A partir du mois de mars 1874, une
maladie, la suette miliaire, s’insinue à Aubière. D’abord en douceur, au point
de ne pas inquiéter le médecin du cru, le docteur Teilhol, elle en vient à tuer
les malades ! Branle-bas de combat !
Après le passage de l’épidémie, on
érige une croix rue Vercingétorix, et l’on parle alors de dizaines de morts.
Depuis, on s’est longtemps penché
sur les registres d’état civil pour constater l’hécatombe, pour se rendre compte finalement
que la moyenne des décès en 1874 était conforme à celles des années
précédentes. On en vient à douter : parlait-on de victimes malades ou de
véritables décès ? Les malades étaient-ils morts à l’extérieur
d’Aubière ; si oui, où ? L’hôpital de Clermont aurait-il accepté des
malades contagieux, au risque de contaminer tous les vieillards y
séjournant ? Le mystère restait entier.
La découverte du rapport du
professeur Vincent Nivet, édité en 1881, va nous révéler enfin toute la vérité.[1]
Première
partie
Quelques observations sur le bourg d’Aubière
et sa population
La météorologie des mois de mars à juin 1874 n’a rien eu d’exceptionnel.
La plupart des rues
d'Aubière sont étroites, boueuses ou encombrées de fumiers ; heureusement
les maisons sont peu élevées, la ventilation s'y fait, pour ce motif, assez
facilement.
Les appartements,
dans les maisons des gens riches ou aisés, sont grands, bien aérés et bien
éclairés.
Notons en passant
que l'une des rues neuves, qui longe la partie Sud du village et qui est large
et bien aérée, a payé son tribut à l'épidémie autant que les rues malsaines.
La population est de
4.819 habitants. Elle est composée d'hommes généralement forts, robustes et
travailleurs ; riches et économes ; elle fournit une proportion peu
considérable d'exemptés à l'époque de la conscription.
Pendant la première
partie de l'épidémie, les habitants d'Aubière, attirés dans les champs par des
travaux pressés, continuaient de travailler quoiqu'ils fussent fatigués ou mal
à l'aise ; il en résultait que, lorsque la maladie les surprenait au
milieu de leurs travaux, ils étaient frappés très vivement et presque tous succombaient.
La mort de plusieurs
a rendu les autres plus prudents et la proportion des décès a diminué.
Comme dans toutes
les épidémies, les plus prédisposés ont été plus vivement et plus fortement
frappés ; pour ces divers motifs, les moyens thérapeutiques employés au
début n'ont pas empêché la mort des cinq premiers individus atteints, quoique
le médecin de la localité, M. Teilhol, eût parfaitement reconnu, tout d'abord, la
nature de la maladie. Ce docteur avait eu l'occasion d'observer et de traiter
la suette miliaire à Davayat, en 1866.
Par suite d'un
préjugé répandu dans le peuple, les malades affectés de suette miliaire étaient
étouffés sous de nombreuses couvertures qui provoquaient des sueurs
excessives ; il en résultait, lorsqu'on était obligé de les changer de
linge, des refroidissements dangereux.
D'autre part, la
grande perte d'eau que subissaient les malades, avait encore l'inconvénient
d'augmenter la proportion des globules et de la fibrine, d'épaissir le sang et
de rendre la circulation plus difficile. Ce qu'il y a de certain, c'est que
beaucoup de malades qui ont succombé pendant la période d'éruption, présentaient
une teinte foncée de la peau, ce qui faisait dire aux habitants d'Aubière que
ces malades décédés devenaient tout noirs.
Historique
Pendant les mois de
mars et d'avril 1874, on avait observé, à Aubière, quelques cas de suette
miliaire.
Le docteur Teilhol
qui avait rencontré antérieurement des faits de même genre dans cette localité,
se préoccupa peu de la nouvelle apparition de cette maladie. Mais, lorsqu'il
eut constaté que tous les individus atteints étaient morts, quand, dès les
premiers jours de mai, il eut vu augmenter le nombre des malades, il invita M.
le Maire de la commune à solliciter le concours du Médecin des épidémies.
