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vendredi 21 juin 2013

Inventaire d’une maison de vigneron en 1772

Saga Bayle - volet 1

Une nouvelle fois, nous pénétrons dans la maison d’un défunt aubiérois. Cette fois, près de 200 ans plus tard [voir La famille Dumolin en 1590]. Il s’agit aujourd’hui de la famille Bayle (Baille ou Baile) dont nous vous donnons la composition ci-dessous. Encore une fois, on minimise la valeur des choses. Même le poulain de trois mois est « de presque aucune valeur ». On s’étonne que cette famille, pas si pauvre que cela, conserve çà et là dans les chambres ou les greniers « une vieille arche toute poury qui ne peut servir à rien » ou « un petit coffre entièrement poury lequel ne peut être d’aucun uzage » et même lorsque le fils fait quelques bénéfices ce ne sont que des « petits proffits » !...

Le vigneron Géraud Bayle, décédé le 11 novembre 1772, laisse sa veuve Anne Taillandier (°03/04/1714 ; +04/03/1786) et 6 enfants :
·         Antoinette     °13/07/1735  x 05/02/1765 à Pierre Blanc
·         Gilbert          °1737           + 26/03/1744
·         Thomas l’aîné °23/04/1739  x1 05/02/1765 à Marguerite Villevaud
                                           x2 24/01/1775 à Charlotte Roche
·         Martin          °28/04/1741  x 12/01/1768 à Gilberte Finaire
·         Marie           °30/10/1743  + 25/06/1745
·         François        °21/11/1747  x 04/02/1772 à Michèle Noëllet
·         Jean             °10/01/1753  x1 03/01/1774 à Étiennette Lacombe
                                          x2 03/02/1778 à Marie Roche
                                          x3 10 vendémiaire an 7 à Gilberte Lance
·         Thomas        °01/04/1756  x 21/02/1775 à Isabeau Bourcheix


« Aujourd’hui premier décembre mil sept cent soixante douze par devant nous, Girard, Arthème Thoury conseiller du roy, seul et unique juge civil et criminel et de police en la justice d’Aubière, le procureur d’office en ladite justice, a démontré que le nommé Géraud Baille, vigneron habitant de ce lieu, est décédé depuis environ quinze jours, qu’il a laissé Thomas, François, Jean et autre Thomas Baille, ses fils, que lesdits Thomas jeune et Jean sont encore mineurs, qu’il avait un autre fils, Martin Baille, qui fut marié avec Gilberte Finaire, et qui est décédé depuis environ quatre ans, et a laissé de son mariage Jeanne Baille, âgé d’environ cinq ans.
Que par contrat de mariage dudit Thomas Baille l’ayné, avec Marguerite Villevaud, du 16 janvier 1765, ledit deffunt Géraud Baille et Anne Taillandier sa femme, l’ont institué leur héritier par égale portion avec lesdits Martin, François, Jean et autre Thomas Baille leurs autres enfants de tous leurs biens dont ils m’auront saizit sous la rézerve de jouissance d’iceux dont le dit Géraud Baille et la dite Anne Taillandier sa femme se sont fait donnation mutuelle.
Que, pour l’intérêt tant des mineurs que des majeurs, enfants dudit Géraud Baille, il est besoin qu’il soit procédé (…) et la position des scellés sur les meubles (…) de la succession pour être ensuite fait inventaire en la manière ordinaire, pour en constater l’état, la qualité et la valeur ; et, à cet effet, il a requis notre transport dans la maison où est décédé ledit Géraud Baille, sur laquelle réquizition, nous nous sommes transportés, avec le procureur d’office, assisté de Me Etienne Beaudonnet, notre greffier ordinaire, et, dans la maison, nous avons trouvé Anne Taillandier, sa veuve, et le dit Thomas Baille l’ayné son fils, auxquels ayant fait connaître le sujet de notre transport, ils nous ont dit que les meubles et effets de la succession du dit Géraud Baille sont en évidence et nécessaires à leur uzage ordinaire, qu’il n’y a que les papiers qui puissent être mis sous les scellés. Ils nous ont en conséquence requis de nous abstenir de poser les scellés sur autre chose que sur les dits papiers, sauf de faire par nous présentement inventaire et description de tous le surplus qui est en évidence.
Sur quoy, muni du consentement du procureur d’office, avons procédé au dit inventaire et description comme s’ensuit :
Premièrement, dans la chambre où est décédé le dit Géraud Baille, s’est trouvé son lit composé de ridaux d’étoffe de ménage, coulleur de feuille morte, garny de gallons bleus fort uzée, d’une couverture de laine commune mis uzée, un lit de plumes fort minsse, deux draps de lit et une paillasse, et le chalit bois de cerisier.
Plus un autre lit composé de ridaux de l’étoffe de ménage, coulleur sitron, garny de galon bleu mis uzée, une couverture de laine très uzée, deux mauvais lits de plume, deux draps de lit, et une paillasse, et le chalit bois de noyer.



