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vendredi 28 juin 2013

Contrat de travail en famille en 1779



Saga des Bayle – Volet 2

Sept ans après le décès de leur père, Géraud Bayle, en 1772, et l’inventaire de ses biens qui suivit, l’entente des cinq fils, liés par contrat, avec leur mère, Anne Taillandier, bat de l’aile. L’un meurt, un second profite de son remariage pour quitter la maison familiale. Au bord de la rupture, les trois autres préfèrent signer un nouvel accord avec leur mère devant notaires.
Le 7 août 1779, ces notaires nous expliquent tout…

« Par devant les notaires royaux soussignés ont été présents Thomas Bayle jeune, François et Jean Baile, tous laboureurs habitants du lieu d’Aubière d’une part ; et Anne Taillandier, veuve de Géraud Baile, mère des dits Thomas, François et Jean Baile, habitant du même lieu d’Aubière, d’autre part.
Les dites parties ont dit qu’elles étaient au point de voir s’élever entre elles des contestations sérieuses, et, désirant les prévenir, elles ont fait pour l’intelligence de leurs conventions cy après exprimées, l’exposé qui suit :

Géraud Baile et la dite Taillandier ont eu cinq enfants mâles, sçavoir : Thomas Baile aîné, Martin Baile, Thomas Baile jeune, François Baile et Jean Baile.
Par le contrat de mariage de Thomas Baile aîné, passé devant Girard aîné, notaire, en 1765, ils instituèrent leurs héritiers éventuels conjointement et par égale portion avec leurs autres quatre enfants mâles, sous la réserve de jouissance de leurs biens en faveur du survivant d’eux dont ils se firent une donation mutuelle.
Martin Baile fut marié en 1767 ; son contrat contient une semblable institution.
François Baile fut marié en 1772. Son contrat contient aussi une institution contractuelle en faveur, conjointement avec ses frères et Jeanne Baile sa nièce, fille de Martin Baile, qui était alors décédé ; cette institution est faite aux mêmes charges, clauses ci-dessus énoncées en celluy de Thomas Baile aîné.
Les deux autres enfants de Géraud Baile, qui sont Jean et Thomas jeune, n’ont été mariés qu’après la mort de leur père.
Jean Baile se marie en premières noces avec Étiennette Lacombe.
Par leur contrat de mariage du 20 février 1774, passé devant maître Chassigny, notaire à Montferrand, il fut institué héritier contractuel par Anne Taillandier, sa mère, conjointement et par portion égale avec ses autres fils sans pouvoir en avantager plus l’un que l’autre. Il n’est point parler dans cette institution de Jeanne Baile, fille à deffunt Martin, parce qu’elle était alors décédée. Il est remarquable que ce contrat de mariage contient une clause qui ne se trouve dans aucune des autres, et il est dit que la dite Taillandier recevrait les futurs époux et épouse en sa maison et compagnie, les nourrirait et entretiendrait, eux et leurs enfants, moyennant leurs travaux et industrie, et cependant qu’ils pourraient compatir ensemble sans qu’ils puissent faire pendant cette compatibilité aucun proffit particulier, pas même des revenus de la femme du dit Jean Baile qui appartiendront à la dite Taillandier.
Thomas jeune n’a été marié qu’en 1775. Son contrat de mariage est du 10 février de la dite année. Il contient aussi institution et héritier en faveur dudit Thomas Baile de la part d’Anne Taillandier pour lui succéder conjointement et pour égales parties avec François, Jean et autre Thomas Baile, ses enfants mâles.
Enfin, Jean Baile a passé à de secondes noces après le décès de sa première femme, et, par son contrat du 18 février 1778, Anne Taillandier, sa mère, s’est bornée à une simple autorisation, sans rappeler ny l’institution portée par le premier ny la promesse de nourrir et entretenir ledit Jean Baile et ses enfants en leur rapportant ses travaux, industrie et revenus des biens de sa femme. Le contrat est absolument muet sur tous ces points.

