Il y a 424
ans (déjà !), Pierre Dumolin nous quittait…
La mort, certainement brutale, de Pierre Dumolin dit le
Jeune (le jour de l’Ascension de l’an de grâce 1589), ne lui a pas laissé le
temps de dicter ses dernières volontés, et, à l’acharnement de la mort sur la
famille, s’ajoute les errements de la justice, laissant les êtres sans défense
dans une situation bien précaire.
Le malheur des uns faisant le bonheur des
autres, nous voici en possession de deux textes intéressants :
1- Un inventaire des
biens meubles et immeubles du défunt réalisé en deux temps : 27 novembre
1589 et 12 janvier 1590.
2- Un acte de tutelle
et nourriture du 3 janvier 1590.
On remarque un point original : une
allusion à la guerre [1] ;
nous n’en avions eu d’écho que par le testament de Saturnin Cohendy de Beaumont
qui avait reçu un coup d’arquebuse au siège de Saint-Amant. Les Aubiérois
semblent être indifférents aux évènements extérieurs, car des guerres de
religion à la Révolution française, ils font leurs affaires, ventes, échanges
et mariages, comme si de rien n’était. Il est vrai que l’allusion ici faite
n’est qu’une excuse invoquée par le procureur du lieu, pour justifier un
manquement à sa tâche. On sent bien par le discours lénifiant du juge Jehan Fouchier,
le désir d’apaiser une tension existant entre ledit procureur et maître Jacques
(ou Jacmet) Dumolin, greffier et frère du défunt.
Pierre Dumolin était hôte et l’on s’attend,
avec l’inventaire, à la visite d’une auberge à la fin du XVIème
siècle. Et bien, si l’on peut se permettre le jeu de mot, nous resterons sur
notre faim.
En fait, l’inventaire semble plutôt être
celui d’un vide-grenier : que des ustensiles usagés, « de peu de valeur » ;
étrange auberge où il n’y a ni cuisine, ni salle commune, et où l’on ne trouve
pas une goutte de vin. Il faut voir en l’inventaire une nécessité
administrative, et, comme de tout temps, il ne faut pas éveiller la
concupiscence des collecteurs d’impôts. D’ailleurs, dans l’acte de tutelle, on
nous parle de vin de ménage et d’une vente de bétail. Mais que le Lecteur se
rassure, il découvrira la vie de la fin du XVIème siècle à travers
les papiers que Pierre Dumolin serrait dans un sac de toile, et les projets
qu’il ne put réaliser.
Pour raison de commodité les deux textes
sont donnés dans l’ordre chronologique ; il est judicieux de lire la
première partie de l’inventaire, puis l’acte de tutelle, et enfin, la seconde
partie de l’inventaire. L’orthographe a été modernisée.
Les deux actes nous éclairent aussi sur la
généalogie des Dumolin ; nous y reviendrons après vous avoir laissés un
moment en compagnie des Aubiérois de la fin du XVIème siècle.
Inventaire des biens
demeurés par le décès de feu Pierre Dumolin
(A.D. 63 - 5 E 44 4)
demeurés par le décès de feu Pierre Dumolin
(A.D. 63 - 5 E 44 4)
[Partie 1
– page 1 à 5]
Aujourd’hui lundi 27ème jour de novembre mil cinq cent quatre vingt
neuf par-devant nous Guillaume Aubeny, commis greffier au présent acte, s’est
présenté Me Jamet Dumolin, greffier en la châtellenie d’Aubière,
lequel a dit que, dès le jour et fête de ladite ascension dernièrement passée [2],
Pierre Dumolin jeune, vivant son frère et habitant dudit lieu d’Aubière, serait
allé de vie à trépas, ayant délaissé François Dumolin son fils mineur, lequel,
depuis le décès de son dit père, n’a pas été pourvu de tuteur, à cause de
l’injure de la guerre qui a eu cours, et que, pour la considération des biens
dudit mineur, il est besoin de se transporter dans la maison dudit défunt pour
découper et inventorier les biens meubles et immeubles, nommer droits et dettes
délaissés par ledit défunt. Au moyen de quoi, il a repris me vouloir
transporter dans la maison du défunt pour procéder au fait, appeler par
Anthoine Vairs, sergent de céans, Jehan Ronchaud et François Gioux, cousins
dudit mineur, en la présence desquels, et de Blaize Ramain et Jehan Biard,
soutenus du dit défunt en adhérant à la réquisition dudit Dumolin, tuteur, nous
nous sommes tous ensemble transportés en ladite maison. Nous y avons trouvé
Catherine Desparrin, veuve dudit défunt, à laquelle avons fait prêter serment
et d’indiquer tous les biens dudit défunt ; de procéder au fait dudit
inventaire qui s’ensuit.