Le 8 mai, M. le
Maire d'Aubière[2] se
rendit auprès de M. le Préfet et lui annonça qu'une épidémie graduellement croissante
avait envahi la commune dont l'administration lui était confiée, que le médecin
de l'endroit était dans l'impossibilité de suffire à la tâche qui lui était
imposée, que les indigents manquaient de médicaments, et qu'il était urgent
d'organiser un service médical supplémentaire.
Le soir même, le
docteur Nivet recevait l'invitation de se rendre à Aubière et de constater la
nature de la maladie épidémique, de faire, dans le plus bref délai, un rapport
sur les moyens à employer pour enrayer la marche croissante de la maladie.
Le lendemain, 9 mai,
il se rendit dans le bourg infecté et il visita, en compagnie du docteur
Teilhol, les personnes les plus fortement atteintes : toutes étaient
affectées de suette miliaire simple ou compliquée.
Le 10 mai, il
proposa, dans mon rapport à M. le Préfet :
1°. D’envoyer sur
les lieux le docteur Pojolat qui devait concourir, avec M. Teilhol, à traiter
la maladie épidémique ;
2°. D'autoriser les
religieuses du Bon-Pasteur établies à Aubière, à fournir gratuitement, aux
indigents malades, les remèdes qui leur seraient prescrits par les médecins.
M. le Maire
d'Aubière est resté constamment à son poste et a fait exécuter toutes les
mesures hygiéniques qui lui ont été indiquées ; il a courageusement
accompli, jusqu'à la fin de l'épidémie, la tâche que lui imposaient ses
fonctions.
Le 11 mai, M. le
Préfet donnait son approbation aux mesures proposées, et, le même jour, le
docteur Pojolat était installé chez M. Teilhol qui avait bien voulu lui offrir
un gîte et la nourriture.
Après quelques visites
faites en commun, la méthode de traitement fut étudiée et les divers moyens à
employer furent arrêtés.
Malgré la présence
d'un nouveau docteur, les habitants d'Aubière, qui avaient une grande confiance
dans leur médecin ordinaire, continuaient de le harceler jour et nuit.
Cet énorme labeur
devait mal finir. Le 16 mai, à deux heures du matin, M. Teilhol fut atteint de
légers frissons compliqués d'anorexie, de nausées et de sueurs abondantes. Il
prit, sur-le-champ, la résolution de se faire transporter à Clermont, où il a présenté
les symptômes d'une suette miliaire des plus graves, mais qui, heureusement,
s'est terminée par la guérison.
Le service médical
se trouvait de nouveau réduit à un seul médecin, et le nombre des malades
augmentait toujours.
M. le Préfet chargea
le docteur Nivet d'inviter M. le docteur Pourcher et MM. Mazuel et Valude,
internes de l'Hôtel-Dieu de Clermont, à s'établir à Aubière, où ils sont restés
jusqu'au 11 juin.
Pendant toute la durée
de cette épidémie, le docteur Nivet fit, tous les deux jours, des voyages dans
le bourg envahi, et visita avec ses confrères les malades qui offraient les
symptômes les plus graves, les complications les plus sérieuses.
Croix de la suette miliaire, rue Vercingétorix à Aubière (cliché Pierre Bourcheix) |
Reprenons le fil du rapport par le docteur Nivet [nous nous
sommes permis d’ajouter des notes généalogiques] :
Étiologie
J'ai vainement
cherché dans les conditions hygiéniques, au milieu desquelles vivent les
habitants d'Aubière les causes de l'épidémie de suettes miliaires dont ils ont
été les victimes.
Le bief et le
ruisseau sont un peu fangeux, mais ils ne l'ont pas été cette année-là plus que
les autres ; les rues sont étroites et encombrées de fumiers, mais ces
conditions existent dans une foule de villages de la Limagne qui n'ont pas été
envahis. Je ne pouvais pas invoquer la contagion ; Aubière a payé seul un
large tribut à l'épidémie, et rien ne prouve que la suette miliaire ait été importée
dans ce bourg par des étrangers.
La maladie n'a eu
que de faibles retentissements à Clermont et dans quelques autres localités.
(M. Dubest l’a signalée à Lempdes et à Pont-du-Château).
