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jeudi 6 juin 2013

Toute la vérité sur la suette miliaire à Aubière (1874) – 1/2



A partir du mois de mars 1874, une maladie, la suette miliaire, s’insinue à Aubière. D’abord en douceur, au point de ne pas inquiéter le médecin du cru, le docteur Teilhol, elle en vient à tuer les malades ! Branle-bas de combat !
Après le passage de l’épidémie, on érige une croix rue Vercingétorix, et l’on parle alors de dizaines de morts.
Depuis, on s’est longtemps penché sur les registres d’état civil pour constater l’hécatombe, pour se rendre compte finalement que la moyenne des décès en 1874 était conforme à celles des années précédentes. On en vient à douter : parlait-on de victimes malades ou de véritables décès ? Les malades étaient-ils morts à l’extérieur d’Aubière ; si oui, où ? L’hôpital de Clermont aurait-il accepté des malades contagieux, au risque de contaminer tous les vieillards y séjournant ? Le mystère restait entier.
La découverte du rapport du professeur Vincent Nivet, édité en 1881, va nous révéler enfin toute la vérité.[1]

Première partie

Quelques observations sur le bourg d’Aubière et sa population

La météorologie des mois de mars à juin 1874 n’a rien eu d’exceptionnel.
La plupart des rues d'Aubière sont étroites, boueuses ou encombrées de fumiers ; heureusement les maisons sont peu élevées, la ventilation s'y fait, pour ce motif, assez facilement.
Les appartements, dans les maisons des gens riches ou aisés, sont grands, bien aérés et bien éclairés.
Notons en passant que l'une des rues neuves, qui longe la partie Sud du village et qui est large et bien aérée, a payé son tribut à l'épidémie autant que les rues malsaines.

La population est de 4.819 habitants. Elle est composée d'hommes généralement forts, robustes et travailleurs ; riches et économes ; elle fournit une proportion peu considérable d'exemptés à l'époque de la conscription.
Pendant la première partie de l'épidémie, les habitants d'Aubière, attirés dans les champs par des travaux pressés, continuaient de travailler quoiqu'ils fussent fatigués ou mal à l'aise ; il en résultait que, lorsque la maladie les surprenait au milieu de leurs travaux, ils étaient frappés très vivement et presque tous succombaient.
La mort de plusieurs a rendu les autres plus prudents et la proportion des décès a diminué.
Comme dans toutes les épidémies, les plus prédisposés ont été plus vivement et plus fortement frappés ; pour ces divers motifs, les moyens thérapeutiques employés au début n'ont pas empêché la mort des cinq premiers individus atteints, quoique le médecin de la localité, M. Teilhol, eût parfaitement reconnu, tout d'abord, la nature de la maladie. Ce docteur avait eu l'occasion d'observer et de traiter la suette miliaire à Davayat, en 1866.
Par suite d'un préjugé répandu dans le peuple, les malades affectés de suette miliaire étaient étouffés sous de nombreuses couvertures qui provoquaient des sueurs excessives ; il en résultait, lorsqu'on était obligé de les changer de linge, des refroidissements dangereux.
D'autre part, la grande perte d'eau que subissaient les malades, avait encore l'inconvénient d'augmenter la proportion des globules et de la fibrine, d'épaissir le sang et de rendre la circulation plus difficile. Ce qu'il y a de certain, c'est que beaucoup de malades qui ont succombé pendant la période d'éruption, présentaient une teinte foncée de la peau, ce qui faisait dire aux habitants d'Aubière que ces malades décédés devenaient tout noirs.

Historique

Pendant les mois de mars et d'avril 1874, on avait observé, à Aubière, quelques cas de suette miliaire.
Le docteur Teilhol qui avait rencontré antérieurement des faits de même genre dans cette localité, se préoccupa peu de la nouvelle apparition de cette maladie. Mais, lorsqu'il eut constaté que tous les individus atteints étaient morts, quand, dès les premiers jours de mai, il eut vu augmenter le nombre des malades, il invita M. le Maire de la commune à solliciter le concours du Médecin des épidémies.
Le 8 mai, M. le Maire d'Aubière[2] se rendit auprès de M. le Préfet et lui annonça qu'une épidémie graduellement croissante avait envahi la commune dont l'administration lui était confiée, que le médecin de l'endroit était dans l'impossibilité de suffire à la tâche qui lui était imposée, que les indigents manquaient de médicaments, et qu'il était urgent d'organiser un service médical supplémentaire.
Le soir même, le docteur Nivet recevait l'invitation de se rendre à Aubière et de constater la nature de la maladie épidémique, de faire, dans le plus bref délai, un rapport sur les moyens à employer pour enrayer la marche croissante de la maladie.
Le lendemain, 9 mai, il se rendit dans le bourg infecté et il visita, en compagnie du docteur Teilhol, les personnes les plus fortement atteintes : toutes étaient affectées de suette miliaire simple ou compliquée.
Le 10 mai, il proposa, dans mon rapport à M. le Préfet :
1°. D’envoyer sur les lieux le docteur Pojolat qui devait concourir, avec M. Teilhol, à traiter la maladie épidémique ;
2°. D'autoriser les religieuses du Bon-Pasteur établies à Aubière, à fournir gratuitement, aux indigents malades, les remèdes qui leur seraient prescrits par les médecins.

