ceux qui, l’oie sous un bras, la brioche sous l’autre, allaient festoyer, assis sur l’herbe verte et adossés aux soupiraux crevant la colline, tels de monstrueux périscopes.

Saint Loup 1904 : "les vignerons ouvraient leurs caves..."

Les vignerons ouvraient leurs caves dans lesquelles on plongeait gaiement pour s’abreuver de vin et profiter de la fraîcheur naturelle de ces galeries souterraines, qui étaient autant de temples à Bacchus.

Saint Loup 1925 : sur les caves en famille.

La foule était si dense que les cafés-restaurants ne faisaient jamais autant d’affaires que le jour de la fête patronale ; ceux situés autour de la place des Ramacles surtout. Le café-restaurant de l’Union, placé au coin de la place des Ramacles et de la rue du Chambon, drainait tous ceux qui, fatigués de la fête foraine, montaient sur les caves pour flâner ou boire quelques tassées de vin frais. Il happait aussi ceux qui redescendaient, repus d’oies, de brioches et de vin. Le café de l’Union était ainsi l’un des plus fréquentés. Son propriétaire, Gioux dit « caque », ne s’en plaignait pas. La présence dans les parages de Martin dit « l’assoiffé », invitant les passants à partager sa soif, contribuait beaucoup à la bonne humeur des patrons de débits de boissons.

Foire. Le lendemain était jour de foire. A l’approche de la fin de l’été et des futures vendanges la Foire de la saint Loup attirait tous les vignerons du canton.
Les tonneliers étaient à l’honneur mais, en réalité, c’était avant tout la foire au matériel vinaire et agricole. Cependant, s’ajoutaient aux marchands de bacholes, de décalitres, de foudres et autres serpettes à vendanger, ceux qui vendaient animaux de basse-cour, pelles, pioches, bêches et brouettes… Cette foire a disparu au début des années 1970.

> Qui était saint Loup ? Voir la rue saint-Loup. <

De nos jours, la fête patronale ne sort pas du cadre de l’église paroissiale. En revanche, la fête foraine bat son plein samedi et dimanche. Vide-grenier, course cycliste et autres animations attirent d’année en année une population grandissante. Les années impaires s’ajoute à cela le Forum des associations très prisé des Aubiérois.
L’Association de Sauvegarde des Caves d’Aubière renoue tous les ans avec la coutume de l’oie en organisant le dimanche un repas sur les caves.

***

A partir de demain, l’édition 2012 sera sur le thème du cirque. Qu’on se le dise !
C'est la 24ème Fête de la saint Loup nouvelle formule. Interrompue dans les années 1970, elle a été réhabilitée en 1988.



Programme 2012

Et n'oubliez pas la Vigneronne, chez tous les boulangers d'Aubière !

Voir aussi :  La Foire de la Saint-Loup a 144 ans !


© - Pierre Bourcheix, 1977 et 2012

jeudi 30 août 2012

La “Cocachine” vue d’Aubière vers 1662




Ce billet vous paraîtra peut-être incongru, mais ce texte se trouve dans un lieu tout aussi incongru : le Registre paroissial d’Aubière, après l’année 1662 (les années 1663 à 1669 sont manquantes dans cette version retrouvée dans les archives communales).
Ce n’est pas souvent que de telles digressions se rencontrent dans les Paroissiaux d’Aubière, mais le curé de l’époque, messire Amable AUBENY, a du être fortement impressionné par le récit de voyage d’un père jésuite en Extrême-Orient. Il n’a pas résisté à la tentation d’en laisser une trace écrite, d’autant que la fin de ce texte pouvait servir de sujet à un prêche, montrant l’efficacité du baptême, propre à conforter les Aubiérois dans leur foi.
On y trouvera aussi, entre autres choses, les bienfaits du tay (thé) et de l’eau bénite, et de bien étranges coutumes…

Voici la transcription, aussi fidèle que possible, de ce texte :

Page 1

Remarques de la relation de la Chine Cocachine (1) et de la mérique [sic] par le Père jésuite qui en a fait le voyage.

Registre paroissial d'Aubière (après 1662)
(Archives communales d'Aubière)

Premièrement de ces richesses. Elle a plusieurs mines d’or, très fertile en miel et ris et bled mais pour le vin il devient aigre aussitôt qu’il est fait a cause que les raisins ne murissent pas bien.
Leur viande est le ris, leur boisson est de l’eau, mais chaude et cuitte dans les mesmes marmittes qu’ils font cuire leurs ris, se mocquant de nous quand on leur dit que nous buvons frais et disent que cela nous cause beaucoup de maladies et le Père remarque, de trante ans qu’il a demeuré dans ces pais, et n’a pas vu les gouteux et une personne subjette à la gravelle ni de mort subites ny maladies populaires.

Repiquage du riz en Cochinchine


De l’uzage du tay

Le tay est une feuille comme de celle de gradier et ne se trouve aux arbrissaux que dans deux provinces de la Chine. Ils la mettent dans de l’eau bouliante et bien bouchier ; ils boient quand elle tombe au fond du bol sa vertu est de guérir et empesche la douleur de teste, il soulage lestomac et ayde a la digestion et purge les rains et la gravelle et la goutte.