Plus un vesselier à la mode bois de fruitier ayant trois rayons, buffet à deux portes et deux tiroirs dans le bas, plus une grande table longues quatre pilliers, avec un tiroir au-dessus bois de fruitier, avec deux bancs bois de sapin, plus une table pliante bois de sapin, plus quatre cheizes de paille fort uzée.
Plus une grande marmitte de fonte à tenir environ un pot, autres deux petites marmittes aussi de fonte, l’une à tenir environ trois quarte, et l’autre deux, deux poilles à frire, une presqu’uzée, plus un petit bassin de cuivre jone à tenir environ trois quarte, mezurée une cuiller écumoire à pot de fer, une courmalière[1] fort minsse, un petit chine de fer, un mauvais gris de fer, un chandelier de fer, un petit poelon de cuivre jone entièrement uzé, six assiettes de faillance commune, une petite lanterne de fer blanc, une mesure d’huile de fer blanc, deux mauvaises cache d’estein, deux lampes de cuivre et de fer, un fer à repasser le linge.
Plus deux coffres de bois de sapin, que le dit Thomas Baille a dit lui appartenir en particulier, comme étant du chef de sa femme, et dans lesquels se sont trouvés les habits et linge à son uzage et de défunte sa femme.
Plus une armoire de bois de noyer à quatre portes et deux tiroirs dans le milieu, et dans laquelle se trouvent les habits du deffunt, consistant en deux camizolles[2] laine, l’une de drap, l’autre de draguet, deux paires de culottes de serge de ménage, deux paires de guêtres, l’une de serge, l’autre de draguet, deux mauvais chapeaux, vingt chemises de toile de ménage entièrement uzée, et un mauvais bonnet de laine, plus seize draps de lit de toile de ménage mi uzée, plus trois nappes, l’une grande et les autres moyennes, et les habits et linges à l’usage de la veuve, et dans l’un des tiroirs se trouvent les papiers de la dite succession, et, attendu qu’il n’est point à présent question d’en faire inventaire, nous avons, à la réquizition du procureur d’office, aposé un scellé sur le dit tiroir avec un bande de papier cachetée sur les deux bouts.
Dans la chambre à cotté s’est trouvé deux lits garnys de ridaux de serge de ménage, coulleur verte, à galon blanc, excepté qu’il manque au dit lit les ridaux de la ruelle, les dits ridaux sont mis à chacun des lits, une couverture de laine mi uzée à chacun des dits lits, un petit lit de plume très uzé, un chevet, deux draps de lit et une paillasse à chacun, et les chalys en bois de noyer fort uzés.
Plus une vieille armoire bois de noyer à quatre portes et deux tiroirs dans le milieu, dans laquelle se sont trouvés les habits, linges et hardes à l’uzage des autres enfants du dit Géraud Baille, plus une autre armoire bois de sapin à deux portes, dans laquelle il s’est trouvé deux paquets de chanvre peigné, pesant huit livres, et quelques mauvais linges à l’uzage de la veuve.
Plus un petit coffre de bois de sapin que la veuve du dit Géraud Baille a déclaré appartenir au dit Thomas Baille jeune, qu’il aurait acheté de ses petits proffits, dans lequel il se trouve quelques fruits, plus un autre coffre de bois de sapin que la dite veuve a dit appartenir à Michèle Noellet, sa belle-fille, femme du dit François Baille.
Plus les habits, hardes, impese et linges à l’uzage des autres enfants, et un berceau bois de sapin.
Et, après avoir vacqué depuis l’heure de huit du matin jusque celle de midy, avons remis la continuation du présent procès-verbal à deux heures de relevée de ce jour d’hui, et avons signé avec le procureur d’office et notre greffier. La dite Taillandier veuve et le dit Thomas Baille l’ayné ont déclaré ne savoir signer de ce enquis, et ont signé Thoury bailly, Girard procureur d’office et Beaudonnet greffier.

