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mardi 28 janvier 2014

1914-1918 : des Américains à Aubière_05



Le mois d’août 1918 pointe ses grosses chaleurs en Auvergne. Arrivé en avril à Aubière, le 55ème Régiment d’artillerie américain va tirer sa révérence pour aller bouter l’armée allemande hors de nos frontières.
Le lieutenant Frederick Morse Cutler, aumônier du régiment, en fait le récit dans un livre paru aux US en 1920.
L’entrainement terminé, on met la dernière main aux préparatifs de départ. Mais avant de partir, il est de coutume de baptiser les canons. Les marraines sont choisies parmi les demoiselles d’Aubière. Ces cérémonies et les adieux n’iront pas sans une petite larme…
Ci-dessous, c’est la traduction de ce texte, par Marie-José Chapeau, que vous allez lire, nous en sommes sûrs, avec un grand intérêt. Voici le cinquième épisode :

Épisode 5 : le Baptême des canons et les adieux

Le baptême des canons au terroir du Champvoisin à Aubière en 1918

Un des souvenirs agréable d’Aubière était associé au mess des officiers. Il n’y avait pas une meilleure cuisinière que Mme Chaussidon, et tout le bataillon était en termes tellement amicaux avec une autre qu’elle passait près d’une heure avec eux à table
Et alors aussi Brighteyes (yeux brillants) était un facteur de succès pour le mess, Brighteyes (ou Mlle Catherine) était la serveuse, et elle ne pouvait pas vous demander si vous  vouliez davantage de pommes de terre ou de beurre, ou de café sans vous donner une petite tape sous le menton, vous tordant les oreilles ou vous montrant d’autre signes d’affection. Ce n’était pas si embarrassant quand les tables étaient pleines car elle distribuait ses attentions impartialement, mais quand vous arriviez en retard et deviez manger tout seul, vous étiez à sa merci. Elle se glissait dans le jardin et revenait avec une poignée de marguerites et commençait à effeuiller les pétales (tout en français) : « Il m’aime, pas beaucoup, encore plus, avec ardeur, passionnément, pas du tout ». Ce n’était pas mauvais si elle s’arrêtait sur le 1er ou le dernier, mais si elle terminait sur « avec ardeur », ou sur « passionnément », il était temps de prendre de vigoureuses mesures de self-défense ; Brighteyes demandait aux officiers d’aller se promener sans en attendre la réponse. Toutefois, le mess n’aurait pas été lui-même sans la présence de cette adorable petite peste. Son cœur fut brisé quand finalement elle ne fut pas invitée à être marraine au baptême des canons. Et elle abandonna son emploi.

Les cuisines des batteries C et D au Champvoisin à Aubière (*)
Parmi les cuistots, il y avait sans doute le grand-père de Aubière Hawkins, Ernest Tiller,
cuisinier à la batterie C.

Des évènements plaisants et déplaisants marquaient les jours d’entrainement. La Batterie C regarda comme la fumisterie la plus joyeuse, le 6 juillet, la remise des brevets à des officiers nouvellement nommés et sans mandat, espérant faire ainsi le début d’une longue progression dans une telle fonction sociale. Mais le régiment n’avait pas pris un tel entrainement au sérieux jusqu’à ce qu’il revienne aux USA après la guerre et se trouvèrent avec des déséquilibres du budget de la trésorerie de la batterie attendant d’être dépensés.
Le 2 juillet arriva une des rares occasions où la punition dût être administrée en public ; l’accusé qui avait été coupable de frapper une femme française fut condamné, en présence de tout le bataillon, à un an de travaux forcés et à la décharge déshonorante. Et à la conclusion de cela, il semblait plus pitoyable à quelques-uns au moins, parce que la femme avait, elle-même, vendu à l’homme le moyen de se griser jusqu‘à ce qu‘il soit complètement saoul ; et chacun pensait que le colonel Sevier avait agi en toute justice en déclarant que l’estaminet de cette femme était… peu recommandable.
Si l’évènement de la batterie C, du commandant, fut plein de succès, le lieutenant Holten proposa de choisir le 22 juillet pour célébrer le baptême des canons, suivant un usage prévalant dans l’armée française. Les autres officiers du 2ème bataillon entrèrent de plein cœur dans le plan et suggérèrent d’organiser des réjouissances ouvertes à leurs bons amis français d’Aubière, lesquels pourraient tous participer à l’évènement. Alors, M. le maire Noellet demanda que la municipalité puisse participer à l’organisation et d’en faire une fête authentiquement française. Puisque le maire et ses associés portaient une partie du fardeau et, par leur généreuse coopération, assuraient le succès du baptême, il est naturel de laisser l’ami de M. Noellet décrire ce qui s’est passé. Voici la citation du « Moniteur du Puy de Dôme » du 23 juillet :

« Une cérémonie franco-américaine à Aubière : le baptême des canons ».