Religion des chinois

Ils adorent le soleil la lune et les étoiles. Leur dieu est Confusius qui leur a donné les lois.
Les chinois font tout autant d’estat de leur chevelure que de leur teste.




Page 2

Le bois dont ils se chauffent du calambouc (2) ; il y en a de trois sortes : l’un sapelle calamba, très odoriférant, qui sert contre toutes sortes de besoins, les autres deux sortes sont laquila qui sont moindres, mais qui ont des effets admirables (3).

Des chrétiens guérirent dans ce pays deux cents cinquante malades avec l’eau beniste seule, comme le fils d’une veufve fut ressuscité par cette mesme eau, qui estoit décédé sans confession, et vesqut long temps après.

Il se trouve dans la Cocachine des nis d’oyseau que l’on met dans potages. Ils ont un si grand goût qui font les délices des plus grands ; ils sont blanc comme la neige, son contenus dans des roches de la mer vis à vis entre les troncs de calamboucs et ors de là n’en trouve pas, ce qui fait dire que ces oyseaux vont sucer le boy de ces arbres et avec le suc et l’escume de la mer ils forment leur nis si blanc et de si bon goût.

Dans ce pays il y a des arbres qui portent des sacs pleins de chataignes, un seul fait la charge d’un homme ; les branches de ces arbres sortent du tronc, en tous (sens), ces sacs que l’on ouvre on dit que l’on tenait dedans plus de cinq centz chataignes et plus grosses que les notres.

Les chinois font la croix sur le front de leurs enfants aussitot qu’ils naissent avec du charbon et de lancre disant que cela les empeche de la puissance du diable.

Le Tonquin est un royaume proche la Chine (4). Il est un grand respect pour les morts et ayeux que font leurs dieux … compte de faire des festains a leurs parents décédés et ce pendant longtemps et ils feront de bons  et superbes  tombeaux.


Page 3

Les femmes adultères y sont mises à mort par un éléphant qui les jette en haut avec sa trompe et les reçoit avec ses deffences et puis les foule aux pieds.

Merveilleux effet du baptesme
Une femme possédée du malin esprit qui ne voulut pas donner relache à cette pauvre créature quoyque l’on sut faire, mais a mesme temps que l’on la baptisée et que l’on jetta l’eau sur sa tete avec les paroles nécessaires aussitôt elle demeura entièrement guérie.

 

Un homme de fort bonne maison estant au lit de la mort abandonné des médecins, aussitôt qu’il se baptise, guéri et fut aussy gay comme auparavant de sa maladie, ce qui donne  a toute une populace de se faire baptizer.

Dans ce pays l’air y est si tempéré qu’il ni fait jamais trop de froy ni de chaud les hommes y vont tout nus despuis de l’estomac en haut may les femmes sont entièrement couvertes.

 

La ville de Surate est une des plus belles de l’inde où il y a tan de marchans de toute nation qu’ils viennent avec assurance parce que la manière veut que l’on y trouve avec assurance afin de débiter les plus rares marchandises du monde.



Notes :
(1) – Cocachine : il s’agit, selon toute vraisemblance, de la Cochinchine, au sud du Viêt-Nam. Bien que conquise par la France en 1859, les jésuites français s’y étaient implantés dès le XVIIème siècle (voir la première implantation française en Indochine).
(2) - Calambac, calambart, calambouc, calambou ou calambour, s.m. Bois odorant des Indes. Le cèdre, le calambou et le palo d’aquila, ne sont rien au prix, VOIT. Lettr.133 (Dictionnaire de la langue française, par E. Littré, 1883)
(3) - Aquilarian : n.m. Arbre ou arbuste des régions tropicales et dont certaines espèces fournissent des bois odorants (famille des Hyméléacées) - (Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse, 1991).
(4) – Le Tonquin : le Tonkin, façade est de l’Indochine, entre la Chine et l’Annam.

© - Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix, Marie-José Chapeau et Georges Fraisse.

mardi 28 août 2012

Journal économique de Jean-Baptiste André - 24


1790-1842

Toutes les semaines retrouvez ce document exceptionnel

Épisode 24
Août 1792


Aoust 1792
[Page 26]

Prix des denrées : froment 42£ ; bled 36£ ; vin 6£ 10s

1- Etant dans l’intention de renouveller le bail du domaine de Noyers, et n’étant point encore entré en marché, j’ai fait signifier au métayer qu’il n’eut point à le continuer passé le 25 mars prochain, terme auquel il expire ; j’ai dû prévenir six mois d’avance.

2- On a relevé les seps de la vigne et on la fossoyé pour la quatrième fois.

3- On a affermé à Belard le chanvre de la terre du Chambon venant d’Oby, moyennant 30 £.

4- On a fait sortir tout le fumier qui était dans le creux, et on l’a fait écarter dans le grand champ-voisin ; on en a fumé à peu près la moitié.