Et le dit jour premier décembre 1772 à deux heures de relevée en conséquence de la remise dont la précédente datte nous juge susdit susscellé comme dessus de notre greffier et en présence de notre procureur d’office, nous sommes transporté dans la maison où est décédé le dit Géraud Baille où nous avons trouvé la dite Taillandier et le dit Thomas Baille l’ayné, et en continuant le présent procès-verbal, nous avons trouvé dans une petite chambre, à la suite des deux premières, un bois de lit de noyer avec le surciel bois de sapin où il y a une paillasse et un mauvais lit de balles tout pouryes sans chevet et autre garniture.
Plus une vieille arche bois de sapin toute poury qui ne peut servir à rien.
Plus un petit coffre bois de sapin entièrement poury sans ferrures ni ferement, et lequel ne peut être d’aucun uzage.
Plus, dans le petit grenier au-dessus de la dite chambre, environ six bachollées de pommes communes, plus dans l’autre petite chambre qui est à cotté une vieille met à pétrir bois de sapin.
Plus dans le grenier qui reigne sur les premières chambres, une arche de bois de sapin presque neuf, à tenir environ huit septiers bleds.
De là, sommes descendus dans le cuvage, qui est au-dessous des premières chambres, dans lequel il s’est trouvé six pièces remplies de vin, de la récolte de l’année présente, contenant cinquante pots de chacune l’une dans l’autre, plus quatre pièces de petit vin, contenant trente pots chacun l’une dans l’autre, plus un petit poinsson[3] de vinaigre, contenant six pots, plus quatre cuves, l’une grande à tenir environ dix-huit sommes[4], l’autre quatre sommes. Plus douze bacholles mi uzées en entenoire des bacholles.
Plus, dans un cuvage qui est sous les dernières chambres, il s’est trouvé une cuve neuve à tenir environ dix-huit sommes de vendanges, et dans une petite étable, un cochon de l’âge environ huit mois.


Plus une grange dépendant de la dite succession, scittuée au quartier de la Quaire, a été trouvé un tas de gerbes de bleds seigle, contenant environ huit cent.
Plus un petit tas de foing, contenant environ un chard, plus dans l’étable attenant à la grange, deux vaches errans, l’une poille rouge, l’autre poille noir avec un veau de trois semaines, plus dans la cour de la dite grange un chard à quatre roues ferrées fort uzées.
Qui sont tous les meubles, effets et denrées qui se sont trouvés dans les bâtiments de la dite succession où nous sommes transportés. Et, après que la dite Taillandier, veuve du dit Géraud Baille, et le dit Thomas Baille son fils ayné, ont, par serment présentement prêté devant nous, n’avoir aucune connaissance qu’il n’y ayent d’autre et n’y avoir soustrait ni divertir aucuns, nous déclarant néanmoins qu’il y avait au décès du dit Géraud Baille, un poulin à l’âge de trente mois qui fut vendu et de presque aucune valeur qu’il fut déclaré payé au Thomas, maréchal de ce lieu d’Aubière, auquel le deffunt avait délivré une jument pour vendre à la foire dernière, et qu’il vendyt effectivement, mais que n’ayant pu rendre compte du prix qu’il en avait tiré, il délivre le dit poulin en disant qu’il l’avait troqué pour la dite jument, sous un retour de la somme de trente deux livres, pour laquelle il consentit une obligation dont il y a grand risque d’estre payé par le peu de solvabilité du dit Jean Thomas.
Déclare aussi la dite Taillandier et le dit Tomas Baille l’ayné qu’ils ont vendu depuis le décès de Géraud Baille une pièce de trente six pots de vin de la dite succession à raison de quarante sols le pot, et qu’il fut trouvé, après le décès de Géraud Baille, trois louis d’or de vingt-quatre livres pièce, qui ont été employés aux affaires de la dite succession. Dont en dû.
Nous avons signé, dressé procès-verbal, qui a été fait et clos le dit jour et sur l’heure de cinq du soir. Ordonnons qu’à la requête du procureur d’office, qui fera prestament procéder à la tutelle des enfants mineurs du dit Géraud Baille, et de la mineure du dit deffunt Martin Baille, et avons signé avec notre greffier et le procureur d’office, la dite Taillandier et le dit Thomas Baille ont déclaré ne savoir signer de ce enquis, et on a déclaré que le dit mobilier est de la valeur de neuf cent livres, et, à la minute, ont signé Thoury baillif, Girard procureur d’office et Beaudonnet greffier.

L’inventaire des papiers, qui nous aurait donné la liste des obligations et des propriétés foncières de Géraud Baille, nous aurait sans doute permis de cerner plus précisément la fortune de cette famille, malheureusement, il n’a pas (encore) été retrouvé…

© - Cercle généalogique et historique d’Aubière, Marie-José Chapeau, archives privées.



[1] - Courmalière : lire crémaillère. Cet objet important est toujours cité en priorité dans les anciens inventaires après décès, car il symbolise le feu et l’habitation.
[2] - Camizolle : camisole, sorte de vêtement à manches, et court, qui se portait sous ou sur la chemise.
[3] - Poinsson : poinçon, mesure de capacité pour les liquides et matières sèches. Pour le vinaigre, un tonneau de 200 litres.
[4] - Somme : ancienne mesure de capacité. Pour la vendange, 200 litres environ.

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