Après le décès de Géraud Baile, arrivé sur la fin de 1772, Anne Taillandier sa veuve jouit de tous les biens de la succession, sous le prétexte que l’usufruit luy en était assuré par le contrat de mariage de Thomas Baile aîné et de François Baile, tous ses enfants demeurant à sa compagnie et travaillant sous ses ordres. Jusqu’en 1775 au mois de janvier, que Thomas Baile l’aîné se retira à son particulier[1], Anne Taillandier luy délivra certain mobilier de la succession paternelle et la jouissance de trois œuvres de vigne ou environ dans la justice de ce lieu d’Aubière, terroir de Cézot.
Quant aux dits Thomas Baille jeune, François et Jean Baile, ils n’ont point encore quitté la compagnie de leur mère, qui n’a pas cessé de jouir de leurs biens paternels, lesquels ils ont toujours travaillé pour elle en vivant dans sa maison.
Il est à observer que pendant leur cohabitation avec leur mère, ils ont été chargés, comme facteurs ou commissionnaires des MMrs de Paris, dans l’emplette des fruits, ce qui leur a procuré des bénéfices considérables, lesquels ils ont fait fructifier encore par le commerce. Les proffits les ont mis à même de faire quelques acquisitions, entre autres de la portion revenant à Jeanne Baile, leur nièce, dans la succession de Géraud Baile, leur père, et ayeul, laquelle ils ont acquit de Gilberte Finayre, leur belle-sœur, qui avait succédé à Jeanne Baile, sa fille, par contrat du 27 avril 1775, moyennant la somme de mille cent livres et d’une terre d’entour neuf quartonnées, située terroir de las Planas, au prix de neuf cent livres.
Thomas Baile l’aîné est entré dans ces deux acquisitions conjointement avec ses autres frères et tous ensemble ont payé 850 livres, sur le prix des droits successifs de Jeanne Baile, et 500 livres sur le prix de la terre de las Planas dont Thomas Baile l’aîné a le tiers à luy seul.
D’un autre côté, après le décès d’Étiennette Lacombe, première femme audit Jean Baile, ledit Jean Baile, François et Thomas Baile le jeune ont remboursé la somme de 120 livres sur celle de 150 qui avait été reçue par la dite Taillandier sur la dot de la dite Lacombe.
Les mêmes trois frères ont acheté une terre d’une éminée dans la justice de Cournon, au prix de 200 livres, qui a été payée. Enfin, ils ont acquis de Mr Guerrier de Bezance deux journaux de terre ou entour, situés justice d’Aubière, terroir de las Varennas, moyennant la somme de 1.800 livres, dont il n’a été payé encore que celle de 1.000 livres. Enfin, ils ont également payé les « hoyaux courts » des dites acquisitions.


En cet état de choses, les parties allaient entrer en contestation sur ce que les dits Jean et Thomas Baile jeune prétendaient demander compte à leur mère des jouissances de leurs biens paternels, depuis le décès de Géraud Baile, soutenant, mal à propos, que leur mère, en prêteur usufruitier, attendu que les seuls titres qu’elle a pour l’usufruit des dits biens sont les contrats de mariage de Thomas et François Baile, dans lesquels Géraud Baile a fait de cet usufruit une charge des institutions contractuelles, par lui faite en faveur de ses enfants. Mais comme les institutions contractuelles, portées par ces contrats, n’ont saisis que les contractants, et qu’elles étaient nulles relativement aux autres, ils soutenaient que sa charge d’usufruit ne pouvait grever que les portions valablement instituées suivant sa mort ; que celui qui n’est pas gratifié valablement ne peut être grevé, et que la validité de la disposition subordonnée dépend toujours de la validité de la disposition principale.

Anne Taillandier aurait répondu en premier lieu que, si elle a jouy des biens de son mary, ce n’a été que pour employer les revenus au paiement des charges à la nourriture et à l’entretien de ses enfants et de leur famille, et qu’ainsy, en supposant qu’elle n’eut pas le droit de jouir par usufruit de la totalité de ces biens, il y aurait toujours de la mauvaise grâce de la part de ses enfants, qui soutiennent leur portion exempte d’usufruit, à la quereller pour des jouissances dont ils ont profité.
Elle aurait ajouté, à l’égard de Jean Baile, que son contrat de mariage, en premières noces, du 29 février 1774, l’assujettissant à rapporter ses travaux, industrie et revenus dans sa maison sans pouvoir faire aucun proffit particulier, non seulement sa demande de restitution de jouissance des biens de son père était déplacée mais qu’elle est en droit de lui demander le rapport des sommes qu’il a employées en acquisitions depuis le contrat de mariage qui lui interdisait tout profit particulier.

