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vendredi 7 septembre 2012

Un peu de puériculture en 1910 [1/5]



Les billets du docteur Kyslaw – 5

Kyslaw, prononcez « qui s’lave ». C’est le pseudonyme que se donnait le bon docteur Casati qui n’avait pas de cabinet médical à Aubière, mais qui était malgré tout soucieux de la santé de ses concitoyens aubiérois et aimait prodiguer des conseils par l’intermédiaire du Bulletin paroissial d’Aubière, dans les années 1908-1913.
Nous allons, au fil des mois, vous distiller quelques-uns de ses billets.

Commence, aujourd’hui, une série de 5 billets sur la puériculture. Le premier concerne la naissance prématurée.

En janvier 1910 : Présentation

C’est par dizaine de mille qu’on compte les pauvres bébés qui meurent chaque année, faute de soins appropriés à leur tendre enfance. Certes, généralement l’affection de leurs parents ne leur fait pas défaut, et les parents sont les premiers à déplorer la mort du cher petit être, mais combien n’eussent pas eu à verser de larmes, s’ils l’avaient convenablement soigné.
En ce temps de dépopulation effrayante, qui mettra en question, d’ici peu, l’existence même de notre chère France, il est indispensable de chercher au moins, par tous les moyens, à conserver les rares enfants qui naissent ; il faut, coûte que coûte, les disputer victorieusement à la mort, les arracher aux mille ennemis qui les assaillent dès qu’ils ont vu le jour.
Puissent, les quelques articles qui vont se succéder dans le Bulletin Paroissial d’Aubière être écoutés et observés attentivement. Ils n’auront rien de didactique, ils prétendent qu’à être de simples et amicales causeries et n’aideraient-ils à sauver qu’un seul enfant, que l’auteur se déclarerait amplement dédommagé de sa peine.
Nous étudierons donc les soins à donner à l’enfant dans les diverses phases de son évolution, nous verrons de quelle utilité on peut lui être dès les premiers instants de sa naissance ; nous causerons aussi, à ce sujet, des soins tout particuliers et si délicats, qu’il faut lui prodiguer, quand, pour une cause quelconque, il vient au monde un peu trop tôt : quand il devance l’appel !
Enfin, nous le suivrons peu à peu à mesure qu’il grandira, et nous donnerons aussi quelques conseils à la jeune maman, qui, elle aussi, se doit à elle-même et à son enfant de se soigner sérieusement.

En mars 1910 : Naissance prématurée

Quelle conduite à tenir en cas de naissance prématurée ou simplement dans le cas où l’enfant, né à une époque normale, présenterait des signes de grande débilité ? Deux choses très importantes à faire, qui engagent gravement la responsabilité des parents devant Dieu, devant leur conscience, devant la société et pour lesquelles il n’y a pas d’hésitation possible :
·         Demander de suite conseil au médecin ;
·         Mettre de suite l’enfant en couveuse.
La présence du médecin est indispensable ; la sage-femme a terminé son rôle ; elle n’est plus en cause, ou tout au moins son rôle devient accessoire : c’est le médecin, et lui seul, qui pourra donner des conseils utiles, car lui seul sera capable d’examiner soigneusement et utilement l’enfant ; d’indiquer un traitement rationnel basé sur un diagnostic rationnel et par suite de donner à la jeune maman des conseils salutaires aussi bien pour elle que pour son nouveau-né. Cela est tellement évident que ça ne se discute même pas, et on ne peut que déplorer l’incroyable et fautive négligence des familles, négligence si fréquente encore dans nos campagnes, que bien des maladies et bien des morts de jeunes mères et d’enfants en sont la triste conséquence et la fatale punition.

"Mettre de suite l'enfant en couveuse..."