« Le soleil jetait ses derniers rayons d’or et d’argent sur l’horizon derrière la majestueuse chaîne de collines, il plongeait, prolongeant un instant ses cajoleries et ses caresses sur les montagnes avec une délicate teinte de vert. De légers nuages, légèrement teintés de rose traversant lentement le ciel, l’air est tranquille et le pays repose en sécurité dans cette soirée splendide où on peut rêver et penser en contraste avec d’autres régions françaises où l’homme et la nature portent avec courage les terribles souffrances de la lutte pour la liberté.

Sur une pente s’élevant doucement, on peut voir un spectacle que l’on ne s’attendrait pas à trouver dans ce lieu si sûr, ce coin enchanteur de notre belle province d’Auvergne : huit gros canons, alignés, brillants et avec leurs avant-trains donnant l’impression d’une force sûre d’elle-même. Ces canons dégagent une atmosphère de fierté autour d’eux. Leur puissance étalée derrière leur beauté rehausse en plus le silence qui pour nous prévoit du mal pour les ennemis, au loin.
Ils n’ont pas tiré encore. De magnifiques bouquets de fleurs semblent les imprégner de leur douceur parfumée. Les drapeaux français et américains les drapent, présageant la victoire à venir. Les canonniers restent immobiles à leurs côtés et tout le bataillon, en kaki, leur rend hommage.
Les canons vont être baptisés. Leurs gracieuses marraines, filles exquises de la belle Auvergne, ont été galamment escortées depuis la Halle de la ville par les officiers américains qui étaient reçus par le génial et distingué Maire, M. Noellet. Ce dernier et le colonel américain Col. Granville Sevier ont organisé cette cérémonie. Les Français et les Yanks (yanks étant le nom par lequel les sammies désirent maintenant être appelés) ont pris part à cette affaire avec un enthousiasme sans limite.
Cordial et rayonnant, Mr Noellet prit la tête de la procession avec le colonel. Les huit marraines apparaissent charmées de cette escorte. Ces dames parlaient-elles anglais ? Les Américains parlaient-ils français ? Ce n’est pas se montrer discret de les troubler avec une enquête qui serait inopportune. Notre indiscrétion serait seulement étendue au constat, que même si souvent le coin du petit dictionnaire rouge peut être aperçu, ils ne semblaient pas manquer de conversation. En cette période, un dictionnaire était autant une aide que le portrait d’un véritable ami que l’on consulte seulement dans des cas difficiles, le rangeant quand tout va bien.
Parmi les assistants il y avait les vieux brisquards de la ville, tous arrangés dans leurs meilleurs costumes et chemisettes. Ils ouvraient de grands yeux devant ces choses qui étaient étrangement nouvelles pour eux. En plus, il y avait les inévitables moutards qui, heureux comme des larrons en foire, si contents de leurs amis américains avec lesquels ils parlaient, jouaient au ballon et, marchaient main dans la main chaque jour.
L’orchestre américain joua la Marseillaise. Chaque marraine monta sur l’affut du canon, leur fragilité féminine gracieuse, dominant pour le moment le canon, les canons nommés (Bat. C) : Hunter, Aubière, Helen, Winifred, (Bat D) : Avenger, Civilizer, Liberty et Yankee Boy sont baptisés respectivement par les demoiselles Planche, Cassière, Bayle, Bourchet (sic), Noellet (la fille du maire), Gidon, Bernard, et Aubény.
L’eau baptismale est du champagne pétillant de France. Pendant que les soldats présentent les armes, chaque marraine prend une magnifique bouteille dorée du nectar enivrant et la brise contre leur canon. Un bruit soudain, alors qu’une mousse blonde scintille et crépite rapidement. Le champagne éclabousse les canons, et leurs marraines prononcent le sacrement baptismal : « Je te baptise… etc… ». Le soleil maintenant jette ses dernières lueurs avant d’illuminer de sa lumière victorieuse d’un nouveau jour ces armes qui viennent juste de naître, ces armes qui ont à présent une personnalité propre. Après cela l’aumônier pria.