L'émigration n'a pas
répandu la suette miliaire dans les villages où plusieurs habitants d'Aubière
se sont réfugiés.
Les rues les plus
malsaines n'ont pas offert un plus grand nombre de malades que les rues les
plus larges et les plus aérées.
La fatigue
corporelle et la peur ont paru jouer le rôle de cause aggravante.
Comme on a observé,
chaque année, à Aubière, quelques cas isolés de suette miliaire, on est
autorisé à penser que les causes inconnues qui provoquent cette maladie ont agi
avec plus d'intensité en 1874, sans qu'on puisse en expliquer les motifs.
D'autres
villages : Davayat, Gerzat, Mezel, Chauriat qui avaient antérieurement
présenté des épidémies de suettes miliaires, n'ont offert rien de semblable en
1874.
L'accumulation d'un
grand nombre d'individus dans des chambres trop étroites m'a semblé favoriser
la propagation de la maladie. J'ai vu, dans l'une des maisons de ce village,
une femme et ses quatre enfants affectés de suettes miliaires qui,
heureusement, n'ont pas été graves. La mère seule a été sérieusement malade.
Les ivrognes, les
personnes qui ont continué de travailler après avoir ressenti les premiers
symptômes de la maladie, ceux que cette affection a surpris au moment où ils
étaient épuisés par un travail excessif, par des nuits passées auprès des
malades, ceux enfin qui avaient une grande frayeur de l’épidémie, ont eu des suettes
miliaires graves et souvent mortelles.
Apparition
et marche de l'épidémie
Pendant une première
période, la suette, quoique très grave, a atteint un petit nombre
d'individus ; je vais analyser, en quelques mots, les faits qui ont été
observés à cette époque par le docteur Teilhol.
1°. Dans les
premiers jours de mars, un premier malade a offert les symptômes d'une bronchite.
Le 21 du même mois, cette maladie a pris une forme aiguë. La miliaire s'est
montrée le 25 : les sueurs ont été modérées, l'éruption s'est faite d'une
manière incomplète ; l'agitation et le délire sont devenus bientôt
excessifs, le malade est mort le 30 mars (Taillandier, Gilbert, 38 ans).[3]
2°. Le second malade
atteint, le 19 avril, d'une pneumonie congestive, s'est alité le 21; le 25 avril :
épistaxis, sueurs et éruption miliaire. A ce moment-là les signes
stéthoscopiques de la pneumonie ont disparu. Le 26, l'éruption pâlit, la sueur
se supprime, le malade meurt le 27 avril. (Hervais, Martin, 30 ans).[4]
3°. Le troisième
individu a été affecté de bronchite capillaire fébrile le 23 avril. Les jours
suivants : cessation de la toux et de l'expectoration, apparition des
sueurs et de la miliaire ; dans la nuit du 26 au 27, suppression des
sueurs ; l'éruption est peu apparente, des suffocations très fortes
surviennent, le décès a lieu le 28 avril. (Gioux, Martin, 36 ans).[5]
4°. Courbaturé le 29
avril, Bourcheix, Antoine, 36 ans, a pris un purgatif le 30. Il a travaillé le
1er et 2 mai, et a éprouvé le 3 un frisson suivi d'une fièvre vive
avec sueurs ; du 4 au 5 mai, éruption miliaire. Le 5 et le 6, marche
régulière de l'éruption ; du 6 au 7, délire, agitation très forte, décès
le 8 au matin.[6]
5°. Breuly,
François, âgé de 51 ans, a présenté, le soir du 3 mai, du frisson, puis de la
chaleur et de la sueur avec fièvre, courbature et oppression ; le 4
ipécacuanha ; le 5, le malade est assez calme, le pouls donne 60
pulsations : éruption miliaire. Dans la nuit du 5 au 6, suppression de la miliaire,
accidents tétaniques, mort à six heures.[7]
Pendant les premiers
jours de mai, les malades sont devenus de plus en plus nombreux.
Nous allons résumer,
dans un tableau général, les observations dans lesquelles le début de la
maladie a été signalé ; nous placerons en regard et à leur date, les décès
occasionnés par les suettes miliaires.