M. le Maire d'Aubière est resté constamment à son poste et a fait exécuter toutes les mesures hygiéniques qui lui ont été indiquées ; il a courageusement accompli, jusqu'à la fin de l'épidémie, la tâche que lui imposaient ses fonctions.
Le 11 mai, M. le Préfet donnait son approbation aux mesures proposées, et, le même jour, le docteur Pojolat était installé chez M. Teilhol qui avait bien voulu lui offrir un gîte et la nourriture.
Après quelques visites faites en commun, la méthode de traitement fut étudiée et les divers moyens à employer furent arrêtés.

Malgré la présence d'un nouveau docteur, les habitants d'Aubière, qui avaient une grande confiance dans leur médecin ordinaire, continuaient de le harceler jour et nuit.
Cet énorme labeur devait mal finir. Le 16 mai, à deux heures du matin, M. Teilhol fut atteint de légers frissons compliqués d'anorexie, de nausées et de sueurs abondantes. Il prit, sur-le-champ, la résolution de se faire transporter à Clermont, où il a présenté les symptômes d'une suette miliaire des plus graves, mais qui, heureusement, s'est terminée par la guérison.
Le service médical se trouvait de nouveau réduit à un seul médecin, et le nombre des malades augmentait toujours.
M. le Préfet chargea le docteur Nivet d'inviter M. le docteur Pourcher et MM. Mazuel et Valude, internes de l'Hôtel-Dieu de Clermont, à s'établir à Aubière, où ils sont restés jusqu'au 11 juin.

Pendant toute la durée de cette épidémie, le docteur Nivet fit, tous les deux jours, des voyages dans le bourg envahi, et visita avec ses confrères les malades qui offraient les symptômes les plus graves, les complications les plus sérieuses.


Croix de la suette miliaire, rue Vercingétorix à Aubière
(cliché Pierre Bourcheix)


Reprenons le fil du rapport par le docteur Nivet [nous nous sommes permis d’ajouter des notes généalogiques] :

Étiologie

J'ai vainement cherché dans les conditions hygiéniques, au milieu desquelles vivent les habitants d'Aubière les causes de l'épidémie de suettes miliaires dont ils ont été les victimes.
Le bief et le ruisseau sont un peu fangeux, mais ils ne l'ont pas été cette année-là plus que les autres ; les rues sont étroites et encombrées de fumiers, mais ces conditions existent dans une foule de villages de la Limagne qui n'ont pas été envahis. Je ne pouvais pas invoquer la contagion ; Aubière a payé seul un large tribut à l'épidémie, et rien ne prouve que la suette miliaire ait été importée dans ce bourg par des étrangers.
La maladie n'a eu que de faibles retentissements à Clermont et dans quelques autres localités. (M. Dubest l’a signalée à Lempdes et à Pont-du-Château).
L'émigration n'a pas répandu la suette miliaire dans les villages où plusieurs habitants d'Aubière se sont réfugiés.
Les rues les plus malsaines n'ont pas offert un plus grand nombre de malades que les rues les plus larges et les plus aérées.
La fatigue corporelle et la peur ont paru jouer le rôle de cause aggravante.
Comme on a observé, chaque année, à Aubière, quelques cas isolés de suette miliaire, on est autorisé à penser que les causes inconnues qui provoquent cette maladie ont agi avec plus d'intensité en 1874, sans qu'on puisse en expliquer les motifs.
D'autres villages : Davayat, Gerzat, Mezel, Chauriat qui avaient antérieurement présenté des épidémies de suettes miliaires, n'ont offert rien de semblable en 1874.
L'accumulation d'un grand nombre d'individus dans des chambres trop étroites m'a semblé favoriser la propagation de la maladie. J'ai vu, dans l'une des maisons de ce village, une femme et ses quatre enfants affectés de suettes miliaires qui, heureusement, n'ont pas été graves. La mère seule a été sérieusement malade.
Les ivrognes, les personnes qui ont continué de travailler après avoir ressenti les premiers symptômes de la maladie, ceux que cette affection a surpris au moment où ils étaient épuisés par un travail excessif, par des nuits passées auprès des malades, ceux enfin qui avaient une grande frayeur de l’épidémie, ont eu des suettes miliaires graves et souvent mortelles.