Le bataillon rompt les rangs. Les marraines sont introduites vers les soldats de diverses batteries. Les hommes, pleins de courtoisie, présentent à chaque marraine, de magnifiques bouquets de fleurs, que souriantes et joyeuses, ces jeunes demoiselles acceptent en rougissant. Plus tard, combien elles seront intéressées par les exploits de ces batteries. Les Yanks leur écriront, leur donneront des nouvelles des nouveaux filleuls. Ils oseront difficilement parler d’eux-mêmes, mais les filles ne les oublieront pas.
Pleins de regrets nous laissons le pays glorieux. Encore une très cordiale réception attend les officiers des armées alliées dans les salons de l’Hôtel de ville. A ce moment, les bouteilles de champagne ne seront pas cassées, mais aucune ne restera cachée. Le champagne coule, mais pas sur l’acier froid, celui des toasts qui doivent suivre l’éloquent discours de Mr Noellet, que le manque d’espace seul empêche de rapporter intégralement. Nous ne pouvons pas nous empêcher d’en citer une partie.
« L’année dernière, quand l’appel du Président Wilson vous appelait à vous ranger derrière nous, je ne pensais pas que quelque jour Aubière aurait l’insigne honneur de recevoir les soldats américains. Toutefois ce jour est arrivé, et comme le général Pershing, dans une phrase si justement exprimée : “Vous êtes là”.
Vous êtes là pour défendre le droit, la justice, l’honneur et le respect, pour les traités et les promesses sacrées.
Vous êtes là, sans aucun désir de conquête, d’indemnité ou d’autre compensation.
Vous êtes là, ne demandant qu’une chose, combattre à notre côté et défendre au péril de vos vies, les descendants de ces quelques milliers de français qui, avec Lafayette, vinrent à votre aide dans la lutte pour la liberté.
Je ne pense pas trouver les mots appropriés pour exprimer notre gratitude. Mon cœur bat fort, comme toutes les familles françaises qui ont quelqu’un de cher dans la guerre ; je pense à la valeur sans prix de votre acte en venant à l’aide de nos nobles « poilus », qui depuis presque 4 ans ont payé avec des actes innombrables d’héroïsme de sacrifice de soi-même.
Vous êtes dignes d’eux, comme ils sont dignes de vous et nous pensons à vous plus sincèrement dans notre gratitude ».
Cette adresse était excellemment traduite en anglais par un officier des armées alliées et l’officier commandant américain, en répliquant expressément combien les Américains étaient reconnaissants d’avoir été reçus à Aubière avec une telle gentillesse.
Les verres sont de nouveau vidés. Les dictionnaires, pauvres aides oubliés, restent dans la poche, le champagne, le merveilleux professeur est un meilleur interprète.
Il est 10 heures. Les rues de la ville, habituellement si tranquilles à cette heure de la nuit, sont très animées. La baraque Y est encore ouverte. A travers l’air délicieux de la nuit, nous rentrons dans une auto roulant vite, la lumière de ses phares révèle des groupes de Yankees, parlant des villes élégantes, de leurs maisons aux USA et le plaisir que leur ont procuré cette cérémonie baptismale, touchante. Ils remercieront longtemps de la franche et délicate hospitalité auvergnate.
Pour marquer une exception à la loi en vigueur, le maire permet aux officiers et aux marraines, à la fin des cérémonies du baptême, une danse non autorisée. C’est parce que les femmes françaises refusent leur passe-temps favori comme une expression de leur patriotisme pendant les années terribles de la guerre ; et seul le départ proche de leurs amis américains a justifié une suspension de cette règle. »

Les marraines des canons, devant le perron de la Mairie d'Aubière, le 22 juillet 1918.
On trouve de gauche à droite, au premier rang : Suzanne Bernard, épouse Toye ; Marie-Antoinette Aubény, épouse Beaucheix ; Germaine Bourcheix, épouse Wirbel ; Marine Cassière, épouse Joannet ; Sylviane Noëllet, épouse Steiner ; Hélène Planche, épouse Bertrandon ; Cécile Bayle, épouse Chatonier ; et Marie Gidon, entourées par les officiers américains, le maire Jean Noëllet et quelques conseillers municipaux, l'instituteur et le garde-champêtre.