Inventaire après décès de Pierre Dumolin le jeune (A.D. 63) |
Premièrement, nous nous sommes
transportés dans le bas de la maison dudit défunt en présence desdits sus
nommés, dans lequel avons trouvé le blé et fèves qui s’ensuivent. Ceux-ci ont
été mesurés et apportés en le cuvage appartenant au défunt, situé à la place
qui fut de Ligier Fourcaud, dans lequel bas de maison j’ai trouvé ainsi que dut
quatorze setiers blé conseigle mesure de Clermont plus trois setiers émine
fèves lequel blé et fèves étaient dans deux grandes arches.
D’ici, nous nous sommes transportés
en haut de ladite maison où j’ai trouvé ce qui s’ensuit : douze linceuls,
une couette de lit et une couette de coussin, plus une somenadoire [?], plus six nappes, six
serviettes, plus quatre linceuls qui sont aux lits, plus un autre linceul, plus
autres trois linceuls, plus une nappe, plus onze plats d’étain, dix écuelles,
huit assiettes, le tout d’étain ; plus six chandeliers de cuivre, l’un
grand et les autres petits, dont deux sont aux hoirs de feu Michel
Dumolin ; plus un mortier de fer à moudre expresse ; plus un broc d’étain
tenant deux quartes, puis un autre tenant six chopines, plus un autre de cinq
chopines, une salière et une petite tasse d’étain, plus une lanterne, plus un
peigne à peigner le chanvre, plus une poële à frire, plus trois pots de fer,
l’un tenant trois quarts, l’autre deux, et l’autre un, plus une crémaillère,
plus une cognée.
Plus j’ai trouvé une obligation de la
somme de deux écus sol et demi consentie par Martin Couharde bare et Guillaume
Grangier d’Aubière du 28ème mai
mil cinq quatre vingt, reçue par Arlaud ; plus autre obligation de la
somme d’un écu sol consentie par François Vaury au profit dudit défunt, datée
de 4ème mai 1589, reçue par ledit Dumolin, tuteur
paraphé, plus autre obligation de Chartal et consentie au profit dudit défunt
par Jehan Roux, de la somme de six écus deux tiers, ladite obligation du 13ème février 1589, reçue par Aubeny parafée ;
plus autre obligation de la somme de trente sols, consentie par François
Aureille au profit dudit défunt, datée du 14ème de janvier 1588,
signée Dumolin paraphée ; plus autre obligation de la somme de deux écus
sol six sols consentie par Estienne Mosnier au profit dudit défunt et datée du
19ème mars 1585 et signée Renoux paraphée ;
plus autre obligation de la somme de deux écus sol un tiers consentie par
Michel Jartan de Riom au profit dudit défunt, datée du 21ème avril 1589 signée Galoubie paraphée ;
plus autre quittance de la somme de un écu sol deux tiers consentie par feu
Pierre Vedel au profit dudit défunt, datée du 5ème de mai 1585, signée Dumolin paraphée ;
plus autre quittance de la somme de quinze écus consentie par feu Pierre
Dumolin l’ainé au profit dudit défunt et feu Michel Dumolin son frère, datée du
18ème jour de mars l’an mil cinq soixante dix sept,
signée par ledit Dumolin, tuteur. Lesquelles obligations du quit avoir ont été
remises en un sac de toile où elles ont été trouvées et classées reçues des
mains dudit tuteur.