Les dits Baile, de leur côté, auraient répliqué que, s’ils ont été nourris et entretenus avec leur femme et leurs enfants dans la maison de leur mère, les travaux ont bien compensé cette nourriture et entretien. A l’égard de Jean Baile, il aurait répondu en son particulier, que la clause de son premier contrat de mariage, que sa mère lui oppose, est une erreur glissée dans le contrat contre l’intention commune des parties, bien clairement manifeste. Dans le contrat de tous ses autres frères, où les proffits ne leur sont point interdits, qu’il n’y a pas d’apparence que sa mère ait voulu le traiter différemment que ses autres enfants, et que cette vérité se confirme par son dernier contrat de mariage, tout à fait différent du premier. Les parties auraient encore ajouté réciproquement différents autres moyens, mais désirent perpétuer entre elles la paix et l’union et se rendre mutuellement justice par des voies de conciliations amiables ; elles ont traité et transigé ainsy qu’il suit :

[Note de l’auteur : j’ai choisi, parmi les conclusions de ce traité, celles qui me paraissent les plus intéressantes pour montrer comment pouvait s’organiser l’exploitation des terres, conjointement entre les trois frères.]

Article 1 – La dite Anne Taillandier se départ et désiste envers les dits Thomas Baile jeune, François et Jean Baile, acceptant, de tous les droits d’usufruit qu’elle pourrait avoir ou prétendre sur les biens de la succession de deffunt Géraud Baile, son mary, ou partie d’yceux à quelques titres que ce soit conçut, encore que le dit Thomas Baile jeune, François et Jean Baile eurent, jouissent et disposent comme de leur chose propre, à commencer leur jouissance pour la récolte de l’année actuelle, cueillie ou à cueillir, à charge par eux de payer les cens, rentes, tailles et autres impositions et redevances.
         Article 3 – Les dits Baile frères quittent et déchargent la dite Taillandier, leur mère, de toute restitution que certains d’eux auraient pu prétendre contre elle des jouissances de leurs biens paternels ou de ceux de leur femme sous la condition expresse, acceptée par la dite Taillandier, que le dit Jean Baile demeure quitte et déchargé de toutes recherches et répétitions pour raison des acquisitions qu’il a faites, nonobstant la clause de son contrat de mariage du 20 janvier 1774, pour laquelle il était dit qu’il ne pourrait faire aucun proffit particulier, laquelle demeure comme non avenue, tant pour le passé que pour l’avenir.
         Article 5 – Les parties continueront d’habiter ensemble pendant tout le temps qu’elles pourront compatir, et pendant tout le dit temps, les dits Baile comparants jouiront des biens de la dite Taillandier, leur mère, à la charge pour eux d’acquitter les cens, tailles et rentes, et de la nourrir, loger, entretenir, et lui payer chaque année la somme de 12 livres de pension pour ses menus plaisirs. Le cas d’incompatibilité arrivant, la dite Taillandier reprendra la jouissance de tous ses biens et en outre il luy sera payé annuellement une pension viagère et (alimentaire) de 3 septiers de bled seygle et 36 livres argent, moitié de six en six mois et par avance, laquelle prendra cours du jour de l’incompatibilité, arrivée avec convention, que dans le cas si l’un ou plusieurs de ses enfants se retireront de sa compagnie, ils seront tenus de payer leur part proportionnelle de la dite pension, et y celluy d’entre eux avec qui elle continuera de vivre.
         Article 6 – Au moyen des accords et arrangements cy-dessus, l’administration de la maison étant désormais à la charge des dits Baile comparants, les épargnes et proffits et pertes qui pourront se faire seront pour leur compte.
         Article 8 – Les parties, en conséquences des présentes, se tiennent mutuellement et réciproquement quitte de tous les objets sur lesquels ont toutes et dépendances déclarants que toutes les conventions exprimées en ces présentes, qu’elles ont mutuellement acceptées, ont été convenues en accord, l’une en considération de l’autre, et qu’en conséquence, elles sont toutes mutuellement dépendantes l’une de l’autre sans préjudice de leurs autres droits qu’elles se réservent réciproquement.

