Actualités


vendredi 29 août 2014

Saint-Loup - Un poème de Jean Brugière



La Fête Patronale

C’est la Saint-Loup, bien sûr !
Pour son 145ème anniversaire, elle est consacrée aux enfants. Vous trouverez le programme en fin de page.
Comme d’autres Aubiérois du XXème siècle, Jean Brugière fut vigneron et poète ! Mieux ! Jean Brugière s’adonna aussi à l’histoire locale à la fin de sa vie. On lui connaît notamment « L’histoire de la commune d’Aubière ». Aucun de ses écrits n’a jamais été publié. C’est en 1915 qu’il écrit « Poèmes aubiérois » dont est extrait le texte qui suit : La Fête Patronale. L’office religieux dans tous ses détails…


Le jour de la Saint-Loup, à l’église on se presse.
Très nombreux sont les gens venus à la grand’messe
Et les croyants jeunes ou vieux
Se mettent à genoux, en entrant, priant Dieu.
Et monsieur le curé qui commence l’office
Ce jour est assisté par quatre enfants novices,
Les quatre enfants de chœur
Portant calotte rouge et l’habit de rigueur.
Et tandis que le prêtre officie à voix basse,
Mes yeux sont attirés par des rayons qui passent
Du côté de l’abside à travers des carreaux.

Ces rayons de soleil font briller les vitraux
Et devant l’Enfant-Dieu et la Sainte famille,
Maintenant les joyaux des rois mages scintillent
De ces rois mages qui sont venus louanger
La mère de Jésus. L’étoile des bergers,
Que l’on voit tout en haut du ciel, en perspective,
Semble briller aussi d’une clarté plus vive.

Église Saint-Martin d'Aubière - le choeur

J’ai maintenant les yeux fixés sur les décors
Et suivant les piliers jusqu’au milieu des cintres,
Je vois tous ces travaux que viennent de faire les peintres
Et je vois le ciel bleu parsemé des étoiles d’or.
Et mes yeux se promènent
Sur tous les grands vitraux où je vois Sainte Philomène
Et puis Sainte Marie, ensuite, Saint Joseph.
Bien accrochés à ces hauts piliers de la nef,
Comme magnifiés par la clarté des lustres,
En leur geste sacré, je vois nos saints illustres :
Saint Roch et Saint Verny, Saint Michel et Saint Jean.

Le prêtre officiant a pris la chasuble d’argent,
Les enfants de Marie entonnent des cantiques,
L’harmonium accompagne, en ce jour de gala,
Toutes ces voix d’enfants jeunes et angéliques
Semblent alors nous transporter dans l’au-delà.

Tout fidèle Aubiérois assiste à la grand’messe ;
À l’élévation tous les hommes se dressent,
Deux enfants de chœur agitent l’encensoir,
Le chœur est si bondé qu’à peine on peut s’asseoir.

Les hommes habillés de leur plus beau costume
Bleu foncé, gris ou noir, variés comme il est coutume ;
Devant la nappe blanche de l’autel ;
Donnent à cet office un ton imposant, solennel.
Au milieu de la nef, voici que la musique
La Gauloise nous joue un morceau de Mozart.
Cette harmonie enchanteresse et magnifique ;
Ce chant religieux est un chef d’œuvre d’art.

Et dans la nef, les jeunes femmes, les fillettes
Toutes en très grandes toilettes
D’une mise élégante et qui sied à ravir.
Certes ! un nouveau Pâris, ici pourrait choisir
En leur robe de laine, en leur robe de soie,
Leur robe de velours, leur robe de satin
Grisent ces beaux enfants et dans leurs yeux mutins,
Au moins de la plupart on voit briller la joie.
Cette élégante en sa robe d’un beau velours,
Le croiriez-vous qu’on la voie aux champs tous les jours. (1)

Toutes ces fillettes parées,
Dans leur cerveau, certes ! aucun souci ne se glisse.
C’est notre jeunesse dorée
Qui vit encore en ce beau Jardin des délices.

Les femmes d’âge mûr et les bonnes grand’mères,
Quoique très bien ont une mise plus sévère.
Pour leur toilette, elles ne font guère de frais.
Avec leur bonnet blanc gaufré
Et leur corsage noir : tout leur vêtement sombre ;
Sinon toutes, du moins, c’est bien le plus grand nombre.
Et de leurs sentiments, maintenant, est banni l’orgueil.
Beaucoup d’elles portent le deuil.
Celle-ci, c’est de ses enfants ; celles-là, c’est de son mari.
Ces peines-là mettent parfois les cheveux gris.
Et les beaux jours s’en vont et puis l’espoir s’envole.
Alors, c’est l’église qui les console.
C’est là qu’elles vont prier Dieu
Pour leur chers disparus : leurs enfants ou leur pauvre vieux.

