Actualités


mardi 13 mai 2014

Four banal



Un jugement du bailli Thoury nous rappelait, dans un précédent billet d’il y a quelques mois, que les Aubiérois étaient obligés de faire cuire leurs pâtes dans les deux fours banaux du seigneur. Nous étions alors en 1780.
Depuis que nous en avons des traces écrites, c’est-à-dire depuis le XVème siècle, les Aubiérois, syndic et consuls en tête, ont toujours défendu âprement leurs intérêts face à l’autorité seigneuriale. Cette obligation de cuire dans le four banal, les modalités de gestion du four et le coût supporté par la population ont été l’objet de multiples procès et délibérations jusqu’à la Révolution de 1789. Quelques explications s’imposent.

Un four banal

Nous ne reprendrons pas tous les textes qui font référence au four banal à Aubière. Nous nous contenterons de citer ceux qui modifient le fonctionnement de cette « banalité ».

Banal, se disait des choses assujetties à une redevance au seigneur, pour l’usage public et obligatoire qu’on en faisait : moulin banal, four banal…
Le four banal était donc un des nombreux privilèges qu’avait le seigneur de percevoir une redevance, avec obligation d’utilisation de ce four pour toute cuisson de pain, de la part des particuliers.

Dans les “Cahiers d’histoire” (1), nous trouvons une étude : “Le four banal, en France, sous l’Ancien Régime”, dont voici quelques extraits :
[Page 63] - Bâtiment trapu, massif, le four de village pouvait défier le temps ; il est vraisemblable que, de réfections en réfections, il n’a pas, au cours des siècles, subi de transformations morphologiques radicales : Voûte en berceau, murs épais, parfois de près d’un mètre, ne s’élevant guère au-dessus du sol, couverture de terre tassée sur l’extrados de la voûte et, surtout, de larges et lourdes lauzes chevauchantes, cheminée monumentale et porte étroite et basse, tels en étaient les parties constituantes.
Matériellement, il est évident que rien ne distingue un “four banal” d’un four communal ; ils sont l’un et l’autre “servis” par un fournier, qui, sous la forme d’une part de pâte, de la braise et parfois d’une somme d’argent, par tourte cuite, prélève un droit au profit du propriétaire de l’installation...
Les fours communs, sont souvent, dans le langage commun, nommés banaux, c’est alors qu’ils appartiennent à une communauté d’habitants qui les a acquis, à titre onéreux, de son seigneur, et qui, comme son ayant-cause, s’est substituée à ses droits.
Les habitants sont alors obligés de cuire leur pain à ce four, et il leur est rigoureusement interdit, comme lorsqu’il existe un four banal seigneurial, de faire construire un four individuel ; il arrive aussi qu’une communauté d’habitants tienne à cens un four collectif d’un seigneur ayant droit de banalité - (Chabrol : Coutumes d’Auvergne III. page 459) - ainsi certains fours communs ou communaux sont aussi des fours banaux, mais, par une sorte de novation de fours banaux, non seigneuriaux, gérés par les collectivités villageoises.

La première mention du four banal d’Aubière date du 21 avril 1496, une transaction entre Louis, seigneur d’Aubière, et les habitants et manans du lieu au sujet de ces droits seigneuriaux, relatifs au « four bannier ». (2) Extraits :
[6]-  Aussi disoit ledit seigneur que, par autre droict seigneurial,
il avoit un four bannier  aud. lieu d’Aubière, auquel lesd.
habitans estoyent tenus de cuyre leur paste et luy payer le
droict de fournage, ou à ses adcenseurs, commis et depputez,
c’est assavoir d’ung sextier de blé converty en paste, une
coupe de paste, et de plus plus et de moings, et en oultre
fournir et bailher la fournilhe nécessaire pour chauffer led.
four (…)
et sans ce que iceulx habitans ne aucun d’eulx puissent
ou leur soit leu ne permis de faire aucun four en ladicte
justice pour cuire ledict pain et paste, ne cuire ailleurs
que audict four bannier dudict seigneur sans congie
et licence d’icelluy seigneur tenir… (3)

En 1633, le 8 août, les Consuls d’Aubière pour l’année - Anthoine Noellet et Blaise Chossidon - dans un procès-verbal, établi par le bailly de la seigneurie d’Aubière, Henry Gasper, ont « dit et remontré » que « le four bannal dudit lieu, appartenant à feu Noble François d’Aubière, seigneur et baron dudit lieu, a besoing de grandes et nécessaires répparacions » et lui ont exposé l’état des lieux et les travaux de réfection à faire. Le bailly en a donc dressé procès-verbal et ordonné l’exécution.