Fait à Aubière, étude de Girard, l’un des notaires soussignés, le 9 août 1779 avant midi. »

© Cercle généalogique et historique d’Aubière (Marie-José Chapeau)






[1] - Thomas Baile aîné, veuf de Marguerite Villevaud, s’est remarié cette anné 1775 avec Charlotte Roche, veuve de François Planche, et a quitté la communauté pour s’occuper des biens de sa nouvelle épouse.

mardi 25 juin 2013

Journal économique de Jean-Baptiste André - 67



1790-1842

Toutes les semaines retrouvez ce document inédit exceptionnel
Le Journal économique du fils du dernier seigneur d’Aubière

Épisode 67
Mai et Juin 1798


May et juin 1798
[Page 70]

Prix des denrées pancarte : froment 21£ 10s ; seigle 13£ 10s ; orge 10£ 10s

1- Nous étant transportés avec Jean Cougout, Jacques et Antoine Marin et Chossidon, fermiers de ma sœur à Aubière, dans les bâtiments qui leur ont été cédés par leur bail du 12 messidor an 5, nous avons vérifier que dans la chambre du Rossignol, il manquait d’un côté, 23 carreaux de vitre ; l’autre étant sans carreaux ni châssis fermant seulement avec un volet ; que dans le grenier au-dessus, il manque une trentaine de carreaux de brique, grands ou petits, et qu’il n’y a point de clef à la serrure ; que dans l’escalier, il n’y a point de fenêtre ; que dans le fenière, il manque les barres des trois fenêtres ; qu’à la porte de ladite fenière, il manque la serrure et le cadenat ; que dans la petite chambre, il y a deux fenêtres sans carreaux ni volets, et que la porte est sans serrure ; qu’à la porte d’en bas, il y a une mauvaise serrure sans clef ; que le jardin a été pris sans bêcher et qu’au petit cabinet dud. jardin, il y a un t… [illisible] sans cadenat.

Haut de la Porte du Rossignol

2- M’étant transporté dans le logement cédé à Planche, fermier de mon beau-frère, nous avons remarqué qu’à la grande fenêtre de la cuisine, il manque cinq carreaux, à celle de l’évier, six carreaux, à celle sur la cour, dix carreaux, à celle de la chambre à cheminée, quatre carreaux, à celle du bêcher, onze carreaux, à celle de la chambre d’en haut à cheminée, quatre carreaux, à celle de la petite chambre à côté, douze carreaux cassés, à celle de la chambre près les commodités, six carreaux, à celle du corridor, deux carreaux, à celle de l’office sur la terrasse, deux carreaux ; qu’il manque de plus la clef du bûcher et celle de la chambre près les commodités. [Signature de Planche !]

3- D’après le rôle de l’an cinq de la commune d’Aubière, nous sommes portés en totalité à une somme en principal de 1.124£, en sols additionnels à celle de 249£ 10s, total : 1.373£ 10s. Sur quoi, il y a pour l’an six, un sol pour livre à déduire sur le principal ; ce qui le réduit à 1.067£ 16s et, joint aux sols additionnels, à 1.317£ 6s.

4- Jean Dégironde panissasse, Marguerite Jean Thévenon et Charles Gioux, Guillaume et Annet Arnaud ont pris pour neuf années consécutives, qui prennent cours au mois de janvier 1799, chacun six œuvres de vigne, faisant partie de la terre de la Bernard, à prendre du côté de nuit. Lesquelles six œuvres, ils jouissent actuellement en vertu du bail qui doit expirer au mois de janvier prochain, et ce à la charge de payer toutes les impositions qui pourront y être mises ; à la charge aussi de laisser les deux thiers de la vigne en état et duement échalassées, et ce moyennant, pour chacune des six œuvres, la somme de quarante livres par années. Les noix des noyers leur appartiendront, à la charge pour eux de les remplacer, et il doit être laissé une place de six pieds pour qu’ils ne soient point endommagés.



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vendredi 21 juin 2013

Inventaire d’une maison de vigneron en 1772

Saga Bayle - volet 1

Une nouvelle fois, nous pénétrons dans la maison d’un défunt aubiérois. Cette fois, près de 200 ans plus tard [voir La famille Dumolin en 1590]. Il s’agit aujourd’hui de la famille Bayle (Baille ou Baile) dont nous vous donnons la composition ci-dessous. Encore une fois, on minimise la valeur des choses. Même le poulain de trois mois est « de presque aucune valeur ». On s’étonne que cette famille, pas si pauvre que cela, conserve çà et là dans les chambres ou les greniers « une vieille arche toute poury qui ne peut servir à rien » ou « un petit coffre entièrement poury lequel ne peut être d’aucun uzage » et même lorsque le fils fait quelques bénéfices ce ne sont que des « petits proffits » !...