On vient d’ouvrir la grande porte,
La messe est terminée et voici que tous les gens sortent.
Tandis que dans notre clocher bâti de lave,
Les deux cloches envoient leurs sons majestueux et graves
En sonnant à toute volée ;
La foule, alors, tout doucement s’est écoulée.

Jean Brugière devant sa bibliothèque
(Collection Bayle-Brugière)

Jean Brugière (1869-1945)

Note de J.B. :
(1) - A cette époque, les jeunes mariées aubiéroises avaient la réputation de porter des toilettes de haut prix achetées à la Maison Toissot et Grasbaunn à Clermont-Ferrand.


La saint-Loup 2014

Avant la rentrée… on s’éclate !

Le programme !


N’oubliez pas votre « Vigneronne » chez tous les boulangers d’Aubière !

© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière

A voir aussi : C’est la saint-Loup !



jeudi 28 août 2014

Antoine Delongchambon, mort pour la Patrie



Antoine Delongchambon, né le 19 mai 1877 à Aubière, est fils de François et d’Antoinette Soleil. Il était l’aîné de quatre enfants, un fils et trois filles. Ses sœurs se prénommaient toutes Françoise !
Il s’est marié à Annette Virginie Coquel à Chamalières le 6 octobre 1902. Son seul enfant, Marcel est né le 15 mars 1905 à Chamalières. La guerre venue, sa femme et son fils viennent vivre à Aubière. C’est là qu’ils apprendront qu’Antoine est mort suite à ses blessures reçues à la bataille de Fontenoy, le 13 novembre 1914.


Antoine Delongchambon
(Archives communales d'Aubière)

Musicien aux Enfants d’Aubière, Antoine Delongchambon avait fait son service militaire à la musique du 105ème Régiment d’Infanterie. Durant le conflit, il sera affecté au 305ème Régiment d’Infanterie.

Lettre du sergent-major au maire d'Aubière
(Archives communales d'Aubière)

« Le 15 novembre 1914. Monsieur le Maire, J’ai l’honneur de vous apprendre la mort du soldat Delongchambon Antoine d’Aubières (sic). Il est tombé en brave le 13 novembre 1914. C’était un excellent camarade et nous le regrettons tous beaucoup. Nous vous serions bien obligés si vous vouliez bien communiquer cette nouvelle, avec tous les ménagements voulus, à Madame Delongchambon à Aubières (resic). Vous voudrez bien présenter à la famille nos condoléances émues. Je suis, Monsieur le Maire, votre respectueux serviteur. P. Marrie, sergent major 21ème Cie »

(Archives communales d'Aubière)

Fontenoy (encerclé)
(Carte Michelin)

Extraits du J.M.O. du 292ème R.I. - à Fontenoy les 12 et 13 novembre 1914 où le 305ème R.I. d’Antoine Delongchambon est cité :

12 NOVEMBRE 1914
Notre artillerie continue à tirer sur les tranchées et les batteries allemandes.
A 3 heures 30 ainsi qu'elle en a l'ordre, elle rend son tir plus intensif pour préparer l'attaque de l'Infanterie.
A 5 heures la 24ème Compagnie reprend la tranchée abandonnée tandis que le 305ème placé à la gauche du 292ème se prépare à prendre d'assaut les tranchées ennemies qui lui font vis à vis.
A 6 heures la 21ème Compagnie se porte sur la ligne et bouche l'intervalle qui sépare la 21ème de la 24ème ; la 19ème est placée en soutien à la falaise près du centre de résistance C.
A 6 heures 45 toutes les Compagnies sont en place et prêtes à appuyer par leurs feux les attaques du 305, et à se porter en avant après la réussite du mouvement du dit Régiment.
Malgré l'intensité du tir de notre artillerie, les diverses attaques du 305ème ne donnent aucun résultat ; et de ce fait le 292ème n'a pas à se porter en avant.
Vers 16 heures notre artillerie incendie 2 hangars à TARTIERS ou des mouvements ennemis avaient été observés. Le reste de la journée se passe sans incident, et la 24ème Compagnie qui s'est solidement fortifiée dans la tranchée reconquise conserve sa position. Le Régiment a fait ce qu'on attendait de lui. Blessés : 5 Hommes.