TABLEAU indiquant le début et la fin de l'épidémie
DATES
|
DECES
|
NOMBRE des
invasions
|
DATES
|
DECES
|
NOMBRE des
invasions
|
2 mai
|
1
|
17 mai
|
1
|
6
|
|
3 mai
|
18 mai
|
6
|
|||
4 mai
|
1
|
19 mai
|
2
|
||
6 mai
|
1
|
2
|
20 mai
|
2
|
|
7 mai
|
5
|
21 mai
|
1
|
1
|
|
8 mai
|
1
|
5
|
22 mai
|
7
|
|
9 mai
|
11
|
23 mai
|
2
|
||
10 mai
|
5
|
24 mai
|
2
|
||
11 mai
|
1
|
19
|
25 mai
|
4
|
|
12 mai
|
1
|
10
|
26 mai
|
1
|
1
|
13 mai
|
4
|
22
|
27 mai
|
1
|
2
|
14 mai
|
30
|
28 mai
|
1
|
||
15 mai
|
1
|
11
|
30 mai
|
1
|
|
16 mai
|
2
|
17
|
On voit, d'après ce
tableau, que c'est du 9 au 16 mai que le nombre des invasions a été le plus
considérable.
La proportion la
plus grande des morts a été notée le 13.
Le 4 juin, une légère
recrudescence s'est produite ; puis la maladie a été réduite à des cas
isolés très rares après le 11 du même mois.
TABLEAU relatif à l'âge, au sexe des malades, à la mortalité
AGE
|
SEXE
|
MORTS
|
GUERIS
|
TOTAUX
|
|||
Masculin
|
Féminin
|
Sexe masculin
|
Sexe féminin
|
Sexe masculin
|
Sexe féminin
|
||
De 1 à 4 ans
|
2
|
1
|
2
|
1
|
3
|
||
De 5 à 9 ans
|
4
|
4
|
4
|
||||
De 10 à 14 ans
|
3
|
3
|
3
|
||||
De 15 à 19 ans
|
6
|
5
|
6
|
5
|
11
|
||
De 20 à 29 ans
|
23
|
19
|
3
|
1
|
21
|
18
|
43
|
De 30 à 39 ans
|
21
|
25
|
7
|
2
|
16
|
25
|
50
|
De 40 à 49 ans
|
22
|
32
|
2
|
2
|
20
|
30
|
54
|
De 50 à 59 ans
|
7
|
9
|
1
|
6
|
9
|
16
|
|
De 60 à 69 ans
|
2
|
1
|
2
|
1
|
3
|
||
De 70 à 79 ans
|
1
|
2
|
1
|
1
|
2
|
4
|
|
Non indiqué
|
4
|
8
|
4
|
8
|
12
|
||
13
|
6
|
85
|
99
|
203
|
Il faut ajouter à ce
dernier chiffre environ 40 personnes qui ont été atteintes de suette et sur
lesquelles nous n'avons pu obtenir aucun renseignement précis, parce qu'elles
ont été traitées par des médecins étrangers au service médical établi à Aubière.
Ce qui nous donne un chiffre de 243 suettes miliaires. Les maladies étrangères
à la suette miliaire ont été comptées à part.
Age des
individus atteints
Un petit garçon, âgé
de 11 mois, a été affecté d'une miliaire peu intense. Les enfants de 1 à 15 ans
ont été très-peu nombreux.
Ce sont les
personnes âgées de 20 à 49 ans qui ont payé le plus large tribut à la maladie
régnante.
Influence
des sexes
Au début de
l'épidémie, les hommes, fatigués par les travaux des champs, ont été atteints
plus gravement et en plus grand nombre que les femmes ; plus tard, ce sont
les femmes qui, ayant passé les nuits auprès des malades, ont été frappées plus
souvent, mais d'une manière moins dangereuse.
L'infection a-t-elle
joué un rôle important ? Cela est possible ; mais on ne m'a signalé
aucun exemple positif de contagion.
En résumé :
plus de femmes atteintes, plus de morts parmi les hommes.
Nous devons, avant
de terminer cet article, comparer le nombre des malades et des décès au chiffre
de la population d'Aubière.