Le vigneron Géraud Bayle, décédé le 11 novembre 1772, laisse sa veuve Anne Taillandier (°03/04/1714 ; +04/03/1786) et 6 enfants :
·         Antoinette     °13/07/1735  x 05/02/1765 à Pierre Blanc
·         Gilbert          °1737           + 26/03/1744
·         Thomas l’aîné °23/04/1739  x1 05/02/1765 à Marguerite Villevaud
                                           x2 24/01/1775 à Charlotte Roche
·         Martin          °28/04/1741  x 12/01/1768 à Gilberte Finaire
·         Marie           °30/10/1743  + 25/06/1745
·         François        °21/11/1747  x 04/02/1772 à Michèle Noëllet
·         Jean             °10/01/1753  x1 03/01/1774 à Étiennette Lacombe
                                          x2 03/02/1778 à Marie Roche
                                          x3 10 vendémiaire an 7 à Gilberte Lance
·         Thomas        °01/04/1756  x 21/02/1775 à Isabeau Bourcheix


« Aujourd’hui premier décembre mil sept cent soixante douze par devant nous, Girard, Arthème Thoury conseiller du roy, seul et unique juge civil et criminel et de police en la justice d’Aubière, le procureur d’office en ladite justice, a démontré que le nommé Géraud Baille, vigneron habitant de ce lieu, est décédé depuis environ quinze jours, qu’il a laissé Thomas, François, Jean et autre Thomas Baille, ses fils, que lesdits Thomas jeune et Jean sont encore mineurs, qu’il avait un autre fils, Martin Baille, qui fut marié avec Gilberte Finaire, et qui est décédé depuis environ quatre ans, et a laissé de son mariage Jeanne Baille, âgé d’environ cinq ans.
Que par contrat de mariage dudit Thomas Baille l’ayné, avec Marguerite Villevaud, du 16 janvier 1765, ledit deffunt Géraud Baille et Anne Taillandier sa femme, l’ont institué leur héritier par égale portion avec lesdits Martin, François, Jean et autre Thomas Baille leurs autres enfants de tous leurs biens dont ils m’auront saizit sous la rézerve de jouissance d’iceux dont le dit Géraud Baille et la dite Anne Taillandier sa femme se sont fait donnation mutuelle.
Que, pour l’intérêt tant des mineurs que des majeurs, enfants dudit Géraud Baille, il est besoin qu’il soit procédé (…) et la position des scellés sur les meubles (…) de la succession pour être ensuite fait inventaire en la manière ordinaire, pour en constater l’état, la qualité et la valeur ; et, à cet effet, il a requis notre transport dans la maison où est décédé ledit Géraud Baille, sur laquelle réquizition, nous nous sommes transportés, avec le procureur d’office, assisté de Me Etienne Beaudonnet, notre greffier ordinaire, et, dans la maison, nous avons trouvé Anne Taillandier, sa veuve, et le dit Thomas Baille l’ayné son fils, auxquels ayant fait connaître le sujet de notre transport, ils nous ont dit que les meubles et effets de la succession du dit Géraud Baille sont en évidence et nécessaires à leur uzage ordinaire, qu’il n’y a que les papiers qui puissent être mis sous les scellés. Ils nous ont en conséquence requis de nous abstenir de poser les scellés sur autre chose que sur les dits papiers, sauf de faire par nous présentement inventaire et description de tous le surplus qui est en évidence.
Sur quoy, muni du consentement du procureur d’office, avons procédé au dit inventaire et description comme s’ensuit :
Premièrement, dans la chambre où est décédé le dit Géraud Baille, s’est trouvé son lit composé de ridaux d’étoffe de ménage, coulleur de feuille morte, garny de gallons bleus fort uzée, d’une couverture de laine commune mis uzée, un lit de plumes fort minsse, deux draps de lit et une paillasse, et le chalit bois de cerisier.
Plus un autre lit composé de ridaux de l’étoffe de ménage, coulleur sitron, garny de galon bleu mis uzée, une couverture de laine très uzée, deux mauvais lits de plume, deux draps de lit, et une paillasse, et le chalit bois de noyer.