Plus j’ai trouvé une obligation
consentie par Jehan Gilbert Arthaud de Pontgibaud de la somme de cinq écus sol
dix sols, au profit dudit défunt, datée du 21ème avril 1589 signée de Grangier, notaire royal à
Blanzat paraphée ;
plus avons trouvé certains contrats
perpétuels faisant au profit dudit défunt, l’un d’eux de permutation entre
ledit défunt et la veuve Pierre Boudet, daté du 6ème mai 1584, reçu par Brunel parafe ; plus
autre contrat de permutation passé entre ledit défunt et feu Guillaume Vaureix
et Anna Guerilles sa femme, daté du 25 de février 1586, reçu par Aubeny
paraphe ; plus autre contrat de permutation fait et passé entre ledit
défunt Dumolin et feu Pierre Vedel, quand vivait boucher dudit Aubière, daté du
17ème février 1585, reçu par Reynaud paraphe ;
plus un contrat de vente consentie par Me Mayet Mauguin au profit
dudit défunt, daté du 17ème octobre 1588, reçu par Brunel, notaire royal
paraphe ; plus autre contrat de vente par devoir de monsieur le sénéchal
d’Auvergne à Clermont d’une terre à las gautairas [la Gantière] vendue par
criée comme des biens de feu François Morel, ce contrat daté du 1er juin 1584, signé Dupré et Roux greffier
paraphe.
[Partie 2 - page 6 à 13]
Et le jeudi 12ème jour de janvier 1590, en continuant à la
confection dudit inventaire en la présence de Pol Dumolin et de ladite veuve,
nous nous sommes transportés dans la chambre qui voulait être de feu Guillaume
Vaury et appartenant audit défunt dans laquelle avons trouvé et inventorié ce
qui s’ensuit :
Premièrement un chaslit* de sapin
avec son fonds [3] ;
plus une table longue de chêne avec ses tréteaux avec un banc ; plus une
broche de fer ; plus un b… à faire …
Et dicelle nous nous sommes
transportés dans une autre grande chambre regardant la rue joignant à celle
dudit défunt dans laquelle avons trouvé et inventorié les meubles qui
s’ensuivent :
deux cuillères d’airain une percée et
l’autre non percée ; plus une lampe ou chaleil* ; plus un petit pérol*
d’airain tenant trois pintes d’airain ; plus une roumane* de fer laquelle
ladite veuve a dit appartenir aux hoirs de feu Michel Dumolin ; plus une arquebuse
à mèche.
Plus une petite poële de fer ;
plus une longue table de noyer avec ses tréteaux et deux bancs de petite
valeur ; plus un buffet de châtaignier ; plus une grille de fer.
Plus un chaslit de sapin sur lequel y
a un lit de plume garni de sa couette, coussin, couverte de laine, lequel
ladite veuve a dit lui appartenir et être son lit nuptial ;
plus une grande bassine d’airain
tenant entour quatre pots d’airain étant en commun entre ledit défunt et les
hoirs de feu Michel Dumolin ;
plus une pelle de fer à pelleter le chanvre
qu’elle a dit appartenir à Ligier Fourcaud.
Et dicelle nous nous sommes transportés
dans la chambre étant derrière les autres deux où nous avons trouve un pérol
d’airain avec ses anses tenant entour un pot ;
plus un pot de fer tenant entour deux
quartes appartenant aux hoirs de feu Michel Dumolin.
Plus quatre chaslits de sapin garnis
de trois lits de plume, garnis de leurs couettes, coussins et couvertes de
petite valeur ;
plus un lit de balle garni de sa
couverte de lin ; plus un bigot ; plus un tour de lit avec sa frange
servant à trois chaslits tirant cinq brasses ; plus un atour de lit ;
plus un autre lit de plume garni de sa couette, coussin, couverte de laine
appartenant aux hoirs dudit Michel Dumolin.
Plus desdits enfants dudit Michel y a
une quarte un demi et une tierce le tout d’étain ; plus une arche de sapin
sans serrure ; plus deux gouges à entonner ; plus une pelle à
blé ; plus une reilhe* de fer ; plus une corde charral [?] ; plus une vieille
arche de sapin sans serrure ; plus un petit coffre de chêne avec sa
serrure sans clef ; plus deux cendriers de fer ;
et dicelle nous nous sommes derechef
transportés au bas de ladite maison où nous avons trouvé ce qui s’ensuit :
une grande maie à pétrir avec son
couvercle ; plus trois grands arches de sapin à tenir du blé de peu de
valeur vide ; plus un van à vanter le blé ; plus une quarte blé
fèves ; plus un quarton* ; plus un jade* pastoize ; plus deux bacholles
de peu de valeur ; plus deux seaux de toile à tenir blé ; plus vingt
neuf livres de fil cru étant en écheveaux ;
et dicelle nous nous sommes
transportés dans un cuvage appartenant audit défunt situé au quartier de la place,
celui-ci acquis de Ligier Fourcaud, et dans lequel avons trouvé ce qui
s’ensuit :
premièrement une grande arche étant
dans ce cuvage dans laquelle avait été mis le blé ou seigle qui étant trouvé
dans la maison dudit défunt et icelle transportée dans ledit cuvage dont j’ai
parlé ci-dessus.