Apparition et marche de l'épidémie

Pendant une première période, la suette, quoique très grave, a atteint un petit nombre d'individus ; je vais analyser, en quelques mots, les faits qui ont été observés à cette époque par le docteur Teilhol.

1°. Dans les premiers jours de mars, un premier malade a offert les symptômes d'une bronchite. Le 21 du même mois, cette maladie a pris une forme aiguë. La miliaire s'est montrée le 25 : les sueurs ont été modérées, l'éruption s'est faite d'une manière incomplète ; l'agitation et le délire sont devenus bientôt excessifs, le malade est mort le 30 mars (Taillandier, Gilbert, 38 ans).[3]
2°. Le second malade atteint, le 19 avril, d'une pneumonie congestive, s'est alité le 21; le 25 avril : épistaxis, sueurs et éruption miliaire. A ce moment-là les signes stéthoscopiques de la pneumonie ont disparu. Le 26, l'éruption pâlit, la sueur se supprime, le malade meurt le 27 avril. (Hervais, Martin, 30 ans).[4]
3°. Le troisième individu a été affecté de bronchite capillaire fébrile le 23 avril. Les jours suivants : cessation de la toux et de l'expectoration, apparition des sueurs et de la miliaire ; dans la nuit du 26 au 27, suppression des sueurs ; l'éruption est peu apparente, des suffocations très fortes surviennent, le décès a lieu le 28 avril. (Gioux, Martin, 36 ans).[5]
4°. Courbaturé le 29 avril, Bourcheix, Antoine, 36 ans, a pris un purgatif le 30. Il a travaillé le 1er et 2 mai, et a éprouvé le 3 un frisson suivi d'une fièvre vive avec sueurs ; du 4 au 5 mai, éruption miliaire. Le 5 et le 6, marche régulière de l'éruption ; du 6 au 7, délire, agitation très forte, décès le 8 au matin.[6]
5°. Breuly, François, âgé de 51 ans, a présenté, le soir du 3 mai, du frisson, puis de la chaleur et de la sueur avec fièvre, courbature et oppression ; le 4 ipécacuanha ; le 5, le malade est assez calme, le pouls donne 60 pulsations : éruption miliaire. Dans la nuit du 5 au 6, suppression de la miliaire, accidents tétaniques, mort à six heures.[7]

Pendant les premiers jours de mai, les malades sont devenus de plus en plus nombreux.

Nous allons résumer, dans un tableau général, les observations dans lesquelles le début de la maladie a été signalé ; nous placerons en regard et à leur date, les décès occasionnés par les suettes miliaires.

TABLEAU indiquant le début et la fin de l'épidémie

DATES
DECES
NOMBRE des invasions
DATES
DECES
NOMBRE des invasions
2 mai

1
17 mai
1
6
3 mai


18 mai

6
4 mai

1
19 mai

2
6 mai
1
2
20 mai

2
7 mai

5
21 mai
1
1
8 mai
1
5
22 mai

7
9 mai

11
23 mai

2
10 mai

5
24 mai

2
11 mai
1
19
25 mai

4
12 mai
1
10
26 mai
1
1
13 mai
4
22
27 mai
1
2
14 mai

30
28 mai

1
15 mai
1
11
30 mai
1

16 mai
2
17




On voit, d'après ce tableau, que c'est du 9 au 16 mai que le nombre des invasions a été le plus considérable.
La proportion la plus grande des morts a été notée le 13.
Le 4 juin, une légère recrudescence s'est produite ; puis la maladie a été réduite à des cas isolés très rares après le 11 du même mois.

TABLEAU relatif à l'âge, au sexe des malades, à la mortalité

AGE
SEXE
MORTS
GUERIS
TOTAUX
Masculin
Féminin
Sexe masculin
Sexe féminin
Sexe masculin
Sexe féminin
De 1 à 4 ans
2
1


2
1
3
De 5 à 9 ans
4



4

4
De 10 à 14 ans
3



3

3
De 15 à 19 ans
6
5


6
5
11
De 20 à 29 ans
23
19
3
1
21
18
43
De 30 à 39 ans
21
25
7
2
16
25
50
De 40 à 49 ans
22
32
2
2
20
30
54
De 50 à 59 ans
7
9
1

6
9
16
De 60 à 69 ans
2
1


2
1
3
De 70 à 79 ans
1
2

1
1
2
4
Non indiqué
4
8


4
8
12



13
6
85
99
203

Il faut ajouter à ce dernier chiffre environ 40 personnes qui ont été atteintes de suette et sur lesquelles nous n'avons pu obtenir aucun renseignement précis, parce qu'elles ont été traitées par des médecins étrangers au service médical établi à Aubière. Ce qui nous donne un chiffre de 243 suettes miliaires. Les maladies étrangères à la suette miliaire ont été comptées à part.