... Et d’abord, supposons le cas où le bébé attendu seulement pour une certaine époque, arrive avant terme, un mois, deux mois, quelquefois davantage...
Ce cas devient de plus en plus fréquent, car, s’il est dû quelquefois à un simple accident (la future maman fait une chute, éprouve une émotion violente, une frayeur, etc.) il est dû bien plus souvent à l’existence particulière que les femmes mènent aujourd’hui : adieu le bon temps où la femme vivait tranquillement à son foyer et s’occupait seulement des soins du ménage. Actuellement, les circonstances de la vie sont totalement changées, la plupart des femmes travaillent aux usines, quelques fois situées bien loin pour leurs pas de plus en plus pesants ; elles mènent une vie beaucoup plus tourmentée; les femmes du monde, elles-mêmes ne se reposent plus ; entraînées par ce tourbillon dans lequel elles vivent, elles ne modifient en rien leurs courses, leurs visites, leurs réceptions ; si quelques-unes les font par plaisir, la plupart les envisagent comme des corvées auxquelles les oblige la situation de leurs maris, et combien qui président, souriantes, à un grand dîner ou une soirée, donneraient beaucoup pour vivre simplement et pour être tranquilles.
Ces courses, ces travaux, ces fatigues, ces tracas incessants, voilà la grande cause des naissances prématurées. Car de tout cela résulte un affaiblissement général du corps où le système nerveux s’est développé d’une façon trop intense aux dépens des autres organismes. Et si nous considérons qu’il en découle une aptitude surprenante à contracter les maladies qui la guettent, nous comprendrons aisément que la mère portant un enfant dans ces conditions déplorables, trouvera bientôt le fardeau au dessus de ses forces ; son organisme affaibli, débilité, sera incapable de pourvoir à tous les besoins que nécessite le développement du petit être, et comme un affamé qu’il est, l’enfant s’échappe.
Soignez-vous donc, jeunes femmes, presque mamans ; veillez sur elles, vous, leurs maris ! Pensez qu’en les soignant, en les dorlotant même un peu, vous soignez et vous dorlotez en même temps votre enfant ; ne soyez pas égoïstes ! C’est si laid ! Épargnez à vos femmes tout souci, toute fatigue, toute course inutile ; s’il y a une commission à faire, un escalier à monter, un fardeau à porter, faites cela à leur place ; au repas, laissez-leur les meilleurs morceaux ; s’il y a dans vos caves quelques bouteilles de bon vin, réservez-les leur, au lieu d’aller les boire avec des voisins qui ne vous en savent pas gré, quand ils ne vous débinent pas. Soignez bien vos femmes, l’amour que vous avez ou devriez avoir, pour elles vous rendrons agréables ces légers sacrifices qui vous rendront vous-mêmes meilleurs et vous y êtes d’ailleurs obligés car à l’affection doit désormais s’ajouter le respect.
Et les femmes que la nécessité oblige à se rendre quand même à l’usine ? D’abord il y en aurait beaucoup moins si vous, les maris, vous aviez été plus prévoyants et si vous aviez, chaque jour, mis quelques sous de côté au lieu d’aller boire et fumer dans les cabarets.
Calculez les pièces d’or que représentent au bout d’un an, les petits verres et le tabac et aussi le temps perdu à vous intoxiquer ainsi, et dites-moi franchement si avec ces pièces d’or il n’y avait pas de quoi permettre à vos femmes de prendre quelques semaines de repos chez elles ?
Et puis il y a des lois et des prescriptions pour veiller sur vos femmes. Oui certes !
Et vous voyez que la question en valait la peine, puisque nos législateurs eux-mêmes, qui ont si peu d’idées raisonnables, ont eu cette idée qu’il fallait venir en aide aux femmes nécessiteuses sur le point d’être mères et leur procurer du repos, tout en subvenant à leurs besoins. Il est vrai que ce n’est pas une idée, cela, c’est de l’instinct, c’est de la zoologie : les animaux nous en donnent l’exemple.
Il y a aussi, il y a surtout, l’initiative et la charité privée. Pourtant il existe en France, des œuvres d’assistance pour les futures mamans à qui on procure, soit le repos nécessaire dans des maisons d’attente où elles sont admirablement soignées, soit des secours en nature ou en argent. Pourtant, vous le savez bien ! La charité et le besoin de se dévouer sont des vertus essentiellement françaises, le tout est de se renseigner, de s’informer et de s’y prendre à temps.

Docteur Kyslaw, alias docteur Casati.

Paru dans Bulletin paroissial d’Aubière - 1910




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