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lundi 5 mars 2012

Antoine Dubois (1754-1836) - 7


Antoine DUBOIS, Curé de Saint-Nectaire


Annales Scientifiques littéraires et Industrielles de l'Auvergne Tome VI année 1833

Essais sur les plantes tinctoriales de l'Auvergne
par M. l'Abbé Dubois, curé de St-Nectaire, membre de l'Académie

Plantes tinctoriales
  
Lorsque les fonctions que j'avais à remplir, n'occupaient pas tout mon temps, je formai le projet de passer en revue tous les végétaux indigènes de notre département, du moins ceux que je pourrais me procurer, dans le dessein de savoir ce qu'ils pourraient fournir d'utile à l'art du teinturier. Mais les devoirs du ministère qui se sont multipliés à mon changement de place, et diverses circonstances particulières, m'ont fait abandonner mon projet presque entièrement. Ainsi, il s'en faut de beaucoup que j'ai poussé mes expériences aussi loin que je croyais pouvoir le faire.
Je citerai tout simplement, par ordre alphabétique, les plantes que j'ai interrogées ; je rapporterai fidèlement les manipulations que j'ai employées, et les couleurs que j'ai obtenues. Toutefois j'en laisserai quelques-unes sans les définir, faute de connaître exactement la nomenclature des couleurs et de leurs nuances ; et peut-être j'en définirai quelques autres assez mal. Mais un teintutier expérimenté, ou un marchand de draps corrigera mes méprises, en jetant un coup d'œil sur les échantillons que j'ai conservés.
Voici les apprêts dont je me suis servi :
1°. L'alun seul ; car il m'a semblé, d'après quelques essais, que le lustre qu'on associe à l'alun n'ajoutait rien aux couleurs. Dans un petit poêlon, j'ai mis trente grains d'alun, deux gros de laine et un demi-verre d'eau, que j'ai fait bouillir doucement, presque jusqu'à réduction, en remuant continuellement la laine avec une petite baguette ; je l'ai bien égouttée, en la pressant avec les doigts.
2°. La chaux et l'urine. Dans un pot quelconque, j'ai mis trois parties de raclures de lichen, et une partie de chaux éteinte que j'ai réduites avec de l'urine, en pâte molle. J'ai rarement employé la vieille urine ; il est bien vrai que l'urine récente développe plus lentement la couleur, mais aussi la composition n'est pas si puante ; j'ai remué de temps en temps le mélange, et au bout d'une quinzaine de jours, il a été prêt à communiquer sa couleur à la laine.
3°. La lessive caustique. J'ai mis dans un poêlon trois parties de cendres tamisées et une partie de chaux éteinte, avec une suffisante quantité d'eau que j'ai fait bouillir pendant cinq ou six minutes, et que j'ai laissé reposer jusqu'à ce que j'aie pu tirer la lessive au clair.
4°. Enfin le vitriol martial, ou sulfate de fer. M. Dambournay, qui a fait des essais sur un certain nombre des mêmes plantes (une quarantaine environ), a obtenu par ses mordans métalliques des nuances différentes, et souvent de même ingrédient, en entretenant plus ou moins l'ébullition, quelquefois pendant trois heures. Pour nous, nous n'avons jamais poussé les bouillons au delà de trois quarts d'heure.

Liste des plantes essayées
Suit une liste de 226 végétaux pour lesquelles Antoine Dubois décrit les expériences qu'il a effectuées et les résultats obtenus. Cette liste étant assez longue, je me borne à reproduire le tableau récapitulatif des couleurs données par les différentes plantes qui figure en fin de son exposé.

Beau jaune doré : Alisier blanc, bolet hispide, chelidoine, pommier.
Jaune tirant sur le doré : Camerisier noir, orobe forestier.
Jaune faible passable : Épervière grandiflore, scabieuse des bois, sorbier des oiseleurs, alchimille des Alpes, bruyère commune, croisette, arnica montagnard, pulsatille des Alpes, euphorbe irlandais, sauge sclarée, fenouil, phalaris arondinacée, agaric denté, genévrier commun, gentiane jaune, impératoire, jacée scabieuse, mille-pertuis commun, mille- pertuis quarré, fusain, putiet, reine des prés sèche, tanaisie, persicaire commune, persicaire amphibie, patience aiguë, patience crépue.
La couleur jaune de quelques-unes de ces fleurs tire un peu sur le fauve, ou le verdâtre, ou le grisâtre.
Beau jaune tirant un peu sur le verdâtre : Campanule glomérée, genêt des teinturiers, gaude.
Roux fauve très beau : Lichen corallin, lichen sulfurin.
Fauve très joli : Lichen fendillé, pommier.
Fauve tirant un peu sur le roux : Lichen saxatile, lichen centrifuge, lichen brunet, lichen pulmonaire, lichen pertuisé.
Rouge : Lichen tartareux, lichen fendillé, lichen pertuisé, lichen jaune.
Pourpre cerise : Lichen tartareux.
Pourpre vineux sombre : Lichen tartareux, lichen parelle, lichen graveleux.
Pourpre violet : Lichen tartareux.
Pourpre lie de vin : Lichen tartareux.
Noir : Vergne

Remarque :
L'emploi de substance telle que l'urine nous semble curieuse aujourd'hui. Il faut dire qu'autrefois, on utilisait toutes sortes d'ingrédients. André Dubois de Farges m'a donné un livre de médecine datant de 1711, réédité en 1777, qui a appartenu à Antoine. Dans cet ouvrage, on préconise l'usage d'éléments les plus inattendus. Par exemple : l'urine de jeune enfant pour soigner les maux de l'oreille, de la bouse de vache, de la fiente de poule, la peau de serpent séchée et broyée pour confectionner des pommades…

(Transmis par Paul Dubois)


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