C’était le 30 juillet, quand le 3ème bataillon, baptisait leurs canons. Ce fut l’occasion d’une des plus grandes réjouissances que firent les camarades du 2ème bataillon. Le 1er bataillon, lui aussi, accomplit cette gracieuse coutume et quand les canons entrèrent en action chacun des 24 avaient un nom dûment approprié et souhaité pour lui. Voici la liste :

Batterie A - 1 Allié, sergent Damon
2 Amy, sergent Johns
3 Floss, sergent Armitage
4 Avenger, sergent Herd

Bat. B - 1 Madeline, sergent Hannay
2 Lieutenant Reed, sergent Stewart
3 Roaring Bertha, sergent Mahoney
4 Boston Baby, capitaine Harrigan

Bat. C - 1 Hunter, sergent Logsdon
2 Aubière, sergent Graham
3 Helen, sergent Farnast
4 Winifred, sergent Widdowfield

Bat. D - 1 Avenger, sergent Bradshaw
2 Civilizer, sergent Millette, capitaine Brenneke [1]

Bat. E - 1 Lucky Evelyn, sergent Mc Vetty
2 Little Rhody, sergent Riback
3 Ella G., sergent Woolhouse, sergent Eaton
4 Edith Esther, sergent Bartlett

Bat. F - 1 Strong, sergent Martin
2 Jiggerboffus, sergent Woods
3 Alky, sergent Jordan
4 Midget, sergent Dustin