Plus une cuve de chêne dans laquelle
j’ai trouvé quatre setiers seigle ; plus une autre grande cuve valant deux
charges dans laquelle j’ai trouvé trois setiers émine pamoule ; plus
certaines tuiles creuses ; plus six fûts de charge vide ; plus dix
fûts de poinçon* vides ; plus un entonnoir ; plus deux bouteilliers* ;
plus un grand coffre de noyer sans serrure dans lequel je n’ai rien trouvé et
lequel ladite veuve a dit appartenir aux hoirs de Michel Dumolin.
S’ensuit
les héritages des biens immeubles délaissés par ledit défunt :
Premièrement une terre contenant
trois éminées ou entour située dans la justice d'Aubière et au terroir de Granier [Gravins] sive* de Mallemouche joignant à la terre de Blaize
Esclavy d’une part, et la terre de Michel Solier d'autre partie ;
plus une autre terre audit terroir
contenant trois quartelées ou entour joignant à la terre qui fut d’Anthoine Degironde
d’une part, et la terre de Michel Mallet d’autre partie ;
plus une autre terre contenant une éminée
située en ladite justice et terroir jouxte la terre de Jehan Feuilhade d’une
part, et le chemin commun d’autre partie ;
plus une autre terre située au
terroir du lac de Sarliève joignant à la terre de feu Me Gabriel Arlaud
d’une part, le chemin tendant de Clermont à Cournon d’autre part, et la terre
de Gilbert Lafaye, d’autre partie ;
plus une autre terre située dans la
justice dudit Aubière et au terroir de Rochegeneix jouxte la terre de Me
Jehan Taillandier d’une part, le vicinal commun d’autre partie, et la terre de Martin
Bourchier, par sa femme d’autre partie ;
plus une autre terre située dans
ladite justice et au terroir de las Varenas sive du veyrier joignant la terre
dudit Taillandier d’une part, la terre de Guillaume Vaissas d’autre part, et le
chemin commun d’autre partie ;
plus une autre terre audit terroir
contenant une éminée ou entour jouxte la terre des hoirs de Jehan Bourchier d’une
part, et la terre de Fontantige*, d’autre partie ;
plus une autre terre contenant une éminée
ou entour située dans la justice de Clermont et au terroir de la Gauteyre joignant
la terre de Guillaume Noellet par sa femme d’une part, et la terre de Jehan Legay
d’autre partie ;
plus une autre terre contenant une
éminée ou entour située dans ladite justice d’Aubière et au terroir du Chambon joignant
[mot suivi
d’un blanc… ?]
plus une autre terre contenant une
autre éminée située dans ladite justice et au terroir du Sezot [Cézeaux] joignant à la
terre d’Estienne Legay d’une part ;
plus une autre terre contenant dix
quartelées ou entour acquise par ledit défunt des Nadauls de Beaumont située
dans la justice dudit Aubière et au terroir de las Varenas joignant à la terre
de Michel Degironde d’une part ;
plus une autre terre contenant trois
journaux ou entour située dans ladite justice de Clermont et au terroir de la
Gauteyre [la
Gantière] acquise pareillement desdits Nadauls joignant au chemin commun
d’une part, et la terre de [… en blanc] d’autre partie ;
plus une vigne contenant quatre
œuvres ou entour située dans la justice d’Aubière et au terroir de Mallemouche
joignant à la vigne de Pierre Eyraud d’une part et la vigne de [… en blanc] ;
plus une autre vigne dans ladite
justice et au terroir du Creux des Malades joignant à la vigne de Michel
Bourchier d’une part ;
plus un pré contenant une œuvre ou
entour situé dans ladite justice et au terroir de las champs joignant un pré de
la veuve Pierre Boudet d’une part, et le béal commun d’autre part ;
plus un autre pré contenant demi
œuvre situé dans ladite justice et terroir joignant au pré des hoirs de feu Anthoine
Chastanier d’une part, et le pré de Michel Degironde par sa femme d’autre
partie ;
plus un autre pré contenant un quart
d’œuvre ou entour situé dans ladite justice de Montferrand et au terroir du
Grenouiller joignant au pré de Me Jehan Montorcier d’une part ;
plus un autre pré contenant un quart
d’œuvre ou entour situé dans ladite justice et au terroir de la Ribeyre qui fut