5- François et Michel Téringaud qui avaient été mis en état d’arrestation et conduits à Riom, ont été jugés le 21 de ce mois. M. Derribes, Michel et moi avions été assignés précédemment. Les accusés ont fait entendre à leur décharge le sieur Vergne curé, Cussat commandant (1) et Boulle aubergiste. L’accusateur public s’en est rapporté à la prudence du juri. La question a été ainsi posée par le tribunal : les accusés sont-ils convaincus d’avoir participé aux dévastations du 12 mars comme auteurs, complices ou receleurs ? Le juri a prononcé la négative, et les accusés ont été élargis. (2)

5- [sic – second paragraphe 5] On a cueilli les lentilles ; on les a écarté dans le grainier pour les faire sécher ; il y en a eu environ dix coupes (3).

6- Un décret de ce mois supprime tous les droits féodaux qui ne sont pas prouvés avoir été établis pour cause de commissions de fonds.

7- On a fait battre la pamoule venant de la dixme de Noyers pour pouvoir en mêler la paille avec le regain. On en échangera pour de la paille de seigle.

8- On a pris aux Vergnes le thiers de la dixme à raison de ce que nous sommes chargés du thiers des impositions. Il y a eu … [en blanc]

9- Le grand champvoisin a été achevé de labourer le 29 de ce mois.

Château de Saint-Cirgues

10- Je suis allé dans ce mois à St Cirgues pour y faire faire une pélière devant le verger du pont. Il s’y est employé 72 journées qui ont été payées 30 sols. On y a employé pour 86 £ de bois. Elle revient enfin à près de 200 £, sans compter les piquets qui sont venus de Noyers. Il y en a eu 19 enfoncés avec le mouton du château (4), à la distance l’un de l’autre d’environ six pieds.
J’y ai aussi affermé à bled sur les terres du domaine, tant celles de la ville que celles de St Vincent ; 19 septerées de celles-ci en 9 pièces de terre ont été affermées aux David Sébastien et Guillaume, et Joseph Feuillade leur beau-frère, sur le pied de 12 quartons le septerée mesure de 1200 toises, 69 bottes de paille, 30 gluys (5), 4 paires de poulets, 6 journées de vaches, deux sacs de raves ; ils ont aussi pris les prés hauts du tuel à défricher à la moitié. Le surplus des terres de St Vincent a été affermé séparément à Antoine Monier, Guillaume D’Anglare, Antoine Amilhon, François Rainaud. L’afferme totale monte à 40 septiers dont 23 conseigle et 17 pamoule ; les noix sont au thiers.
La terre de Marcoin est affermée 7£ 4 qons avoine à Jeantou et Jean Sabatier de St Cirgues ; les mêmes ont celles des coupes à 9 septiers ; la charbonnière et le jardin sont à Charrier 2£ 4qons. Marc Nicolas a le grand ruisseau et le champ du dur à 7£ moitié froment moitié orge. J’ai affermé à Guillaume Danglar et François Raynaud de St Vincent le champ baraille (6), le champ beau et le champ de fonte qui sont dans la partie de la ville, moyennant six septiers bled ; et j’ai donné aux mêmes le pré de Lavou à défricher à la moitié. On doit faire un mur du côté du chemin. Il en reste à affermer à la ville que ce qu’il y a de meilleur. J’ai donné à défricher le bas des prés du tuel la moitié à Boucheron, l’autre moitié à Guill Danglar (7), Jacques Lafont et Jean Javieu ; le champ de la croix, celui de la fontaine du chien et l’éminée à Antoine Jaubert pour 7£ dont un 1er 4ons orge ; leclos à Angelo et Barbut pour six septiers bled ; le pré rasa à moitié et 12 journées.


Annotations de Pierre Bourcheix :
(1) - Cussat commandant : Le sieur Cussat, bourgeois, il était à cette époque commandant de la garde nationale d’Aubière. Il deviendra dans quelques années président de l’assemblée cantonale (maire du canton en quelque sorte). Le canton d’Aubière réunissait les communes d’Aubière (dont Pérignat-lès-Sarliève) et de Romagnat. Jean Cussat est le grand-père maternel de Jean Foulhouze, autre maire d’Aubière qui mourut assassiné en 1746.
(2) – L’affaire de la garenne : suivez ce lien pour revenir au début de l’émeute au § 5.
(3) – Coupe : ancienne mesure de capacité pour les grains, généralement de faible capacité. En Haute-Loire (Blesle), par exemple, la coupe valait 3,375 litres ; à Tulle : 3,46 litres.
(4) – Mouton : machine à enfoncer des piquets, des pilotis ou des pieux.
(5) – Gluy : lire glui, paille de seigle longue et non brisée utilisée pour lier les légumes en bottes ou les gerbes de céréales et même les jets de vigne.
(6) – Baraille : se dit d’un champ ou d’un pré situé en zone humide ou marécageuse. On trouve aussi barail.
(7) - Guill : Guill est une abréviation de Guillaume.



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