commencé le 6 avril 1767
Cet épais registre rassemble les jugements rendus à
Aubière par le bailly Thoury entre 1767 et 1780.
Le bailli était, dans l'Ancien Régime français, le
représentant de l'autorité du roi dans le bailliage, chargé de faire appliquer
la justice et de contrôler l'administration en son nom. La juridiction en
charge d'un bailli s'appelle un bailliage. En France méridionale, le terme
généralement utilisé était sénéchal et la circonscription la sénéchaussée.
Mais il s’agit ici du bailliage seigneurial d’Aubière
(les baillis royaux ayant perdu leur pouvoir au XVIème siècle).
Le notaire Thoury, bailli seigneurial d’Aubière, était
néanmoins conseiller du roi en la ville de Clermont-Ferrand. C’était en quelque
sorte un juge de proximité au service du seigneur d’Aubière.
Ce second jugement est un procès en
« diffamation » entre Guillaume Bourcheix, plaignant, et François
Delonchambon, accusé. Le procès s’est déroulé entre juin et août 1767.
Registre d'audience du bailliage d'Aubière (1767-1779) (Archives communales d'Aubière) |
du six juillet 1767
« Entre Guilhaume Bourcheix (1), fils à Amable,
laboureur habitant de ce lieu d’Aubière, plaintif et demandeur en réparation
d’injures, suivant exploit du deux juin 1767, comparant par me
François Montel, son procureur d’une part,
Et François Delonchambon (2), laboureur habitant dudit lieu
d’Aubière, accusé et deffendeur, comparant par me Jean-Baptiste
Barry, son procureur d’autre part,
Me Montel, procureur du demandeur, et le
procureur d’office en ses conclusions, nous avons contre la partie de Barry
donné deffaut et pour faute de plaider et pour le proffit, ordonnons avant
faire droit que les parties amèneront respectivement témoins dans les délais de
l’ordonnance, enjoignons aux témoins de comparoir aux assignations qui leur seront
données à peine d’amandes, dépens et sera notre sentence exécutée… »
du 13 juillet 1767
A partir de ce jour
vont être interrogés les témoins présentés par les parties. En premier lieu,
les témoins de Guillaume Bourcheix.
- Jean Cussat (3), bourgeois résidant à Aubière, âgé de trente ans, déclare que le 1er juin dernier il était dans sa cave pour faire encaver son vin. Il avait embauché Guillaume Bourché (sic) et son beau-père, Ligier Roche (4), parce qu’ils avaient deux paires de bœufs pour conduire les pièces de vin à la cave. Guillaume Bourché demanda la permission audit François Delonchambon de les laisser dans sa cour. Ce dernier consenti. Ensuite, Ligier Roche partit chercher du regain (foin) dans sa grange pour le donner à manger aux bœufs. Sur le soir, François Delonchambon revint et s’aperçoit qu’il y a du regain devant les bœufs. Il dit alors, à plusieurs reprises, à Guillaume Bourcheix qu’il avait volé son regain, qu’il était un voleur, un coquin et un fripon. Il le menaça et « lui porta même plusieurs fois le poing au visage » sans que Bourcheix ne riposte ni ne lui réponde.
- Charles Terringaud (5), laboureur habitant du lieu d’Aubière, âgé d’environ trente quatre ans, déclare que le 1er juin dernier il était en journée chez le Sr Cussat, bourgeois, pour aider à encaver son vin. Il confirma les affirmations du Sr Cussat, en précisant que sous les insultes, Guillaume Bourcheix ne répondit pas mais pria les personnes présentes de se souvenir des insultes proférées par François Delonchambon.
- Martin Lafont (6), laboureur habitant d’Aubière, âgé de soixante-cinq ans, déclare qu’il était en journée chez le Sr Cussat, bourgeois, pour aider à encaver son vin, le 1er juin dernier. Les dires des deux premiers témoins sont confirmés point pour point.
du 27 juillet 1767
C’est au tour des
témoins de François Delonchambon de se présenter devant le bailly Thoury.
Cependant, Me Montel, procureur de Guillaume Bourcheix, récuse l’un
des témoins de la défense, le nommé Painson (sic), dont le témoignage ne peut
être considéré que suspect du fait que le témoin a été pris en flagrant délit
de vol d’échalas. L’intervention de Me Barry, procureur de la
défense, fut efficace puisque Me Thoury accepta d’entendre ce
témoin.
- Guillaume Dutemple (7), vigneron habitant du lieu d’Aubière, est le premier témoin de la défense. Il déclare qu’au début du mois de juin dernier il aidait René Gioux (8), son gendre, à encaver son vin, avec François Delonchambon. Il dit qu’ils avaient le câble de la commune. Quand ils eurent fini d’encaver, vers midi, Guillaume Bourcheix vint demander à Delonchambon de lui donner le câble. Delonchambon refusa, ce qui provoqua le courroux de Bourcheix qui dit qu’il enfoncerait la porte de la cave de Delonchambon s’il ne lui donnait pas le câble. Ils en vinrent aux mains mais le témoin les sépara et Bourcheix se retira.