de Anthoine Fosson joust ;
plus un autre pré contenant un quart d’œuvre
situé dans ladite justice et au terroir de las champs joignant au pré de François
Oby d’une part, et le chemin commun d’autre partie ;
plus la moitié d’un verger planté d’arbres
francs et autres, ses appartenances situées dans ladite justice et terroir jouxte
le chemin commun d’une part, et l’autre moitié de verger appartenant aux hoirs
de Michel Dumolin d’autre partie ;
plus une maison située dans le lieu d’Aubière
et au quartier de la place où ledit défunt voulait faire sa résidence
consistant en chambres et autres, ses appartenances joignant à deux rues communes
de deux parties la maison de Jehan Rouchaud et Paul Dumolin d’autre partie ;
Plus une étable vide étant au-devant de
ladite maison joignant à deux rues communes de deux parties, et le cuvage de Pierre
Feuilhade d’autre partie ;
plus un cuvage acquis par ledit défunt
de Ligier Fourcauld, situé dans ledit lieu d’Aubière et audit quartier de la
place, jouxtant deux rues communes de deux parties, et la maison de Jehan Legay
d’autre partie ;
plus un chezal* de grange situé hors
le lieu d’Aubière et au quartier de la Quaire joignant à la rue commune d’une
part, et la grange de Me Jamet Dumolin d’autre partie.
Fait lesdits jour et an susdits.
signé : G Aubeny commis
greffier
Acte de tutelle
et nourriture de François Dumolin, fils à feu Pierre
(A.D. 63 - 5 E 44 5)
et nourriture de François Dumolin, fils à feu Pierre
(A.D. 63 - 5 E 44 5)
Aujourd’hui
troisième de janvier l’an mil cinq cent quatre vingt dix en la ville de Clermont
en la maison de honorable homme Me Jehan Galoubie, procureur fiscal
en la justice et seigneurie d’Aubière, lieu des présents, a omis de l’injure de
la guerre par-devant nous Jehan Fouchier, juge de ladite justice et seigneurie
d’Aubière, étant, à la prière des parties, transporté audit lieu, et sont
comparus en leurs personnes Me Jacques Dumolin, greffier en ladite
justice, lequel en la présence dudit procureur d’office, et de Catherine Desparrin,
veuve de feu Pierre Dumolin, Francois Sire, Anthoine Ramen, Anthoine Esclavy, François
Gioux,
Pol Dumolin
nous a remontré que, après le décès de feu Michel Dumolin son frère, vivant
habitant dudit lieu d’Aubière, ayant délaissé quatre enfants, à savoir Noël, Anthoine,
François et autre Anthoine Dumolin, ses enfants auxquels fut prononcé de tuteur
de la personne du défunt Pierre Dumolin dernièrement décédé, en aurait échu la
charge de cette tutelle jusques à l’heure de son décès lequel advenu dès le
jour et fête de ladite ascension de l’année mil cinq quatre vingt neuf [1589] dernièrement passée, délaisse François Dumolin
son fils, lequel avec les quatre enfants dudit feu Michel, sont demeurés sans
leur pouvoir, avoir prononcé d’aucune conduite jusqu’à présent ; que
voyant l’intérêt et fréquentation des habitants dudit lieu d’Aubière en être,
celle de Clermont être libre, désirant que à ces premiers mineurs autrement de
la justice soit donné condante à leurs personnes et biens, suivant la
promission* à lui par nous donnée, il aurait fait accueillir tous les sus nommés
à cette fin d’être prononcé de tuteur à ces mineurs pour après la dation de
ladite tutelle être prononcée au requis et conduite des personnes et biens de
ce mineur ; requérant ledit sieur procureur d’office d’adhérer à cette
réquisition lequel procureur d’office, ayant entendu la remontrance, a dit regretter
véritablement qu’un temps si long se soit écoulé après le décès dudit défunt Pierre,
sans avoir pu poursuivre la dation de ladite tutelle et conduite desdits mineurs ;
mais l’injure
de la guerre et malice du temps a donné empêchement à l’effet de l’exercice de
la justice dont a procédé la dillation* et retardement de ladite tutelle et
pour ce que maintenant je vois de jourdhui en ce lieu ladite veuve et parents et
amis cy devant nommés appelés à l’effet d’être prononcé à ladite tutelle de sa
part.