Sur 4,519 habitants
composant la population de ce bourg, 243 ont été affectés de suettes miliaires
et 19 ont succombé ; ce qui nous donne un malade pour 18 ou 19 habitants,
et un décès pour 237 à 238.
Parmi les individus
affectés de suette miliaire, on compte 1 décès pour 7 guérisons.
Indépendamment des
morts déterminées par l'épidémie, on a inscrit, en avril, 5 décès ; en
mai, 4 décès occasionnés par des maladies étrangères à l'affection régnante.
En 1873, on avait
enregistré, en avril, 5 décès et en mai, 7.
Somme toute, la
suette d'Aubière, si l'on embrasse la généralité des faits, n'a pas été
très-meurtrière.
Symptômes
Les prodromes de la
suette miliaire, quand ils existent, sont : la courbature, une fatigue
générale, l'inappétence, auxquelles peuvent se joindre des frissons erratiques,
des douleurs vagues
ou articulaires, du
lumbago. Ces derniers symptômes peuvent ne se montrer qu'après l'apparition du
frisson initial qui est plus ou moins intense et prolongé. Ce frisson est suivi
de chaleur vive, d'agitation, de fréquence du pouls, de malaise général. La
peau, sèche au début, se couvre bientôt d'une sueur plus ou moins abondante. Il
y a, en même temps, des bouffées de chaleur, de la céphalalgie, de l'anorexie ;
assez fréquemment une constriction épigastrique pénible ou même de
l'épigastralgie. On observe, en même temps, de l'oppression, parfois des
suffocations très-fortes et des gonflements épigastriques avec pneumatose
gastro-intestinale. La langue est saburrale, blanche ou légèrement jaunâtre, exceptionnellement
elle est rouge, sèche et fuligineuse.
Les nausées et les
vomissements ne sont pas très-rares. Les nuits sont souvent insomnes, ou bien,
si le malade dort, il a des rêves pénibles, des cauchemars et des réveils en
sursaut. Dans les cas graves, on observe parfois des soubresauts des tendons et
des crampes dans les jambes.
Quand les sueurs
sont copieuses et continues, les urines deviennent plus rares, moins
abondantes, plus colorées.
Lorsque l'éruption
cutanée est imminente, le pouls s'accélère, la peau devient sèche et brûlante,
la céphalalgie est plus forte, l'agitation augmente, elle peut devenir
excessive ; les phénomènes gastriques sont aussi plus intenses. La peau
est le siège de picotements au niveau des parties qui seront envahies. Puis, au
bout de -12 à 24 heures, on voit apparaître des papules rouges discrètes ou confluentes,
offrant assez souvent, à leur centre, un point brillant comme micacé, qui
marque la place où s'épanchera la sérosité qui donnera naissance aux vésicules
(Dr Pojolat). Cette sérosité, limpide et incolore au début, devient plus tard
opaline et comme purulente. Au bout de peu de jours, cette éruption se termine
par desquammation.
Si les vésicules
restent transparentes, les squammes très-minces sont à peine visibles; si le
liquide des vésicules est opalin, les squammes, plus épaisses, sont faciles à
apercevoir.
La succession des
symptômes est rarement régulière, après un premier paroxysme ou première
poussée qui est suivie d'une éruption de vésicules disséminées sur le visage et
le cou ; une seconde poussée survenant assez souvent la nuit, donne lieu à
une extension de l'éruption qui couvre le tronc et rarement le cuir chevelu ;
une troisième poussée détermine l'apparition des papules sur les membres. Ces
poussées sont précédées d'une augmentation de la fièvre, de l'agitation, de la
céphalalgie, de l'épigastralgie et de l'oppression.
Si la poussée est
plus intense, elle peut occasionner une augmentation des papules et des
vésicules sur une partie du corps précédemment envahie par l'éruption. Quand la
miliaire gagne la. plante des pieds, les picotements, dont ces parties sont le
siège, sont très-douloureux.
Sur 80 malades,
l'éruption a paru, le quatrième jour, 23 fois ; le-troisième jour, 18
fois ; le cinquième jour, 12 fois ; le deuxième jour, 11 fois ;
le sixième jour, 9 fois ; le septième jour, 5 fois ; non noté, 25
fois.
