Quand Clauda Tailhandier se marie le 2 février 1694 à
Aubière avec Pierre Jallat, elle épouse le meunier et… le moulin.
Clauda Tailhandier, fille d’un vigneron aisé, parfois
qualifié de bourgeois, et petite-fille de notaire par sa mère, n’est pas
particulièrement prédestinée à ce métier.
Pierre Jallat est meunier et fils de meunier : son
père François, originaire de Chazelat, paroisse de Briffons, est meunier à
Aubière ; son grand-père maternel était boulanger à Clermont.
Le couple exploite un moulin à Rabanesse, paroisse
Saint-Genès de Clermont. Pierre Jallat meurt le 25 octobre 1706 ; il est
enterré le 26 à Aubière, en présence des frères de la Fête-Dieu. Quinze mois
plus tard, Clauda, veuve et mère de famille, prend deux moulins à bail dans la
paroisse d’Aubière.
La confrérie de la Fête-Dieu
L’inhumation de Pierre Jallat le meunier eut lieu le
lendemain de son décès subit, le 26 octobre 1706. Membre de la confrérie de la
Fête-Dieu, l’une des dix confréries aubiéroises, ses confrères se devaient,
comme de coutume, de l’accompagner à sa dernière demeure, au cimetière
Saint-Roch.
Pierre Jallat laissait à Clauda Tailhandier, son épouse, 4
enfants, nés à Aubière entre 1695 et 1700 : Anne, Jeanne, Jean et
Guillaume. Ces deux derniers poursuivront la lignée des meuniers. (1)
Une femme, maître meunier
Veuve, Clauda Tailhandier va continuer à faire tourner le
moulin de Rabanesse, à Clermont, et élever ses enfants. En début d’année 1708,
deux moulins se libèrent, appartenant au seigneur d’Aubière, Gilbert de Macon
du Cheix ; elle postule et obtient un bail emphytéotique pour les deux
moulins, le 1er février 1708 ! (2)
La meunière et son moulin |
La meunière aux trois moulins
Ne sachant ni lire ni écrire, Clauda sait sans doute compter
pour gérer trois moulins distants de trois quarts de lieue. Laissons tourner le moulin de Rabanesse, situé hors les
murs de Clermont, pour nous intéresser aux deux moulins aubiérois, objets de
l’emphytéose.
Ce sont deux moulins fermiers dont le premier est situé aux
Ramacles, à l’ouest du côté de la Garenne, et plus précisément au quartier de
la Fontaine. Il ne s’agit pas du moulin banal, aussi propriété du seigneur, au
levant de la porte des Ramacles, hors les murs et au sud du bourg (que l'on connaît sous le nom de moulin Lafayette). (3)
L’acte notarié précise que ce moulin de la Fontaine est confiné, au sud, par le jardin de la cure
d’Aubière, une rue à l’ouest, et la maison de Giraud Mallet au nord. Avec ce
moulin, Clauda jouira d’un pré, appelé le pré
du meusnier ou, dans des documents beaucoup plus anciens, le pré dumosnier. Ce pré est ainsi
confiné : « au quartier de la
ramaclas, joignant le beail [sic]
d’un desdits moulins de jour, le ruisseau de midy, le vergier et parq [sic] dudit seigneur de deux partyes ».
(4)
Le second moulin, avec un pressoir à huile, est aussi situé
hors les murs, et appelé le moulin bas.
Il confine avec le ruisseau au sud, et la rue au nord. C’est très
vraisemblablement celui que l’on appelait encore au siècle dernier, le moulin
d’en-bas ou le moulin Jallat-Dutemple, de la rue des Moulins.
Le seigneur d’Aubière cède ce bail contre « la quantité de vingt-huit septiers bled
conseigle net marchand mesure de Clermont, sous forme d’une rente annuelle et
perpétuelle, payable audit seigneur en son château du lieu d’Aubière, chacun an
en deux termes et payements esgaux, le premier le jour et feste de Saint Jean
Baptiste, et le dernier le jour et feste de nohel ». Le premier terme
échera le jour de la saint Jean Baptiste de l’année 1709, et le présent bail
emphytéose ne prendra son commencement qu’au premier janvier de la même année.