Il a
requis que nous ordonnions que tous lesdits parents et amis cy présents s’assembleront
promptement et entre eux aviseront celui qui sera capable pour avoir la charge
de ladite tutelle et administration, et que eux, en étant résolus, ils nous
rapporteront par leur serment.
Sur
quoi, nous avons ordonné que les susdits parents et amis s’assembleront
promptement et par leur jugement après avoir entre eux fait résolution de
ladite nomination de tuteur en feront le rapport pour après être procédé à la réception
du serment dudit tuteur, et autrement comme il appartiendra à celui-ci. Au même
instant, les susdits parents et amis s’étant retirés à part, et après avoir
longuement conféré de la dation de ladite tutelle, nous ont dit être prêts d’en
faire leur rapport suivant ce nous avons, de chacun d’eux, pris et reçu le
serment au cas requis, et jouxte lequel serment, par notre voix, nous avons
rapporté qu’ils ont tous nommé et élu d’un avis concordant pour tuteur de tous les
susdits mineurs desdits défunts ledit Me Jacques Dumolin, oncle
paternel desdits mineurs. Après que ledit procureur d’office a déclaré ne vouloir
empêcher ladite charge lui être baillée, nous lui avons fait prêter le serment
de bien et décemment se comporter en cette charge de tutelle et administration
desdits mineurs, régir et gouverner leurs personnes et biens comme de ses enfants
propres.
Et d’un
même avis et conseil de tous les proches parents a été baillé pour conseillers audit
tuteur en ladite charge le dit Me Anthoine Desparrin et ledit Anthoine
Esclavy, lesquels semblablement ont prêté le serment au cas requis.
Et après
que ledit tuteur a déclaré, pour la conservation des biens desdits mineurs,
avoir déjà commencé de découper par inventaire quelque partie du bien qu’il a
demandé pouvoir faire parachever ; ce que ledit procureur d’office a voulu
empêcher, et par ce avoir ordonné que ledit tuteur ferait reprendre ce qui a été
fait dudit inventaire et le fera parachever par celui qui a recommencé d’y procéder
pour, étant fait et communiqué audit procureur d’office, être rapporté et reçu.
Ainsi
que pour ce faire, suivant l’avis desdits parents et amis, et pour permettre
audit tuteur de vendre le bétail et autres meubles desdits mineurs, en la présence
et consentement dudit procureur, au jour pris pour terme requis à ladite vente.
Signature de l'acte de tutelle et nourriture de François Dumolin (A.D. 63) |
Ce d’autant
que tous lesdits parents sont d’avis qu’il est nécessaire de prononcer à l’administration
dudit François, fils de Pierre et aussi de la veuve, qu’ils sont tous d’avis
qu’il sera baillé à ladite veuve pour sa nourriture, et jusqu’à la st Jehan-Baptiste
prochaine, dix quartes conseigle et le vin de ménage qui est en la maison dudit
défunt ; et, pour la nourriture et l’entretien dudit François pour les années
à venir à partir d’aujourd’hui, sera baillé quatre sétérées de conseigle et
quatre écus sol journée ; lequel avis nous avons promis audit tuteur de
payer et bailler les susdites quantités de blé partie vin, et devra être fait
qui lui soit déduit, alloué, passé en son compte échappement de dépense.
Et en
tout avons octroyé acte aux parties pour leur valoir et savoir en temps et lieu
comme de raison.
Fait
ce jour et an susdit.
Signé : Fouchier ; Galoubie ; A. Desparrin ;
A. Esclavy ; J. Dumolin
et G. Aubeny, commis greffier.
Intérieur d'une auberge |
Du point de vue généalogique, ces deux
textes nous ont permis d’affiner les liens entre les Dumolin, mais laissent
quelques ombres au tableau…
D’abord les certitudes, la présence de
trois frères : Michel Dumolin, décédé avant l’ascension 1589 (entre
décembre 1586 et janvier 1589) ; Pierre Dumolin le jeune, décédé le jour
de l’ascension 1589 (le 11 mai) ; Jacques (ou Jacmet) Dumolin, encore
vivant en 1601.
Michel, laboureur, dont nous ignorons le
nom de l’épouse, a quatre enfants : Noël, Anthoine, François et autre
Anthoine. Les trois premiers auront une descendance.
Pierre le jeune est hôte et sa femme est
Catherine Desparrin ; il a un fils, François.