13 NOVEMBRE 1914
Notre artillerie tire toujours mais avec moins d'intensité. A 5 heures le 321ème parvient à faire un bond en avant et à se retrancher à quelques mètres du réseau de fil de fer allemand ; le feu ennemi est arrêté et la 19ème Compagnie revient à son cantonnement de FONTENOY.
Blessé : 1 Homme.


Sous le feu de l’artillerie

Cet homme blessé le 13 novembre est peut-être Antoine Delongchambon. Il succombera rapidement des suites de ses blessures. Son avis de décès, du 19 janvier 1915, déclare qu’il est mort de « blessures de guerre » à Fontenoy.

Note destinée au Service des Pensions de guerre
(Archives communales d'Aubière)


Sources : Archives communales d’Aubière ; Wikipédia


© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière (Pierre Bourcheix)

Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/
 
 

mercredi 27 août 2014

Aubière dans les profondeurs de la Terre...

Dans La Montagne du 27 août 2014


Un bel article pour nos caves, même si subsistent quelques imprécisions...
Une mise à jour des connaissances est à suivre sur notre blog :
http://cghaubiere.blogspot.fr/

Et pour la cave à Madame, si elle a appartenu à Gilberte de Larochebriant, cette dernière n'est sans doute pas celle qui lui a donné son nom :
Le musée de la Vigne et du Vin


© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière


lundi 25 août 2014

1914 : une semaine avec un poilu aubiérois_04



Durant le mois d’août, et peut-être plus, nous allons suivre un soldat aubiérois, jour après jour, grâce à ses carnets de guerre. Il s’agit d’Eugène Martin (1886-1970).

Les carnets de guerre d’Eugène Martin ont été retranscrits par Catherine Vidal-Chevalérias, petite-fille d’Eugène Martin, avec l’autorisation de ses petits-enfants : Jean Roche, Annie Roche, Françoise Courtadon, Jean-Pierre Fauve, Jacques Fauve et Jacqueline Actis.
Ils ont été publiés dans le numéro 66 de Racines Aubiéroises, revue du cercle généalogique et historique d’Aubière, en juin 2010.
- Les mots soulignés l’ont été par Eugène Martin ;
- Les photographies, transmises par la famille d’Eugène Martin, sont signalées par la mention entre parenthèses : Collection Eugène Martin.
- Nous avons complété les notes de bas de page de la famille d’Eugène Martin, notamment pour signaler la situation géographique des lieux.
- Les titres sont d’Eugène Martin, sauf ceux en italiques qui ont été ajoutés par nous.

Campagne d’Alsace suivie de la Campagne de France

25 août.
Le matin, nous nous levons de bien bonne heure car il n’a pas fait chaud la nuit. Le matin nous faisons le café et un peu de bouillon sur les lieux et nous attendons l’ordre de partir. Nous sommes tout étonnés de reprendre la route de France, mais ce n’est pas la route de Belfort. Nous allons dans les Vosges, disons-nous. Par une fantaisie du colonel Dumouly, que j’avais connu commandant au 36ème, les servants feront l’étape à pied sous un soleil ardent et une poussière étouffante. Mais nous nous arrangeons entre nous pour monter de temps en temps sur la flèche du caisson pendant que les autres deux surveillent.
Après une étape de 29 km, nous arrivons à 10 heures du soir à Giromagny (1), jolie petite ville dans les Vosges. Nous formons le parc dans un champ derrière la caserne du 60ème. Nous sommes tellement fatigués que nous n’avons pas le courage de préparer à manger. Nous rentrons dans un café et là nous prenons un bout de pain, une boîte de sardines, une bière et limonade, et nous allons à la recherche de notre cantonnement qui est dans une salle d’une société de boys-scotts [sic] et, pour ma part, je ne suis pas long à m’endormir.

26 août.
Quand nous sortons dehors au matin, il pleut à verse, il faut pourtant chercher un endroit pour faire notre cuisine. Nous allons au parc. Peut-être trouverons-nous une cuisine auprès de nos caissons. En effet, l’ami Bertrand, qui est chargé de ce service, a la bonne fortune de tomber dans un hôpital où les sœurs mettent tout leur matériel de cuisine à notre disposition et font tout leur possible pour nous aider. Que de soldats dans cette petite ville. Le groupe du 36ème, du 53ème, le 305ème entier sont cantonnés ici : je vais pourtant me faire raser, il faut profiter du coiffeur. Il pleut toute la journée. Nous allons dans la soirée, avec Villeneuve, en quête d’un bol de lait et nous montons vers une ferme assez haut sur la colline. Nous arrivons là, il n’y en a plus mais on nous désigne une maisonnette un peu plus loin. Nous allons à regret car il va pleuvoir ; il fait un temps sombre. Nous allons, il n’y a que du lait de chèvre. Nous buvons tout de même, ces braves gens sont contents de nous faire plaisir, le mari est aussi à la guerre. Tout ça, c’est bien beau, mais il faut revenir au pays et, dame, il en tombe à torrent. Nous attendons un instant, puis nous en prenons notre parti et, d’un galop à travers champ, nous rejoignons nos camarades. Il n’y a plus qu’à se sécher et tout sera oublié. Nous couchons ce soir dans un fenil à l’hôpital, après une petite visite en ville.

