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vendredi 28 septembre 2012

Un peu de puériculture [2/5]



Les billets du docteur Kyslaw – 6

Kyslaw, prononcez « qui s’lave ». C’est le pseudonyme que se donnait le bon docteur Casati qui n’avait pas de cabinet médical à Aubière, mais qui était malgré tout soucieux de la santé de ses concitoyens aubiérois et aimait prodiguer des conseils par l’intermédiaire du Bulletin paroissial d’Aubière, dans les années 1908-1913.
Nous allons, au fil des mois prochains, vous distiller quelques-uns de ses billets.

Aujourd’hui, les couveuses pour enfants…

En avril 1910 : Les couveuses - 1

Quant aux couveuses pour enfants, il est pénible de constater que le département du Puy-de-Dôme est sur ce point un des plus arriérés de la France, Et cependant il est si facile et si peu coûteux d’employer une couveuse ! On en vend dans le commerce dont le prix varie entre 100 et 150 francs, qui sont très pratiques et répondent à toutes les exigences en dépit de leur prix infime.
Une sorte de caisse montée sur 4 pieds en bois, les parois au lieu d’être en bois sont en verre ; le couvercle est muni de charnières, quelques trous sont ménagés pour la circulation de l’air ; la partie inférieure est à double fond, sur le fond le plus bas on place des bouillottes d’eau chaude, analogues à celles qui chauffent les lits en hiver, sur l’autre fond on place l’enfant que l’on ne retire de la couveuse que pour lui donner sa nourriture ; un thermomètre fixé dans l’intérieur de la couveuse indique la température et le moment où il faut changer les bouillottes (toutes les 2 heures) et c’est tout !
Grâce à cet instrument si simple, il se sauvera journellement des centaines d’enfants.
C’est dans chaque commune que l’on devrait pouvoir trouver une couveuse. Quelle est la commune si nécessiteuse, si "miteuse", si arriérée qui ne puisse se payer une couveuse de cent et quelques francs ? et quel est le Conseil municipal assez peu soucieux de ses devoirs élémentaires et de sa responsabilité sociale pour ne pas parer de suite à cette lamentable et criminelle lacune ?
« Primum vivere ! », avant tout il faut vivre ! Donc avant tout, avant les questions d’administration, de voirie, d’arrosage, d’éclairage, et surtout avant ces fastidieuses et inutiles questions politiques qui ne devraient à peu près jamais être envisagées dans les assemblées municipales, avant tout cela, dis-je, il faut coûte que coûte faire vivre les enfants qui viennent de naître, ces pauvres petits êtres qui seront citoyens de la commune et citoyens français. Ils sont sans défense, mais ne demandent qu’à vivre !
Pauvres enfants, vous êtes trois, quatre, chaque année, dans chaque commune, qui auriez parfaitement vécu et qui seriez devenus de solides gaillards, si on ne vous avait pas refusé la douce température d’une couveuse. Et ils meurent de froid, lentement, les pauvres mignons ! Ils souffrent horriblement, leurs souffrances sont aussi atroces que celles de grandes personnes qu’on ensevelirait peu à peu dans la neige, au fond d’un lac glacé.
Puisque la question morale semble être beaucoup trop au-dessus de l’intellect de trop nombreuses municipalités, envisageons la question galette qui est plus à leur portée. Eh bien ! le calcul est simple : soit une couveuse placée à la Mairie et mise à la disposition des familles dans une commune de 2000 habitants, par exemple, l’expérience et les médecins sont là pour affirmer que dans semblable commune, 5 naissances au moins (prématurés ou non) nécessitent une couveuse pendant une moyenne de 15 jours. Sur ces 5 naissances, 2 surviennent dans des familles nécessiteuses qui enverraient prendre la couveuse à la mairie, sans qu’il leur coûte rien. Les trois autres familles sont à même de verser 0 f 50 pendant 15 jours, cela fait 7 f 50 ; multiplié par 3 familles cela fait 22 f 50.
Si la couveuse a coûté 150 francs (et c’est là un rare maximum) cela fait donc 150 francs qui rapportent annuellement 22 f 50, soit un revenu de 15 pour cent. Allons ! Mesdames les municipalités en faites-vous souvent des placements aussi rémunérateurs ?


En mai 1910 : Les couveuses - 2

Notre dernier article relatif à la nécessité impérieuse pour toute Commune de quelque importance de se procurer immédiatement une couveuse pour nouveau-nés qui soit constamment à la disposition des habitants, n’était pas encore paru, que les évènements s’étaient chargé, une fois de plus, de me donner raison. Et combien cruellement, hélas ! Puisque j’apprenais que deux jolis jumeaux, parfaitement constitués, mais nés avant terme, ont succombé le mois dernier !
Nous ne voudrions pas raviver la douleur des parents, mais il est cependant de notre devoir de médecin d’insister sur ce triste évènement. Il est permis de se demander si l’on n’aurait pas pu sauver ces deux pauvres bébés, en les plaçant en couveuse dès leur naissance. En semblable occurrence il n’y a pas lieu de se demander « si c’est bien la peine de mettre le nouveau-né en couveuse ». Cette question ne doit même pas se poser. Dès l’instant que la couveuse ne peut pas être nuisible à l’enfant et qu’au contraire elle lui est toujours profitable, il faut la couveuse. Voilà ! Il faut agir vite, c’est là le principal ! Chaque heure de retard diminue la capacité de résistance du nouveau-né dans sa lutte contre la mort ; chaque quart d’heure perdu compromet son existence.
Il eût fallu être à même de placer les deux petits jumeaux dont je parlais tout à l’heure, dans une couveuse trouvée sur place, immédiatement disponible. D’ailleurs, les accoucheurs s’accordent à préconiser l’emploi de la couveuse dans presque tous les cas de naissance gémellaire, les naissances gémellaires étant généralement prématurées.
Eh bien ! Je dis que si les parents de ces deux pauvres bébés avaient eu la possibilité de les mettre en couveuse, ils auraient peut-être, à l’heure où j’écris ces lignes, la joie d’organiser deux berceaux au lieu d’avoir à pleurer sur deux tombes... Pauvres petits ! L’un d’eux s’accrochait si désespérément à la vie qu’il a mis plus d’une semaine pour mourir ! Combien en faudra-t-il ?

Le docteur KYSLAW a écrit, dans cette publication, d’autres articles à caractère médical et d’hygiène élémentaire ; ainsi, en septembre 1908, il avait écrit un article sur "Le luxe des pauvres" ; en mai et juin 1909, un article sur "La propreté des rues" ; et en août 1909, un article sur "Les convenances dans les lieux publics".

Paru dans Bulletin paroissial d’Aubière, 1910




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