Plus un vesselier à la mode bois de fruitier ayant trois rayons, buffet à deux portes et deux tiroirs dans le bas, plus une grande table longues quatre pilliers, avec un tiroir au-dessus bois de fruitier, avec deux bancs bois de sapin, plus une table pliante bois de sapin, plus quatre cheizes de paille fort uzée.
Plus une grande marmitte de fonte à tenir environ un pot, autres deux petites marmittes aussi de fonte, l’une à tenir environ trois quarte, et l’autre deux, deux poilles à frire, une presqu’uzée, plus un petit bassin de cuivre jone à tenir environ trois quarte, mezurée une cuiller écumoire à pot de fer, une courmalière[1] fort minsse, un petit chine de fer, un mauvais gris de fer, un chandelier de fer, un petit poelon de cuivre jone entièrement uzé, six assiettes de faillance commune, une petite lanterne de fer blanc, une mesure d’huile de fer blanc, deux mauvaises cache d’estein, deux lampes de cuivre et de fer, un fer à repasser le linge.
Plus deux coffres de bois de sapin, que le dit Thomas Baille a dit lui appartenir en particulier, comme étant du chef de sa femme, et dans lesquels se sont trouvés les habits et linge à son uzage et de défunte sa femme.
Plus une armoire de bois de noyer à quatre portes et deux tiroirs dans le milieu, et dans laquelle se trouvent les habits du deffunt, consistant en deux camizolles[2] laine, l’une de drap, l’autre de draguet, deux paires de culottes de serge de ménage, deux paires de guêtres, l’une de serge, l’autre de draguet, deux mauvais chapeaux, vingt chemises de toile de ménage entièrement uzée, et un mauvais bonnet de laine, plus seize draps de lit de toile de ménage mi uzée, plus trois nappes, l’une grande et les autres moyennes, et les habits et linges à l’usage de la veuve, et dans l’un des tiroirs se trouvent les papiers de la dite succession, et, attendu qu’il n’est point à présent question d’en faire inventaire, nous avons, à la réquizition du procureur d’office, aposé un scellé sur le dit tiroir avec un bande de papier cachetée sur les deux bouts.
Dans la chambre à cotté s’est trouvé deux lits garnys de ridaux de serge de ménage, coulleur verte, à galon blanc, excepté qu’il manque au dit lit les ridaux de la ruelle, les dits ridaux sont mis à chacun des lits, une couverture de laine mi uzée à chacun des dits lits, un petit lit de plume très uzé, un chevet, deux draps de lit et une paillasse à chacun, et les chalys en bois de noyer fort uzés.
Plus une vieille armoire bois de noyer à quatre portes et deux tiroirs dans le milieu, dans laquelle se sont trouvés les habits, linges et hardes à l’uzage des autres enfants du dit Géraud Baille, plus une autre armoire bois de sapin à deux portes, dans laquelle il s’est trouvé deux paquets de chanvre peigné, pesant huit livres, et quelques mauvais linges à l’uzage de la veuve.
Plus un petit coffre de bois de sapin que la veuve du dit Géraud Baille a déclaré appartenir au dit Thomas Baille jeune, qu’il aurait acheté de ses petits proffits, dans lequel il se trouve quelques fruits, plus un autre coffre de bois de sapin que la dite veuve a dit appartenir à Michèle Noellet, sa belle-fille, femme du dit François Baille.
Plus les habits, hardes, impese et linges à l’uzage des autres enfants, et un berceau bois de sapin.
Et, après avoir vacqué depuis l’heure de huit du matin jusque celle de midy, avons remis la continuation du présent procès-verbal à deux heures de relevée de ce jour d’hui, et avons signé avec le procureur d’office et notre greffier. La dite Taillandier veuve et le dit Thomas Baille l’ayné ont déclaré ne savoir signer de ce enquis, et ont signé Thoury bailly, Girard procureur d’office et Beaudonnet greffier.