Cliquer sur la carte pour l'agrandir
De Bernwiller à Giromagny (Carte Michelin)

27 août.
Aujourd’hui, séjour à Giromagny. Je fais des provisions de conserves, chocolat, serviette. Nous devons partir à 10 h du soir pour aller embarquer à Belfort. C’est bien vrai, la décision du cycliste que nous avions trouvé. Et beaucoup parlent à regret de n’avoir pas encore tiré un coup de canon : « Nous retournerons à Clermont avec nos caissons pleins. », disent-ils, d’un air navré. À 9 heures, préparatifs de départ, et à 10 heures militaires, nous partons. La route se poursuit au pas, mais bon train ; il ne fait pas chaud. Après une heure ½ de marche, je m’endors sur l’épaule du Gros qui lui aussi sommeille sur celle de son voisin.
Nous arrivons à Belfort à 12 heures ½. Il se met à pleuvoir maintenant. Les caissons sont dételés sur le quai, ils s’enchevêtrent entre les voitures. Un tombe entre un wagon et le quai. On le retire comme on peut, à l’aide de cordes, et nous nous mettons à charger nos caissons. Ça ne va pas. Les roues nous glissent entre les mains et, après l’opération, nous sommes remplis de boue. Enfin, ça y est. Nous montons, comme au départ des Gravanches, dans un wagon à bestiaux. On nous distribue du pain et des boîtes de conserves pour deux jours. Nous allons, paraît-il, jusqu’à Amiens.

28 août.
Le train s’ébranle à 4 heures du matin. Nous passons à Besançon. Là, dans la caserne, les bleus de la classe 1914 déjà rentrés font la manœuvre ; les artilleurs apprennent dans un champ voisin de la ligne les premiers exercices du 75. Point d’arrêt nulle part. Dôle, Dijon, Sens. Le parcours s’effectue très favorablement. Dans toutes les gares où le train stoppe, les habitants sont enthousiastes. De partout, on nous comble. Ici du pain et du chocolat, des cartes postales et crayons, du vin. Là, des fruits, des friandises, du café. Ailleurs des œufs, du beurre, du lait. Ceux qui sont au premier rang devant la portière font ample provision.
Nous arrivons à la nuit à Melun et nous cherchons alors un petit coin dans le wagon où l’on puisse se reposer.

29 août.
Lorsque je mets le nez à la portière, nous sommes déjà à Creil, grande gare, et, comme à Grey, il y a quantité de trains militaires. Là, on fait boire les chevaux, et les hommes ont aussi leur quart de jus. Après une heure d’arrêt, nous repartons. Clermont (Oise) 10 heures. Il faut débarquer. Nous sommes étonnés mais les premiers employés que nous trouvons nous expliquent ce débarquement prématuré. Les Allemands sont déjà aux environs d’Amiens et on ne peut aller plus loin. Vite, nous descendons notre matériel et sortons de la gare. Des bonnes gens sont là avec des seaux de cidre où nous sommes contents de nous rafraîchir car il fait chaud. Enfin, nous partons sur la route d’Amiens.
À une heure, grande halte avant d’arriver à St Just en Chaussée. Nous mangeons une boîte de singe, nous faisons du café et, à l’ombre d’un caisson, nous attendons les ordres. À 4 heures, départ pour aller cantonner au Plessiers St Just (2) à 2 km où nous sommes logés dans une grande ferme.


Campagne de France


La campagne d’Alsace est terminée, va maintenant commencer celle de France.

