Les billets du docteur Kyslaw – 6
Kyslaw, prononcez « qui
s’lave ». C’est le pseudonyme que se donnait le bon docteur Casati qui n’avait pas de cabinet médical à Aubière, mais qui était malgré
tout soucieux de la santé de ses concitoyens aubiérois et aimait prodiguer des
conseils par l’intermédiaire du Bulletin paroissial d’Aubière, dans les
années 1908-1913.
Nous allons, au fil des
mois prochains, vous distiller quelques-uns de ses billets.
Aujourd’hui, les
couveuses pour enfants…
En avril 1910 : Les
couveuses - 1
Quant aux couveuses pour
enfants, il est pénible de constater que le département du Puy-de-Dôme est sur
ce point un des plus arriérés de la France, Et cependant il est si facile et si
peu coûteux d’employer une couveuse ! On en vend dans le commerce dont le
prix varie entre 100 et 150 francs, qui sont très pratiques et répondent à
toutes les exigences en dépit de leur prix infime.
Une sorte de caisse montée sur 4 pieds en bois, les parois au lieu
d’être en bois sont en verre ; le couvercle est muni de charnières,
quelques trous sont ménagés pour la circulation de l’air ; la partie
inférieure est à double fond, sur le fond le plus bas on place des bouillottes
d’eau chaude, analogues à celles qui chauffent les lits en hiver, sur l’autre
fond on place l’enfant que l’on ne retire de la couveuse que pour lui donner sa
nourriture ; un thermomètre fixé dans l’intérieur de la couveuse indique
la température et le moment où il faut changer les bouillottes (toutes les 2
heures) et c’est tout !
Grâce à cet instrument si simple, il se sauvera journellement des
centaines d’enfants.
C’est dans chaque commune que l’on devrait pouvoir trouver une couveuse.
Quelle est la commune si nécessiteuse, si "miteuse", si arriérée qui
ne puisse se payer une couveuse de cent et quelques francs ? et quel est
le Conseil municipal assez peu soucieux de ses devoirs élémentaires et de sa
responsabilité sociale pour ne pas parer de suite à cette lamentable et
criminelle lacune ?
« Primum vivere ! », avant tout il faut vivre ! Donc avant tout, avant
les questions d’administration, de voirie, d’arrosage, d’éclairage, et surtout
avant ces fastidieuses et inutiles questions politiques qui ne devraient à peu
près jamais être envisagées dans les assemblées municipales, avant tout cela,
dis-je, il faut coûte que coûte faire vivre les enfants qui viennent de naître,
ces pauvres petits êtres qui seront citoyens de la commune et citoyens
français. Ils sont sans défense, mais ne demandent qu’à vivre !
Pauvres enfants, vous êtes trois, quatre, chaque année, dans chaque
commune, qui auriez parfaitement vécu et qui seriez devenus de solides
gaillards, si on ne vous avait pas refusé la douce température d’une couveuse.
Et ils meurent de froid, lentement, les pauvres mignons ! Ils souffrent
horriblement, leurs souffrances sont aussi atroces que celles de grandes
personnes qu’on ensevelirait peu à peu dans la neige, au fond d’un lac glacé.
Puisque la question morale semble être beaucoup trop au-dessus de
l’intellect de trop nombreuses municipalités, envisageons la question galette
qui est plus à leur portée. Eh bien ! le calcul est simple : soit une
couveuse placée à la Mairie et mise à la disposition des familles dans une
commune de 2000 habitants, par exemple, l’expérience et les médecins sont là
pour affirmer que dans semblable commune, 5 naissances au moins (prématurés ou
non) nécessitent une couveuse pendant une moyenne de 15 jours. Sur ces 5
naissances, 2 surviennent dans des familles nécessiteuses qui enverraient
prendre la couveuse à la mairie, sans qu’il leur coûte rien. Les trois autres
familles sont à même de verser 0 f 50 pendant 15 jours, cela fait 7 f 50 ;
multiplié par 3 familles cela fait 22 f 50.
Si la couveuse a coûté 150 francs (et c’est là un rare maximum) cela
fait donc 150 francs qui rapportent annuellement 22 f 50, soit un revenu de 15
pour cent. Allons ! Mesdames les municipalités en faites-vous souvent des
placements aussi rémunérateurs ?
En mai 1910 : Les couveuses - 2
Notre dernier article relatif à la nécessité impérieuse pour toute Commune de quelque importance de se procurer immédiatement une couveuse pour
nouveau-nés qui soit constamment à la disposition des habitants, n’était
pas encore paru, que les
évènements s’étaient chargé, une fois de plus, de me donner raison. Et combien
cruellement, hélas ! Puisque j’apprenais que deux jolis jumeaux,
parfaitement constitués, mais nés avant terme, ont succombé le mois
dernier !
Nous ne voudrions pas raviver la douleur des parents, mais il est
cependant de notre devoir de médecin d’insister sur ce triste évènement. Il est
permis de se demander si l’on n’aurait pas pu sauver ces deux pauvres bébés, en
les plaçant en couveuse dès leur naissance. En semblable occurrence il n’y a
pas lieu de se demander « si c’est bien la peine de mettre le nouveau-né
en couveuse ». Cette question ne doit même pas se poser. Dès l’instant que
la couveuse ne peut pas être nuisible
à l’enfant et qu’au contraire elle lui est toujours profitable, il faut la couveuse. Voilà ! Il faut agir vite, c’est là le
principal ! Chaque heure de retard diminue la capacité de résistance du
nouveau-né dans sa lutte contre la mort ; chaque quart d’heure perdu
compromet son existence.
Il eût fallu être à même de placer les deux petits jumeaux dont je
parlais tout à l’heure, dans une couveuse trouvée sur place, immédiatement
disponible. D’ailleurs, les accoucheurs s’accordent à préconiser l’emploi de la
couveuse dans presque tous les cas de naissance gémellaire, les naissances
gémellaires étant généralement prématurées.
Eh bien ! Je dis que si les parents de ces deux pauvres bébés
avaient eu la possibilité de les mettre en couveuse, ils auraient peut-être, à
l’heure où j’écris ces lignes, la joie d’organiser deux berceaux au lieu d’avoir
à pleurer sur deux tombes... Pauvres petits ! L’un d’eux s’accrochait si
désespérément à la vie qu’il a mis plus d’une semaine pour mourir !
Combien en faudra-t-il ?
Le docteur KYSLAW a écrit, dans cette
publication, d’autres articles à caractère médical et d’hygiène
élémentaire ; ainsi, en septembre 1908, il avait écrit un article sur
"Le luxe des pauvres" ; en mai et juin 1909, un article sur
"La propreté des rues" ;
et en août 1909, un article sur "Les
convenances dans les lieux publics".
Paru dans Bulletin paroissial d’Aubière, 1910
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