Le « Edith Esther » fut appelé ainsi, comme la femme du capitaine Shaffer, et les autres canons, commémoraient aussi des amis de cœurs ou des veuves. Le « Jiggerboffus », perpétuait un mot de passe mystique qui fut en vogue à Fort Strong. « Alky » était une abréviation du mot alcool et était accompagné par le dispositif de boîtes marquées : « Jordan XXXX » et une paire de dés pour montrer « Seven up ». Le « Midget » était une référence aux petits hommes qui formaient l’équipage du canon.
Le champagne utilisé pour baptiser les canons était fourni par chaque batterie séparément avec l’argent spécialement collecté dans ce but. Une batterie fit la faute de prendre son argent dans la caisse de la compagnie et alors paya le champagne sur la caisse de la compagnie. Quand le général inspecteur arriva, il eut presque une attaque. Acheter du champagne sur la caisse de la compagnie pour le briser sur un canon !! Pour presque chaque organisation, la caisse de la compagnie fut examinée pour fourniture du champagne baptismal.
A partir des lettres que les hommes écrivaient, il était possible d’apprendre leur franche opinion de la France et aucun Américain n’eut jamais une meilleure occasion de voir les Français comme ils sont réellement, que le 55ème, en Auvergne. Les Français ont toujours été reconnus sans réserve comme des soldats galants. L’appréciation américaine du pays a été progressive. Les premières lettres affirmaient : « c’est un pays de vin rouge, d’amoncellement de fumier et de travail dur, où l’eau est si mauvaise que les Français ne l’utilisent même pas pour le bain ».
Après le premier mois, une compréhension plus sympathique s‘était manifesté et les faits étaient notés comme il s’en suit : « les femmes françaises de chaque classe, savent arranger leurs cheveux convenablement… L’accueil des Français nous fait oublier tous les autres accueils… Ils apprécient notre arrivée, non pour commander ou prendre une part de gloire difficilement gagnée, mais pour aider... Cela semble être une absence de bébés. Ils diluent leur vin rouge à l’extrême… Un effort pathétique est fait par la population féminine pour paraître avoir de petits pieds… ».
« A un grand degré, les femmes monopolisent le travail manuel… ». « Il y a une décision tacite mais universelle de l’esprit féminin, qu’après la guerre, leur seul espoir de mariage repose sur les soldats américains… ». « Une extrême civilisation et la barbarie sont juxtaposées… ». « L’aéroplane vole au-dessus de la zone à vaches… La lumière électrique illumine le tambour de ville ; les vêtements sont à la dernière mode, mais le lavage est fait avec un battoir sur une pierre plate, dans le ruisseau… »
Finalement, les Américains en vinrent à reconnaître comme le trait caractéristique des Français, la gentillesse de cœur, qualité qui rend un homme heureux de faire des faveurs. Traitant les Yanks avec courtoisie dans leurs demandes préférées ; rien n’était considéré comme trop bon pour eux par nos généreux alliés. Quand le régiment eut terminé les trois mois de séjour en France, les garçons étaient dans les meilleurs termes avec les villageois, si bien que ces derniers reçurent beaucoup de cadeaux et de nombreuses lettres, et pour la plupart, ces dernières se terminaient par des mots qui étaient empreints de la conviction et de la sincérité du correspondant : « Je vous prie d’être assuré du plaisir que nous aurions à vous revoir ». Le 55ème recevait de leurs amis français, l’adieu qu’ils n’avaient pas obtenu en quittant Boston.
Le 12 octobre, alors qu’ils combattaient dans le Bois de Beuge, le 2ème bataillon fit l’expérience de la joie supplémentaire de recevoir un mot que la Commune d’Aubière leur avait envoyé, une amicale corbeille, qui dans le soleil ou au milieu de la bataille témoignerait des amicaux sentiments de leurs voisins d’autrefois. Malheureusement, ce cadeau se perdit à la Poste.
L’heure du départ était arrivée. Tout le matériel et les biens étaient depuis longtemps marqués en gros caractères (55), un nouvel ordre du 25 juillet, annulant cette règle et ordonna que chaque référence à 55 soit enlevée, qu’un triangle rouge (la marque du 1er régiment de la 31ème brigade), lui soit substitué. Aucun officier de l’intelligence allemande n’était assuré de notre identité, même en inspectant nos bagages. Supposant que ce « totem » soit une faute pour l’emblème du YMCA, comme il arriva plus tard quand les officiers visitaient Verdun. C’était la plus étrange preuve que le système de camouflage était un succès.
Maintenant la Place des Ramacles était remplie de véhicules, canons, tracteurs de 10 tonnes, camions automobiles, side-cars. Le colonel Howell avait raison quand il décida que le 55ème serait le régiment à l’équipement le plus onéreux jamais organisé en Amérique. Suivant l’équipement manuel, ils possédaient, 395 unités de transport, dont 359 étaient motorisés, et parmi eux, 195 étaient des camions. Alors que pas plus d’un tiers de cette abondance avait été reçue jusqu’à présent, la place était pleine. Les canons partirent les premiers, en provenance du centre O et T où on leur avait donné un survêtement en peinture de camouflage. Le Père Lavigne, toujours un bon ami du 55ème, avait fourni à chaque soldat du 2ème bataillon, catholique ou protestant, une médaille scapulaire de la médaille miraculeuse de la châsse de Notre-Dame du Port à Clermont (N.-D., dont on croit qu’elle a préservé la cité des Sarrazins, au 8ème siècle). Le bon prêtre pria pour qu’elle puisse sauvegarder les amis américains des Huns du 20ème siècle. Les gens de Cébazat chargèrent les camions du 1er bataillon de fleurs, en signe de respect. Dans le dernier après-midi du 1er août, les hommes dirent adieu aux gentils villageois et partirent pour le front. Les Français retenaient leurs larmes et nous-mêmes, nous hésitions à nous lancer dans un discours, en craignant de trahir nos émotions, comme un militaire.
L’entrainement était achevé. »


C’est ainsi que se termine le séjour du 55ème Régiment d’artillerie américain en 1918 à Aubière, tel que le raconte le lieutenant Frederick Morse Cutler, aumônier du régiment.

Un autre régiment américain a séjourné, de façon plus… discrète, à Aubière entre 1917 et 1918 : le 303ème RA. Parmi tous ces soldats, certains ont épousé une Aubiéroise, d’autres ont entretenu une correspondance avec des Aubiérois et leur ont fait parvenir des photos d’Amérique. Enfin, une délégation de ces soldats est revenue à Aubière en 1927 !
De tout cela, nous vous en parlerons dans le prochain et dernier épisode, dès la semaine prochaine. Soyez attentifs !


Nota : Les illustrations sont produites par le C.G.H.A., sauf celles dont la légende est suivie d’un astérisque (*) qui sont tirées de l’ouvrage en référence du lieutenant Frederick Morse Cutler.


© - Cercle généalogique et historique d’Aubière.


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[1] - Deux des canons ont été oubliés par l’auteur : Liberty et Yankee Boy.

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