Et le dit jour premier décembre 1772 à deux heures de relevée en conséquence de la remise dont la précédente datte nous juge susdit susscellé comme dessus de notre greffier et en présence de notre procureur d’office, nous sommes transporté dans la maison où est décédé le dit Géraud Baille où nous avons trouvé la dite Taillandier et le dit Thomas Baille l’ayné, et en continuant le présent procès-verbal, nous avons trouvé dans une petite chambre, à la suite des deux premières, un bois de lit de noyer avec le surciel bois de sapin où il y a une paillasse et un mauvais lit de balles tout pouryes sans chevet et autre garniture.
Plus une vieille arche bois de sapin toute poury qui ne peut servir à rien.
Plus un petit coffre bois de sapin entièrement poury sans ferrures ni ferement, et lequel ne peut être d’aucun uzage.
Plus, dans le petit grenier au-dessus de la dite chambre, environ six bachollées de pommes communes, plus dans l’autre petite chambre qui est à cotté une vieille met à pétrir bois de sapin.
Plus dans le grenier qui reigne sur les premières chambres, une arche de bois de sapin presque neuf, à tenir environ huit septiers bleds.
De là, sommes descendus dans le cuvage, qui est au-dessous des premières chambres, dans lequel il s’est trouvé six pièces remplies de vin, de la récolte de l’année présente, contenant cinquante pots de chacune l’une dans l’autre, plus quatre pièces de petit vin, contenant trente pots chacun l’une dans l’autre, plus un petit poinsson[3] de vinaigre, contenant six pots, plus quatre cuves, l’une grande à tenir environ dix-huit sommes[4], l’autre quatre sommes. Plus douze bacholles mi uzées en entenoire des bacholles.
Plus, dans un cuvage qui est sous les dernières chambres, il s’est trouvé une cuve neuve à tenir environ dix-huit sommes de vendanges, et dans une petite étable, un cochon de l’âge environ huit mois.


Plus une grange dépendant de la dite succession, scittuée au quartier de la Quaire, a été trouvé un tas de gerbes de bleds seigle, contenant environ huit cent.
Plus un petit tas de foing, contenant environ un chard, plus dans l’étable attenant à la grange, deux vaches errans, l’une poille rouge, l’autre poille noir avec un veau de trois semaines, plus dans la cour de la dite grange un chard à quatre roues ferrées fort uzées.
Qui sont tous les meubles, effets et denrées qui se sont trouvés dans les bâtiments de la dite succession où nous sommes transportés. Et, après que la dite Taillandier, veuve du dit Géraud Baille, et le dit Thomas Baille son fils ayné, ont, par serment présentement prêté devant nous, n’avoir aucune connaissance qu’il n’y ayent d’autre et n’y avoir soustrait ni divertir aucuns, nous déclarant néanmoins qu’il y avait au décès du dit Géraud Baille, un poulin à l’âge de trente mois qui fut vendu et de presque aucune valeur qu’il fut déclaré payé au Thomas, maréchal de ce lieu d’Aubière, auquel le deffunt avait délivré une jument pour vendre à la foire dernière, et qu’il vendyt effectivement, mais que n’ayant pu rendre compte du prix qu’il en avait tiré, il délivre le dit poulin en disant qu’il l’avait troqué pour la dite jument, sous un retour de la somme de trente deux livres, pour laquelle il consentit une obligation dont il y a grand risque d’estre payé par le peu de solvabilité du dit Jean Thomas.
Déclare aussi la dite Taillandier et le dit Tomas Baille l’ayné qu’ils ont vendu depuis le décès de Géraud Baille une pièce de trente six pots de vin de la dite succession à raison de quarante sols le pot, et qu’il fut trouvé, après le décès de Géraud Baille, trois louis d’or de vingt-quatre livres pièce, qui ont été employés aux affaires de la dite succession. Dont en dû.
Nous avons signé, dressé procès-verbal, qui a été fait et clos le dit jour et sur l’heure de cinq du soir. Ordonnons qu’à la requête du procureur d’office, qui fera prestament procéder à la tutelle des enfants mineurs du dit Géraud Baille, et de la mineure du dit deffunt Martin Baille, et avons signé avec notre greffier et le procureur d’office, la dite Taillandier et le dit Thomas Baille ont déclaré ne savoir signer de ce enquis, et on a déclaré que le dit mobilier est de la valeur de neuf cent livres, et, à la minute, ont signé Thoury baillif, Girard procureur d’office et Beaudonnet greffier.

L’inventaire des papiers, qui nous aurait donné la liste des obligations et des propriétés foncières de Géraud Baille, nous aurait sans doute permis de cerner plus précisément la fortune de cette famille, malheureusement, il n’a pas (encore) été retrouvé…

© - Cercle généalogique et historique d’Aubière, Marie-José Chapeau, archives privées.



[1] - Courmalière : lire crémaillère. Cet objet important est toujours cité en priorité dans les anciens inventaires après décès, car il symbolise le feu et l’habitation.
[2] - Camizolle : camisole, sorte de vêtement à manches, et court, qui se portait sous ou sur la chemise.
[3] - Poinsson : poinçon, mesure de capacité pour les liquides et matières sèches. Pour le vinaigre, un tonneau de 200 litres.
[4] - Somme : ancienne mesure de capacité. Pour la vendange, 200 litres environ.