Dès le début du XVIIIème siècle, le four est affermé au Corps commun des habitants pour 240 livres par an. En 1751, le 28 juillet, à la lecture de la note 6, rédigée par les auteurs des Droits seigneuriaux à Aubière, on remarque que « le seigneur afferme son four à Antoine Janon, syndic de la paroisse et agissant pour le Corps commun, pour 2 années, commençant à la Noël 1751, moyennant 360 livres par an.
A la Noël 1753, ce bail est prolongé, par tacite reconduction, mais, par délibération du 19 mai 1755, les habitants décident de ne plus en payer la ferme qu’à raison de 260 livres par an. Contre quoi la Dame d’Aubière, héritière de son mari, décédé dans l’intervalle, proteste. (4)
Le 19 juin 1762, la même Dame afferme le four banal à Michel Noellet, agissant pour le Corps commun, moyennant 400 livres par an. Pour défaut de paiement du fermage, elle fait assigner les fermiers, le 8 août 1763, devant la Sénéchaussée de Clermont, qui condamne les Consuls, en leur qualité, à payer les arrérages dus (9 août 1764). (5)
Le 12 avril 1786, Pierre André, seigneur d’Aubière, afferme “les 2 fours banaux d’Obière” à Jean Ranvier, boucher, moyennant 400 livres par an, d’une part (Archives Départementales du Puy-de-Dôme C bis, Clermont, contrôle, reg. 286, fol.7 V°) et “un four et bâttiments", à Aubière, au même Ranvier, moyennant 200 livres par an, d’autre part (ibid. fol.10 V°).
Un four banal était à l’ouest de la Place des Ramacles (désignation d’arbitres, 5 messidor An X [24 juin 1802], exploit, 11 juin 1800, Archives Départementales du Puy-de-Dôme cote provisoire 0 03, Aubière, liasse 1). »

Le quartier de la Halle à Aubière
Plan cadastral de 1831
(Archives départementales du Puy-de-Dôme)

La situation de l’ancien et premier four a toujours été indiquée à l’intérieur des murs et au quartier de la Halle. On se souvient, qu’en 1790, suite à l’incendie de sa maison au quartier du Château, Antoine Bourcheix et sa famille avaient été relogés provisoirement par Jean-Baptiste André, fils aîné du baron d’Aubière, dans la chambre au-dessus du four banal au quartier de la Halle. Un texte plus récent, de 1847, le situe ainsi : « …la voûte de l’ancien four communal et la grange du nommé Bayle, qui sont adjacentes, et dont les eaux s’écoulent sur le mur de l’église… » Il s’agit, bien sûr, de l’ancienne église. (6)

Le four banal des Ramacles
Plan cadastral de 1831
(Archives départementales du Puy-de-Dôme)

Le 30 1784, on apprenait par un délibératoire l’existence d’un second four, le four des Ramacles, construit depuis peu d’années (vraisemblablement entre 1775 et 1780, comme on peut le déduire d’un délibératoire de 1788 qui lui donne 10 ans). Ce four neuf, dit de la Remacle, est décrit dans l’inventaire des biens de la famille André du 29 messidor an VI (17 juillet 1798). Il est dit que ce « four neuf » est composé au rez-de-chaussée, de deux fours et de deux pétrins. L’un de ces deux fours devait servir à « cuire le pain by ». Notons que fait partie de ce bâtiment, une grange et un corps de bâtiment divisé en 2 pièces au rez-de-chaussée, et répétition au-dessus. L’une des pièces du rez-de-chaussée sert de buanderie et la seconde d’atelier pour un charron.

Plus on « gratte », plus les fours se multiplient ! Deux fours au quartier de la Halle, plus deux fours aux Ramacles, cela fait quatre ! Les banalités du baron d’Aubière, avec en plus les trois moulins, devaient être très lucratives…

Notes :
(1) - Cahiers d’histoire, t XXII - 1977. 1, par Comité historique du Centre Est - p.61-70.
(2) – « Les droits seigneuriaux à Aubière », recueil de documents, relatifs aux contestations dont ils furent l’objet, P.F. Fournier et A. Vergnette, Revue d’Auvergne, 1928.
(3) – Fournilhe : (du latin furnus, four), branchages, ramilles propres à chauffer les fours.
(4) – Cette « Dame d’Aubière » est Marie Le Court, veuve de Jean André d’Aubière, décédé le 28 novembre 1754 (Archives Départementales du Puy-de-Dôme 1 C 1918, n°2). Les fourniers sont alors Antoine Berain, François Terringaud et Antoine Benay.
(5) - Archives Départementales du Puy-de-Dôme 1 C 1918 n°4.
(6) - Un second four est repéré au quartier de la Halle, dans l’inventaire des biens de la famille André en 1798 : « Autre four, cy devant banal, dans le dit lieu d'Aubière, quartier de la Halle, composé d'une grande pièce voûtée, au rez-de-chaussée, d'une chambre au premier et grenier supérieur joignant la maison de Michel Noellet d'orient, le passage de Louise Randanne, veuve de Jean Blanc, de midy, la place de la Halle d'occident et le passage pour le dit four de Nord ». Ce four, « cy devant banal » est situé ici à l’est de la place de la Halle, contrairement au premier, situé au sud.

© - Cercle généalogique et historique d’Aubière (Pierre Bourcheix)

Suivez l'histoire d'Aubière sur :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire