Antoine DUBOIS, Curé de
Saint-Nectaire
Annales
Scientifiques littéraires et Industrielles de l'Auvergne Tome VI année 1833
Essais sur les plantes tinctoriales
de l'Auvergne
par M. l'Abbé
Dubois, curé de St-Nectaire, membre de l'Académie
Plantes tinctoriales |
Lorsque les
fonctions que j'avais à remplir, n'occupaient pas tout mon temps, je formai le
projet de passer en revue tous les végétaux indigènes de notre département, du
moins ceux que je pourrais me procurer, dans le dessein de savoir ce qu'ils
pourraient fournir d'utile à l'art du teinturier. Mais les devoirs du ministère
qui se sont multipliés à mon changement de place, et diverses circonstances
particulières, m'ont fait abandonner mon projet presque entièrement. Ainsi, il
s'en faut de beaucoup que j'ai poussé mes expériences aussi loin que je croyais
pouvoir le faire.
Je citerai tout
simplement, par ordre alphabétique, les plantes que j'ai interrogées ; je
rapporterai fidèlement les manipulations que j'ai employées, et les couleurs que
j'ai obtenues. Toutefois j'en laisserai quelques-unes sans les définir, faute
de connaître exactement la nomenclature des couleurs et de leurs nuances ;
et peut-être j'en définirai quelques autres assez mal. Mais un teintutier
expérimenté, ou un marchand de draps corrigera mes méprises, en jetant un coup
d'œil sur les échantillons que j'ai conservés.
Voici les apprêts
dont je me suis servi :
1°. L'alun
seul ; car il m'a semblé, d'après quelques essais, que le lustre qu'on
associe à l'alun n'ajoutait rien aux couleurs. Dans un petit poêlon, j'ai mis
trente grains d'alun, deux gros de laine et un demi-verre d'eau, que j'ai fait
bouillir doucement, presque jusqu'à réduction, en remuant continuellement la laine
avec une petite baguette ; je l'ai bien égouttée, en la pressant avec les
doigts.
2°. La chaux et
l'urine. Dans un pot quelconque, j'ai mis trois parties de raclures de lichen,
et une partie de chaux éteinte que j'ai réduites avec de l'urine, en pâte
molle. J'ai rarement employé la vieille urine ; il est bien vrai que l'urine
récente développe plus lentement la couleur, mais aussi la composition n'est
pas si puante ; j'ai remué de temps en temps le mélange, et au bout d'une
quinzaine de jours, il a été prêt à communiquer sa couleur à la laine.
3°. La lessive
caustique. J'ai mis dans un poêlon trois parties de cendres tamisées et une
partie de chaux éteinte, avec une suffisante quantité d'eau que j'ai fait
bouillir pendant cinq ou six minutes, et que j'ai laissé reposer jusqu'à ce que
j'aie pu tirer la lessive au clair.
4°. Enfin le
vitriol martial, ou sulfate de fer. M. Dambournay, qui a fait des essais sur un
certain nombre des mêmes plantes (une quarantaine environ), a obtenu par ses
mordans métalliques des nuances différentes, et souvent de même ingrédient, en
entretenant plus ou moins l'ébullition, quelquefois pendant trois heures. Pour
nous, nous n'avons jamais poussé les bouillons au delà de trois quarts d'heure.
Liste des plantes
essayées
Suit une liste de
226 végétaux pour lesquelles Antoine Dubois décrit les expériences qu'il a
effectuées et les résultats obtenus. Cette liste étant assez longue, je me
borne à reproduire le tableau récapitulatif des couleurs données par les
différentes plantes qui figure en fin de son exposé.
Beau jaune doré : Alisier
blanc, bolet hispide, chelidoine, pommier.
Jaune tirant sur le
doré :
Camerisier noir, orobe forestier.
Jaune faible
passable :
Épervière grandiflore, scabieuse des bois, sorbier des oiseleurs, alchimille
des Alpes, bruyère commune, croisette, arnica montagnard, pulsatille des Alpes,
euphorbe irlandais, sauge sclarée, fenouil, phalaris arondinacée, agaric denté,
genévrier commun, gentiane jaune, impératoire, jacée scabieuse, mille-pertuis
commun, mille- pertuis quarré, fusain, putiet, reine des prés sèche, tanaisie,
persicaire commune, persicaire amphibie, patience aiguë, patience crépue.
La couleur jaune de
quelques-unes de ces fleurs tire un peu sur le fauve, ou le verdâtre, ou le
grisâtre.
Beau jaune tirant
un peu sur le verdâtre : Campanule glomérée, genêt des teinturiers,
gaude.
Roux fauve très
beau :
Lichen corallin, lichen sulfurin.
Fauve très joli : Lichen
fendillé, pommier.
Fauve tirant un peu
sur le roux :
Lichen saxatile, lichen centrifuge, lichen brunet, lichen pulmonaire, lichen
pertuisé.
Rouge : Lichen
tartareux, lichen fendillé, lichen pertuisé, lichen jaune.
Pourpre cerise : Lichen
tartareux.
Pourpre vineux
sombre :
Lichen tartareux, lichen parelle, lichen graveleux.
Pourpre violet : Lichen
tartareux.
Pourpre lie de vin : Lichen tartareux.
Noir : Vergne
Remarque :
L'emploi de
substance telle que l'urine nous semble curieuse aujourd'hui. Il faut dire
qu'autrefois, on utilisait toutes sortes d'ingrédients. André Dubois de Farges
m'a donné un livre de médecine datant de 1711, réédité en 1777, qui a appartenu
à Antoine. Dans cet ouvrage, on préconise l'usage d'éléments les plus
inattendus. Par exemple : l'urine de jeune enfant pour soigner les maux de
l'oreille, de la bouse de vache, de la fiente de poule, la peau de serpent
séchée et broyée pour confectionner des pommades…
(Transmis par Paul Dubois)
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