- François Randane (9), vigneron et charpentier habitant d’Aubière, second témoin. Il déclare qu’il était en journée au début du mois de juin dernier chez le Sr Cussat, bourgeois à Aubière, qui faisait encaver son vin. Le Sr Cussat lui donna l’ordre d’aller chercher la corde commune auprès de Delonchambon. Ce dernier refusa. Le soir, Guillaume Bourcheix alla à la cave du Sr Cussat et rencontra Delonchambon dont la cave est voisine. Bourcheix reprocha à Delonchambon d’avoir refusé de donner la corde alors qu’elle est commune et que Delonchambon n’en avait plus besoin. Delonchambon lui répondit que cela ne lui plaisait pas et que Bourcheix était un fripon et un voleur, qu’il avait volé son foin. Bourcheix prit les présents à témoins des insultes que lui faisait Delonchambon.
- Antoine Pinsson (10), tisserand habitant d’Aubière, troisième témoin. Il déclare que, début juin, il était en journée chez Martin et René Gioux, père et fils, laboureurs d’Aubière, pour encaver leur vin où était aussi François Delonchambon. Il vit que Guillaume Bourcheix et François Randane vinrent chacun leur tour de la part du Sr Cussat pour demander la corde commune. Gioux et Delonchambon refusèrent. Cependant, Guillaume Bourcheix revint à la cave des Gioux et leur reprocha de refuser de donner la corde et qu’il enfoncerait plutôt la porte de la cave des Gioux. Antoine Pinsson lui-même et les autres journaliers présents durent les apaiser pour que l’altercation ne s’aggrave.
du 3 août 1767
« Ouy les procureurs des parties et Me
Martin Courtes faisant les fonctions de procureur d’office en son absence.
Nous avons donné acte à la partie de Montel de la
déclaration judiciairement faitte en notre audiance par la partie de Barry en
personne de ce qu’elle tient ladite partie de Montel, aussy présent à
l’audiance, pour homme de bien et d’honneur, et attendu ce qui résulte de ses
formations respectives sommairement faittes pardevant nous en exécution de
notre sentence du six juillet dernier, les treize et vingt sept dudit mois,
faisons deffence à lad. partie de Barry de récidiver aux paines de droit et
pour tous dommages intérêts la condamnons aux dépents que avons sommairement
taxés à la somme de vingt trois livres dix sept sols non compris l’expédition
des présentes qui seront exécutées non obstant oposition ou apellation quelconque
faitte. Juger led. jour et an ».
Signé :
Thoury, bailly.
Notes [tous les actes ont
eu lieu à Aubière, sauf mention contraire] :
(1)- Guillaume Bourcheix : fils d’Amable et d’Anne
Daumas. Il est né vers 1741 ; il est l’époux, depuis le 10 février 1766, de
Françoise Roche.
(2)- François Delonchambon : impossible de
l’identifier, il y a 3 homonymes contemporains.
(3)- Jean Cussat : originaire de Clermont où il
est né en 1737, il est l’époux de Marguerite Travert dont il aura au moins 8
enfants, tous nés à Aubière entre 1765 et 1780. De 1795 à 1797, il sera
président du conseil du Canton d’Aubière (Aubière, Pérignat-lès-Sarliève et
Romagnat).
(4)- Ligier Roche : fils de Jean et de Mariette
Bourrand. Il est né le 25 août 1720, marié le 11 février 1744 à Anne Martin. Il
est le père de Françoise Roche, l’épouse de Guillaume Bourcheix.
(5)- Charles Terringaud : né en 1733, il est fils
de François et d’Anne Gioux. Il a épousé le 18 janvier 1757 Antoinette Rouchod.
(6)- Martin Lafont : né vers 1702 à
Saint-Pierre-Roche (63), il est fils d’Antoine et de Françoise Duthou. Il a
épousé, en premières noces, le 21 mai 1726, Marie Baile dont il aura 3 enfants.
Il a épousé, en secondes noces, le 24 janvier 1769, Marie Oby.
(7)- Guillaume Dutemple : né en 1724, il a épousé,
le 15 janvier 1743, Gilberte Moins. Il est le père d’Anne Dutemple, épouse de
René Gioux.
(8)- René Gioux : né en 1745, il est fils de
Martin et d’Isabeau Decors. Il a épousé, le 27 janvier 1767, Anne Dutemple.
(9)- François Randane : né en 1711, il est fils
d’Etienne et de Marie Dégironde. Il a épousé, le 9 février 1740, Charlotte
Cassière.
(10)- Antoine Pinsson : Fils de François et de
Peyronelle Vory, il est né en 1724. Il épousera successivement Magdelaine
Bouchet (en 1751), Marie Auby (en 1783) et Catherine Chandèze (en 1788).
Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur : http://www.chroniquesaubieroises.fr/
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