Age des individus atteints

Un petit garçon, âgé de 11 mois, a été affecté d'une miliaire peu intense. Les enfants de 1 à 15 ans ont été très-peu nombreux.
Ce sont les personnes âgées de 20 à 49 ans qui ont payé le plus large tribut à la maladie régnante.

Influence des sexes

Au début de l'épidémie, les hommes, fatigués par les travaux des champs, ont été atteints plus gravement et en plus grand nombre que les femmes ; plus tard, ce sont les femmes qui, ayant passé les nuits auprès des malades, ont été frappées plus souvent, mais d'une manière moins dangereuse.
L'infection a-t-elle joué un rôle important ? Cela est possible ; mais on ne m'a signalé aucun exemple positif de contagion.
En résumé : plus de femmes atteintes, plus de morts parmi les hommes.

Nous devons, avant de terminer cet article, comparer le nombre des malades et des décès au chiffre de la population d'Aubière.
Sur 4,519 habitants composant la population de ce bourg, 243 ont été affectés de suettes miliaires et 19 ont succombé ; ce qui nous donne un malade pour 18 ou 19 habitants, et un décès pour 237 à 238.
Parmi les individus affectés de suette miliaire, on compte 1 décès pour 7 guérisons.
Indépendamment des morts déterminées par l'épidémie, on a inscrit, en avril, 5 décès ; en mai, 4 décès occasionnés par des maladies étrangères à l'affection régnante.
En 1873, on avait enregistré, en avril, 5 décès et en mai, 7.
Somme toute, la suette d'Aubière, si l'on embrasse la généralité des faits, n'a pas été très-meurtrière.

Symptômes

Les prodromes de la suette miliaire, quand ils existent, sont : la courbature, une fatigue générale, l'inappétence, auxquelles peuvent se joindre des frissons erratiques, des douleurs vagues
ou articulaires, du lumbago. Ces derniers symptômes peuvent ne se montrer qu'après l'apparition du frisson initial qui est plus ou moins intense et prolongé. Ce frisson est suivi de chaleur vive, d'agitation, de fréquence du pouls, de malaise général. La peau, sèche au début, se couvre bientôt d'une sueur plus ou moins abondante. Il y a, en même temps, des bouffées de chaleur, de la céphalalgie, de l'anorexie ; assez fréquemment une constriction épigastrique pénible ou même de l'épigastralgie. On observe, en même temps, de l'oppression, parfois des suffocations très-fortes et des gonflements épigastriques avec pneumatose gastro-intestinale. La langue est saburrale, blanche ou légèrement jaunâtre, exceptionnellement elle est rouge, sèche et fuligineuse.
Les nausées et les vomissements ne sont pas très-rares. Les nuits sont souvent insomnes, ou bien, si le malade dort, il a des rêves pénibles, des cauchemars et des réveils en sursaut. Dans les cas graves, on observe parfois des soubresauts des tendons et des crampes dans les jambes.
Quand les sueurs sont copieuses et continues, les urines deviennent plus rares, moins abondantes, plus colorées.

Lorsque l'éruption cutanée est imminente, le pouls s'accélère, la peau devient sèche et brûlante, la céphalalgie est plus forte, l'agitation augmente, elle peut devenir excessive ; les phénomènes gastriques sont aussi plus intenses. La peau est le siège de picotements au niveau des parties qui seront envahies. Puis, au bout de -12 à 24 heures, on voit apparaître des papules rouges discrètes ou confluentes, offrant assez souvent, à leur centre, un point brillant comme micacé, qui marque la place où s'épanchera la sérosité qui donnera naissance aux vésicules (Dr Pojolat). Cette sérosité, limpide et incolore au début, devient plus tard opaline et comme purulente. Au bout de peu de jours, cette éruption se termine par desquammation.
Si les vésicules restent transparentes, les squammes très-minces sont à peine visibles; si le liquide des vésicules est opalin, les squammes, plus épaisses, sont faciles à apercevoir.
La succession des symptômes est rarement régulière, après un premier paroxysme ou première poussée qui est suivie d'une éruption de vésicules disséminées sur le visage et le cou ; une seconde poussée survenant assez souvent la nuit, donne lieu à une extension de l'éruption qui couvre le tronc et rarement le cuir chevelu ; une troisième poussée détermine l'apparition des papules sur les membres. Ces poussées sont précédées d'une augmentation de la fièvre, de l'agitation, de la céphalalgie, de l'épigastralgie et de l'oppression.

