Durant les dernières années du 1er Empire, en
dehors des agitations politiques, au cours desquelles les Aubiérois avaient une
réputation bien établie, il apparaît que toutes les nuits d’Aubière n’étaient
pas toujours sereines. L’ordre public était parfois troublé, malgré les appels
au calme réitérés par le maire à force d’arrêtés municipaux.
C’est ainsi que dans les nuits du 8
au 9 et du 11 au 12 mai 1811, on s’en prend à la vigne du maire et à un mur de
clôture de Mr de Provenchères, gendre de feu le dernier seigneur d’Aubière…
Sur ordre du préfet du Puy-de-Dôme, et escorté de deux
brigades de gendarmes, le sous-préfet, lui-même, se transporte à Aubière pour
enquêter sur ces deux délits.
Les faits : d’une
part, on a
coupé douze cent ceps, ou
environ, dans la vigne de Me Girard, Maire de la Commune d’Aubière, d’autre
part, un mur de clôture, avec le portail, appartenant à Mr de Provenchères,
propriétaire, a été renversé.
Enquête
Le sous-préfet se présente à la mairie où le maire Guillaume Girard, son
adjoint Claude Planche, et tout le conseil est réuni. On reconnaît Antoine Cassière, François Fouilloux, Martin
Moins, François Aubény, Jean Cougout, Amable Bourcheix, François Noellet, et
Antoine Noellet.
Interrogé, « le Sieur Claude Planche, adjoint à la
Mairie, nous a déclaré que les nommés Bertrand Pezant, âgé de 18 ans [1],
Amable Jallut, même âge, Guillaume Roche, âgé de 24 ans, Antoine Beneix, âgé
aussi de 24 ans [2], et Joseph Montagnon,
conscrit de 1811 [3], dont le numéro n’a
point encore été appelé, étaient soupçonnés d’être les principaux auteurs des
délits commis chez Mr le Maire et chez Mr de Provenchères, et que les individus
pouvaient être regardés comme les plus mauvais sujets de la Commune. »
Martin Moins, membre
du Conseil, assure le sous-préfet que le nommé Guillaume Lonchambon, conscrit
déserteur, lui avait dit que Roche et Beneix, dénommés ci-dessus étaient les
auteurs des délits.
Hormis Antoine
Cassière, qui ne peut infirmer ni confirmer ces affirmations, les autres
membres du conseil approuvent la déclaration de l’adjoint Planche. Ils ajoutent
que
1° Bertrand Pezant
avait sa mère et sa sœur détenues en prison comme convaincues de vol ;
2° qu’Amable Jallut
appartenait à la famille appelée "Pifra" [4],
dont 5 individus étaient aux galères ;
3° que Guillaume
Roche avait eu son père tué dans une cave en y volant du vin ;
4° que le père
d’Antoine Beneix était mort aux galères ;
5° enfin que Joseph
Montagnon était nommé comme voleur de profession.
Témoignage de Gabriel Valeix :
« dans la même nuit du 11 au 12, sur les deux heures du
matin, étant couché dans son lit, il fut réveillé par des coups de pierre qui
portèrent sur sa porte, qu’il se leva de suite et qu’étant accouru à l’endroit
où on les dirigeaient, il avait reconnu et distingué les nommés Joseph Beneix,
dit "Pacha", et
Bertrand Pezant, accompagnés de six autres qu’il n’avait pu distinguer, qu’il
avait de plus entendu le bruit occasionné par la chûte de deux pièces de bois
adossées à sa maison et renversées dans le chemin par les dits Beneix et
Pezant ; que voulant aller à leur poursuite il fut assailli au même moment
à grands coups de pierres ; qu’il avait vu fuir une de ses pièces de bois
par le dit Beneix et que l’autre le fâchait de ce qu’on ne la sciait pas à
l’endroit qu’il avait marqué. C’est tout ce qu’il a dit savoir. »
François Fallateuf, tambour de la Commune, a déclaré :
« avoir entendu du bruit dans la
nuit du 11 au 12, que ceux qui le faisaient chantaient et jetaient des pierres
çà et là, mais que les ténèbres ne lui ont pas permis de distinguer personne. »
Les cinq individus, excepté Guillaume Roche qu’on n’a pu trouver, présumés
être les auteurs des délits, ont été aussitôt arrêtés par mesure de sécurité et de
police, pour être conduits de suite par les gendarmes devant le Magistrat et
déposés dans la Maison d’arrêt de Clermont.
Estimation des dégâts :
Le mur de Mr de
Provenchères, « à l’aspect de nuit,
de la longueur d’entour huit mètres et une hauteur de quatre mètres, dans
lequel était un grand portail encadré de pierre de taille, avait été
entièrement renversé et les pierres de taille cassées. Nous avons estimé cette
réparation, après avoir entendu un homme de l’art, à la somme de quarante
francs. »
La vigne de Mr le
Maire, « où nous avons remarqué
qu’environ 800 seps avaient été coupés. Nous avons estimé la valeur à cent
cinquante francs. »
Sources :
Archives départementales du Puy-de-Dôme - 2 Z 21.
© - Cercle
généalogique et historique d’Aubière
[1] - Bertrand Pezant,
né le 3 avril 1793, fils d’Annet, tailleur d’habits, et de Marie Babut. Cette
dernière, ainsi que sa fille Marie, sont en prison en 1811, convaincues toutes
les deux de vol.
[2] - Antoine Beneix, né
le 20 juillet 1788, fils de Joseph et de Gabrielle Coherier. Son père Joseph
est « mort aux galères » à Riom, le 10 août 1803.
[3] - Joseph Montagnon,
né en 1791, fils de Michel et d’Antoinette Mazen. Tous sont célibataires au
moment des faits. Dans les relevés de l’état-civil aubiérois, nous n’avons pu
identifier ni Amable Jallut ni Guillaume Roche.
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