Jacques (ou Jacmet) est greffier de la
justice d’Aubière et notaire ordinaire, nous ignorons le nom de sa femme, avec
laquelle il a une fille, Marie (mariée par contrat du 25 août 1580 à Anthoine
Samoël, de Clermont) et un fils, Hugues. Jacques épousera, en secondes noces, Jehanne
Legay, veuve de Pierre Feuilhade, le 24 février 1601.
Par ailleurs, nous apprenons que Jehan Ronchaud,
dont l’épouse est Jacquette Dumolin, est cousin de François Dumolin, fils de
Pierre. Le texte confirme ce que nous pressentions : Jehan Ronchaud et Pol
(ou Paul) Dumolin vivent à même pot et feu, et sont sans contestation
beaux-frères. Le 3 février 1594, Jehan Ronchaud et Pol Dumolin confessent tenir
à titre d’héritage et perpétuel tènement, un chezal de grange de Mgr Gilbert,
seigneur d’Aubière. Dans l’inventaire, Pol Dumolin est aux côtés de Catherine Desparrin,
la veuve de Pierre Dumolin le jeune. On peut donc penser que Jacquette Dumolin
et Pol Dumolin, frère et sœur, sont cousins germains de Michel, Pierre le jeune
et Jacmet Dumolin.
On nous parle aussi de Pierre Dumolin
l’aîné. Il est engagé financièrement envers Pierre le jeune et Michel Dumolin,
ses neveux. Pierre Dumolin l’aîné est le père de Jacquette et Pol, qui auront,
comme Michel Dumolin, une descendance jusqu’à nos jours.
Quelques personnes citées :
- François Gioux (il s’agit de François Gioux
carme, époux d’Antoinette Rancon) est également cousin de François Dumolin,
mais à quel degré ? et cousin lui-même ou cousin par sa femme ? Trop d’incertitudes
pour tirer parti de cette information.
- Anthoine Esclavy, marchand, a épousé
Anthoinette Abrial, la veuve de François Morel.
- Anthoine Desparrin est le frère de
Catherine Desparrin. Ils sont originaires d’Orcival.
Lexique
Bouteilliers : porte-bouteilles ou
casiers à bouteilles.
Chaleil : lampe suspendue.
Chaslit : bois de lit.
Chezal : dans le Puy-de-Dôme, maison ou tout autre bâtiment en
ruine, sur l’emplacement duquel on peut reconstruire. On dit aussi chazal.
Daran : d’airain, de laiton.
Dillation :
gain de temps, retard.
Fontantiges :
maison et domaine (aujourd’hui disparus) sur la rive nord du lac de Sarliève,
le long et au sud de l’actuel « kilomètre lancé ».
Hoirs :
héritiers.
Jade : variation
régionale de jatte, panier en bois.
Mourtier : mortier.
Palle : pelle.
Pérol : chaudron.
Poinçon :
mesure de capacité pour les liquides.
Promission :
promesse.
Quarton : ancienne mesure
de capacité pour les grains. On écrit aussi carton.
Reilhe : soc
de charrue. On écrit aussi reille.
Roumane : « romaine », balance.
Sive : ou sivé, près de ou voisin de.
©
Cercle généalogique et historique d’Aubière (G. F. et P. B.)
[1] NOTE HISTORIQUE : La France vit une
époque de troubles politiques et religieux au moment du décès de Pierre Dumolin.
Catholiques et Protestants se disputent le pouvoir. Le roi Henri III est
combattu par les Huguenots et, malgré tous ses efforts, se voit détesté par les
Catholiques qui ont à leur tête Henri de Guise. Il ordonne l’assassinat de ce
dernier, le 23 décembre 1588, ce qui provoque le soulèvement de toute la France
contre lui. Paris, aux mains de la Ligue, le roi se réfugie à Blois, où il est
assassiné par un moine dominicain, Clément, le 1er août 1589. Il
meurt le lendemain. Henri IV sur le trône, mettra fin au conflit en janvier
1596. En Auvergne, cette époque est caractérisée par une anarchie sans
précédent provoquée par les heurts entre ligueurs et royalistes, qui ne
s’éteignirent que par la soumission de la ville d’Ambert en 1596.
[2] - Ascension :
le jour de l’ascension de l’année 1589 était le jeudi 11 mai.
[3] - Chaslit * :
l’astérisque renvoie au lexique en fin d’article.