(5)
La meunière s’adjoint un meunier
A cette époque, les temps sont particulièrement durs. On se
relève à peine des années noires de la dernière décennie du siècle précédent.
Et Clauda est seule pour élever quatre enfants. Lorsqu’elle signe ce bail, nous
sommes persuadés, malgré son courage, qu’elle a déjà jeté son dévolu sur le
jeune Guillaume Bourcheix, de dix ans son cadet.
Elle le traîne (il se laisse faire, la meunière a du
bien !) chez le notaire, Me Tiollier, pour convenir et signer
un contrat de mariage, le 25 avril 1708. Ce dernier sera validé devant monsieur
le curé d’Aubière, le 1er septembre suivant (Ils auront trois
enfants : 2 jumeaux, Ligier et Pierre, nés le 20 juin 1712, morts tous les
deux le 26 juin suivant, et une fille, Anna, née le 19 juin 1714, mariée le 26
janvier 1751 à Gabriel Fourcaud).
Quelques mois plus tard allait commencer ce que l’on appelle
le Grand Hiver. Clauda et Guillaume
durent s’armer d’un grand courage car les années 1709 et 1710 furent des années
difficiles, marquées par l’ombre de la mort. (6)
Pourtant, dans peu de temps, ils vont entreprendre
d’importants travaux au moulin de la Fontaine (à lire ici).
Notes
(1) – Pierre Jallat : il
est né le 5 juin 1670 à Aubière. Fils de François, meunier à Aubière (né à
Chazelat et marié avant 1670 à Anna Parry), il est l’aîné de 7 enfants. Seuls,
lui-même et son frère arriveront à l’âge adulte ; ils deviendront tous les
deux meuniers. Avant d’épouser Clauda Tailhandier, le 2 février 1694 à Aubière,
Pierre Jallat avait été marié une première fois à Anna Cohendy, décédée le 17
septembre 1693 à Aubière.
(2) – Clauda
Tailhandier : elle est née le 4 juin 1675 à Aubière. Son père, Victor Tailhandier,
est un riche vigneron, que l’on « taxe » dans certains actes de bourgeois. Il est lui-même fils d’un
cordonnier aubiérois Anthoine et de Clauda Martin. Sa mère, Michelle Chabert, a
épousé Victor, le 31 janvier 1673 à Ceyrat où elle est née en 1655. Elle est la
fille d’un laboureur ceyratois, devenu notaire royal en 1659, Estienne Chabert,
et d’une Aubiéroise, Jacquette Gioux, mariés à Ceyrat, le 23 février 1653.
(3) – Quartier de la
Fontaine : il s’agit de la fontaine dite des Ramacles, disparue lors des
travaux d’aménagement de la place des Ramacles, il y a une quinzaine d’années.
Elle se situerait aujourd’hui au niveau de la fontaine Knox, le long de
l’Artière. Ce quartier de la Fontaine était situé hors les murs à l’ouest de la
place des Ramacles, confiné au sud par l’Artière, et à l’ouest par l’actuelle
rue Vercingétorix.
(4) – Le vergier et le
parq : Verger et parc du seigneur, en d’autres termes, la garenne. Ce pré du meunier était donc situé à
l’ouest du moulin (square Knox, aujourd’hui).
(5) – Bail emphytéose pour
Messire Gilbert Jacques de Macon contre Clauda Tailhandier, veuve de Pierre
Jallat, du 1er février 1708, au château dudit seigneur au lieu
d’Aubière, en présence de messire Jean Tailhandier, prêtre et communaliste
dudit Aubière (oncle de Clauda), et de Pierre Courtes, procureur audit lieu
d’Aubière, qui ont tous signé avec nous Tiollier, notaire royal à Aubière
(Archives départementales du Puy-de-Dôme – 5 E 44 459).
(6) – Le Grand Hiver :
cela commence le 6 janvier 1709. Une vague de froid s’étend sur toute la France
(jusqu’à moins 26° C) où tous les cours d’eau gèlent ! Le froid tue, mais
jusqu’en janvier 1711, les maladies mortelles n’épargnent aucune famille.
© - Cercle généalogique et historique d’Aubière (G. F.
et P. B.)
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