Si la poussée est plus intense, elle peut occasionner une augmentation des papules et des vésicules sur une partie du corps précédemment envahie par l'éruption. Quand la miliaire gagne la. plante des pieds, les picotements, dont ces parties sont le siège, sont très-douloureux.
Sur 80 malades, l'éruption a paru, le quatrième jour, 23 fois ; le-troisième jour, 18 fois ; le cinquième jour, 12 fois ; le deuxième jour, 11 fois ; le sixième jour, 9 fois ; le septième jour, 5 fois ; non noté, 25 fois.
Les sueurs, envisagées au point de vue de l'abondance, ont beaucoup varié. Dans les suettes miliaires peu intenses, elles ont été passagères; mais, lorsque la maladie était sérieuse, elles étaient, chez beaucoup de malades, considérables et même excessives. Tantôt ces sueurs abondantes se manifestaient spontanément tantôt elles étaient provoquées ou augmentées par la grande quantité de couvertures dont ou surchargeait les patients. Dans ce dernier cas, la vapeur que la peau des malades exhalait devenait apparente aussitôt que l'on soulevait les couvertures.
Chez un petit nombre de personnes on a observé, avant ou pendant l'éruption miliaire, de véritables sudamina sur le cou ou la poitrine, d'autres personnes ont offert, entre les papules, des taches d'un rouge foncé qui rappelaient le rash des Anglais.
Le pouls a varié chez le plus grand nombre des malades entre 70 et 100 pulsations, mais, dans les cas graves ou mortels, il a atteint 120, 125, 136 et 114 pulsations.
La température, prise sous l'aisselle avec un thermomètre centigrade très-sensible, a été d'autant plus élevée, en général, que l'affection était plus grave. Le plus souvent la fréquence du pouls était proportionnelle à l'élévation de la température.
L'augmentation de la fréquence du pouls a été cependant plus variable, moins régulière que l'augmentation de la chaleur.
Pendant les paroxysmes de la fièvre, le thermomètre montait un peu, surtout le soir ; dans les cas légers, il a varié entre 36° et 38° centigrades; si la maladie était plus sérieuse, il arrivait à 39°,8. Dans les cas graves, après avoir marqué 38°,9, il a atteint 42°,8 : ces dernières températures ont été notées chez trois malades qui ont succombé[8].

Indépendamment de l'agitation qui est quelquefois excessive chez les personnes affectées de suettes miliaires graves, on observe, dans certains cas, pendant le paroxysme de la fièvre, du subdelirium ou de véritables accès de délire passager, des bouffées de chaleur, des bourdonnements dans les oreilles, une rougeur plus ou moins vive de la face, des soubresauts des tendons.
Dans quelques variétés sérieuses, on a également noté les palpitations de cœur, des battements épigastriques, des menaces de syncope.


Dès demain nous publierons sur ce blogue la suite du Rapport Nivet sur la suette miliaire d’Aubière en 1874.
Nous verrons quelles ont été la marche et la durée de la maladie, ses complications, le traitement appliqué. Nous lirons avec attention des observations rédigées par les médecins sur des cas particuliers nominatifs, conduisant à la mort, mais aussi plus fréquemment à la guérison.
Enfin, nous avons complété le rapport par la liste nominatives des victimes de cette épidémie, qui a affecté durablement notre bonne ville d’Aubière, il y a 139 ans.

Copyright - Cercle généalogique et historique d'Aubière, 2013
 Annotations de Pierre Bourcheix.




[1] - Ce rapport résume les observations qui ont été recueillies par MM. Nivet, Teilhol, Pojolat, Pourcher, docteurs en médecine, Valude et Mazuel, internes de l'Hôtel-Dieu, qui faisaient partie du service médical établi à Aubière, pendant l'épidémie de 1874.
[2] - En 1874, le maire d’Aubière est François Cassière-Noëllet.
[3] - Gilbert Taillandier, né le 23 novembre 1835.
[4] - Martin Hervais, né le 19 mai 1844.
[5] - Martin Gioux, né le 3 juin 1838.
[6] - Antoine Bourcheix, né le 22 juillet 1843.
[7] - François Breuly, né le 17 février 1823.
[8] - Sur 26 malades, dont 5 sont morts, la température a été régulièrement notée par MM. Mazuel ou Valude. Ce sont ces observations que résume le passage ci-dessus.

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