30 août.
Ce matin, je suis de garde pour prévenir les officiers en cas de départ. En effet à 11 heures, l’ordre arrive : prêts dans une heure. Beaucoup de mes camarades ont lavé leur linge ; vite, sec ou non, il faut le ramasser. On attèle. Et puis à l’ombre des pommiers, qui sont à côté des caissons, nous sommeillons. Le capitaine nous réunit et après nous avoir lu les prescriptions du général, nous explique de quelle formation nous faisons maintenant partie :
« Jusqu’à présent, dit-il, nous étions division de réserve ; maintenant nous formons la 2ème division du 7ème corps remplaçant la 13ème division qui est allée se reposer dans les Vosges. Nous sommes maintenant de la 6ème armée, dénommée armée de Paris, commandée par la général Maunoury (3). Il ne faut donc pas vous étonner ou vous effrayer si vous vous trouvez en première ligne de feu, soit demain soit plus tard, et je compte sur vous pour faire tout votre devoir. »
Enfin, à 5 heures du soir, nous partons. Nous retournons à St Just en Chaussée (4), et puis nous suivons la grand’route d’Amiens. Les aéroplanes sont nombreux et, de sur notre caisson, nous suivons des yeux tous les mouvements de ces grands oiseaux de guerre. Nous quittons un peu plus loin cette route pour un chemin et, après une heure de trot, nous arrivons à la nuit au village de Wavignies (5) où nous cantonnons dans une espèce de grange. Nous formons le parc en haut du village et, après avoir dévoré une boîte de singe, nous allons nous coucher.

"...ces grands oiseaux de guerre..."

31 août.
Alerte à 3 heures du matin. Il faut vite atteler. Nous allons au parc et, sans prendre le temps de faire le jus, nous nous apprêtons à partir. Nous sortons du parc et redescendons dans le village. Nous restons là au moins 2 heures de temps à attendre. Enfin, nous partons. Le 305ème va partir aussi derrière nous. Sur la grand’route d’Amiens, que nous traversons, un bataillon de cyclistes, quelques cuirassiers vont du côté de Paris à fond de train. Et nous, au lieu de reprendre la route d’Amiens, nous prenons une route à gauche. Nous voyons par les indications à chaque village que nous revenons sur nos pas. Nous battons donc en retraite. Et, en effet, nous traversons à une bonne allure beaucoup de petits villages que désertent déjà les habitants. Des voitures, chargées de quelques meubles, le meilleur mobilier de la maison, sont là, attendant le voiturier. À notre passage, les bonnes gens sont devant leur maison un seau de cidre ou d’eau et nous présentent un verre plein que nous buvons en marchant et remettons à une autre personne qui les attend un peu plus loin.
Il fait une chaleur tropicale. Sur la route, les fantassins du 292ème ont abandonné leur sac après avoir mis leur nom dessus. Une voiture réquisitionnée les prendra pour les emmener. Plus loin, ce sont les hommes qui abandonnent la colonne et restent en arrière. Ces pauvres fantassins paraissent bien fatigués et un moment le lieutenant Ronan nous fait descendre de voiture pour faire monter quelques pioupious. Mais ils en abusent, bientôt ce n’est plus 3 servants qui sont sur les coffres, mais une quinzaine installés plus ou moins sur l’arrière-train, si bien que le lieutenant les fait redescendre et nous reprenons notre place avec plaisir malgré notre pitié pour ces troupiers.
Sur les 11 heures, nous faisons la grande halte sur la route. Et pas un arbre pour nous mettre à l’ombre. Nous mangeons une autre boîte de vieux singe que nous avons conservée comme réserve, en plein soleil. On va faire boire les chevaux au village tout proche et on repart à 2 heures de l’après-midi. Nous marchons toute l’après-midi et sur toute la route les fantassins sont couchés sous les arbres. Pourtant, à 7 heures, nous arrivons à la Rue-St-Pierre (6). À la rentrée du village, je rencontre mes amis Roche et Chossidon qui eux sont arrivés au bout de l’étape avec la moitié à peu près du régiment. Ils sont tout de même bien fatigués. On forme le parc dans un champ de peupliers. En arrivant, Arnaud va trouver une place favorable pour faire la cuisine et préparer la soupe, pendant que nous autres plaçons les cordes et allons à la distribution. Nous mangeons avec appétit et nous allons nous coucher dans une grange et je m’endors profondément.

Notes :
(1) – Giromagny (Territoire de Belfort), au nord de Belfort.
(2) – Plessiers Saint Just (Oise).
(3) – Maunoury : Maréchal de France (1847-1923).
(4) – Saint-Just-en-Chaussée, dans l’Oise, au sud d’Amiens.
(5) – Wavignies, à environ 8 kms au nord-ouest de Saint-Just-en Chaussée.
(6) – A l’ouest de Beauvais.


© - Cercle généalogique et historique d’Aubière