Les sueurs,
envisagées au point de vue de l'abondance, ont beaucoup varié. Dans les suettes
miliaires peu intenses, elles ont été passagères; mais, lorsque la maladie
était sérieuse, elles étaient, chez beaucoup de malades, considérables et même
excessives. Tantôt ces sueurs abondantes se manifestaient spontanément tantôt
elles étaient provoquées ou augmentées par la grande quantité de couvertures
dont ou surchargeait les patients. Dans ce dernier cas, la vapeur que la peau
des malades exhalait devenait apparente aussitôt que l'on soulevait les
couvertures.
Chez un petit nombre
de personnes on a observé, avant ou pendant l'éruption miliaire, de véritables sudamina sur le cou ou la poitrine,
d'autres personnes ont offert, entre les papules, des taches d'un rouge foncé
qui rappelaient le rash des Anglais.
Le pouls a varié
chez le plus grand nombre des malades entre 70 et 100 pulsations, mais, dans
les cas graves ou mortels, il a atteint 120, 125, 136 et 114 pulsations.
La température,
prise sous l'aisselle avec un thermomètre centigrade très-sensible, a été
d'autant plus élevée, en général, que l'affection était plus grave. Le plus
souvent la fréquence du pouls était proportionnelle à l'élévation de la
température.
L'augmentation de la
fréquence du pouls a été cependant plus variable, moins régulière que
l'augmentation de la chaleur.
Pendant les
paroxysmes de la fièvre, le thermomètre montait un peu, surtout le soir ; dans
les cas légers, il a varié entre 36° et 38° centigrades; si la maladie était
plus sérieuse, il arrivait à 39°,8. Dans les cas graves, après avoir marqué
38°,9, il a atteint 42°,8 : ces dernières températures ont été notées chez
trois malades qui ont succombé[8].
Indépendamment de
l'agitation qui est quelquefois excessive chez les personnes affectées de
suettes miliaires graves, on observe, dans certains cas, pendant le paroxysme
de la fièvre, du subdelirium ou de véritables accès de délire passager, des
bouffées de chaleur, des bourdonnements dans les oreilles, une rougeur plus ou
moins vive de la face, des soubresauts des tendons.
Dans quelques
variétés sérieuses, on a également noté les palpitations de cœur, des
battements épigastriques, des menaces de syncope.
Dès demain nous publierons sur ce blogue la
suite du Rapport Nivet sur la suette miliaire d’Aubière en 1874.
Nous verrons quelles ont été la marche et la
durée de la maladie, ses complications, le traitement appliqué. Nous lirons
avec attention des observations rédigées par les médecins sur des cas
particuliers nominatifs, conduisant à la mort, mais aussi plus fréquemment à la
guérison.
Enfin, nous avons complété le rapport par la
liste nominatives des victimes de cette épidémie, qui a affecté durablement
notre bonne ville d’Aubière, il y a 139 ans.
Copyright - Cercle généalogique et historique d'Aubière, 2013
Annotations de Pierre Bourcheix.
Annotations de Pierre Bourcheix.
[1] - Ce rapport résume les observations qui ont été
recueillies par MM. Nivet, Teilhol, Pojolat, Pourcher, docteurs en médecine,
Valude et Mazuel, internes de l'Hôtel-Dieu, qui faisaient partie du service
médical établi à Aubière, pendant l'épidémie de 1874.
[2] - En 1874, le maire d’Aubière est François Cassière-Noëllet.
[3] - Gilbert Taillandier, né le 23 novembre 1835.
[4] - Martin Hervais, né le 19 mai 1844.
[5] - Martin Gioux, né le 3 juin 1838.
[6] - Antoine Bourcheix, né le 22 juillet 1843.
[7] - François Breuly, né le 17 février 1823.
[8]
- Sur 26 malades, dont 5 sont morts, la
température a été régulièrement notée par MM. Mazuel ou Valude. Ce sont ces
observations que résume le passage ci-dessus.
C'est passionnant ! Merci pour cet article !
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