Avec la
séparation des Églises et de l’État, à partir de 1905, l’église d’Aubière et
les bâtiments dépendant de la paroisse, comme la cure ou presbytère, sont
devenus propriété de l’État, représenté par la commune.
Pour l’amélioration
de la circulation en centre bourg et notamment autour de l’église,
l’administration communale décide en 1912 d’engager les démarches qui
aboutiront à la démolition de la cure et autres maisons accolées à l’église.
Coïncidence
terrifiante après coup : ces travaux seront exécutés durant l’été 1914 ;
comme si le centre d’Aubière avait été bombardé juste avant la déclaration de
guerre !
Église d'Aubière au début du XX° siècle Accolé à l'église, le presbytère. Sous la terrasse, l'entrée d'un passage, éclairé par une lampe : le "trou" du curé ! (*) |
Au printemps 1912
s’est installée à la mairie d’Aubière une nouvelle municipalité avec à sa tête
le maire Jean Noëllet-Dégironde, dit le Rapide. Comme son sobriquet l’indique,
il prend rapidement des décisions pour une campagne d’aménagements dans le
quartier de la Halle et de l’église. Nous reproduisons ci-dessous de larges
extraits des délibérations du Conseil municipal, en 1912, 1913 et 1914, ainsi
que des réactions des prêtres desservant la paroisse.
Délibération du 14 août 1912
L'an mille neuf cent douze, le quatorze août
à deux heures du soir les membres du conseil municipal de la commune d'Aubière
se sont réunis à la Mairie en session ordinaire sous la présidence de Monsieur Noëllet-Dégironde,
maire. […]
Presbytère
Dénonciation
du bail, démolition
Un certain nombre de conseillers municipaux
ayant demandé communication du bail intervenu en 1909 entre le Maire d'Aubière
et le Desservant relativement au presbytère, Monsieur le Maire donne lecture du
dit document. Il s'ensuit que le bail a été conclu pour une période de neuf
années, avec la faculté pour le Conseil de le dénoncer six mois avant
l'échéance par simple lettre recommandée adressée au Desservant par M. le
Maire. Le Conseil, vu l’exiguïté des rues avoisinant l’Église et l'absence de
débouché pour toutes les rues y aboutissant ; vu l'état de délabrement
dans lequel se trouve la halle, qui est un sérieux obstacle à la circulation
sur la rue peut-être la plus fréquentée ; considérant que sa démolition et
son changement s'impose a bref délai ; considérant l'importance que prend
de jour en jour le marché qui se tient sur la place de la Halle. Ayant
également le souci du dégagement des abords de l'église qui est un bâtiment
communal, désirant simplement exécuter la plus belle opération de voirie qui
puisse se réaliser actuellement dans la commune en démolissant l'ancien
immeuble loué comme presbytère et en laissant tout le terrain disponible comme
place et voie publique.
Délibération du 28 mai 1913
L'an mil neuf cent treize le vingt mai à
huit heures du matin, les membres du Conseil Municipal de la Commune d'Aubière
se sont réunis à la Mairie en session ordinaire sous la présidence de Monsieur
Noëllet-Dégironde, maire. […]
Démolition
du presbytère
Mise en adjudication
Monsieur le Maire soumet à l'approbation du
Conseil le dossier relatif à la démolition de l'ancien presbytère, toute la
surface du terrain devant ensuite être livrée a la voie publique par
application du plan d'alignement de la Commune. Le dossier comprend:
1° Le détail estimatif établi par Monsieur
Gioux, expert géomètre à Aubière.
2° Le cahier des charges établi également
par le dit Monsieur Gioux.
Le Conseil après avoir pris une ample et
entière connaissance du dossier relatif à la démolition de l'ancien presbytère,
autorise Monsieur le Maire à faire procéder à l'adjudication publique des
travaux pour la dite démolition. Il décide en outre en conformité avec le plan
d'alignement que toute la surface de terrain devenue vacante sera incorporée à
la voie publique et destinée à agrandir la Place dite de la Halle.
Délibération du 21 février 1914
L'an mil neuf cent quatorze, le vingt et un
Février, le Conseil Municipal de la Commune d'Aubière étant assemblé en session
ordinaire de Février au lieu habituel de ses séances après convocation légale
sous la Présidence de Monsieur Noëllet Degironde Maire. .....
Démolition
du presbytère.
Traité avec Monsieur Fourreau entrepreneur à
Clermont Ferrand.
Monsieur le Maire soumet à l'approbation du
Conseil le dossier relatif a la démolition de l'ancien presbytère dont toute la
surface, doit être incorporé à la voie publique pour l'agrandissement de la
Place de la Halle, une certaine partie de cet immeuble étant d'ailleurs frappé
d'alignement.
1° Le détail estimatif établi par Monsieur
Gioux expert géomètre à Aubière.
2° Le cahier des charges également établi
par le sieur Gioux.
L'adjudication du 1er Novembre
1913, qui ne devait pas être inférieure à cinq cents francs n'ayant donné aucun
résultat. Monsieur le Président demande au Conseil de vouloir bien l'autoriser
de passer un traité de gré a gré avec Mr Fourreau entrepreneur à Clermont
Ferrand, moyennant une somme de deux cent quatre vingt francs que
l'entrepreneur versera dans la Caisse du Receveur Municipal avant le
commencement des travaux suivant les clauses conditions et responsabilités
stipulés au cahier des charges.
Monsieur Fourreau s'engage en outre à payer
les frais de timbre d'expédition ainsi que les droits d'enregistrement auquel
le présent marché donne lieu.
Le Conseil après en avoir délibéré autorise
Monsieur le Maire à passer dans les conditions énoncées ci dessus un traité de
gré à gré avec Monsieur Fourreau entrepreneur à Clermont Ferrand pour la
démolition de l'immeuble dit de l'ancien presbytère.
États des lieux
Le cinq mars 1913, on procède à l’état des lieux des maisons Besse et
Fonteix qui jouxtent la cure, et qui doivent également être rasées. Pour
l’exemple, voici celui de la maison Fonteix.
L'état des lieux de la Maison Fonteix (Archives communales d'Aubière) |
Adieu de Monsieur le curé Bréchard à l'ancien
presbytère (juin 1913)
Il fait référence, vous vous en doutez, à la séparation des Églises et de
l’État.
... (Certains) défendent même de s'en
rendre acquéreur en en versant le prix à moins que ce ne soit pour le rendre à
son propriétaire légitime.
Que les uns et
les autres ne s'abritent pas derrière le prestige de la loi. Oui, la loi est
respectable quand elle est juste, conforme au droit naturel, votée pour le bien
général. Mais une loi votée par haine politique, par passion antireligieuse ne
mérite que le mépris des honnêtes gens. Ceux-ci à tout propos doivent
s'insurger contre elle et en demander l'abrogation. C'est dire que celui qui
accepte de l'État un tel don sera possesseur légal : il ne sera pas le
vrai propriétaire de Biens enlevés à leur maître.
Si maintenant
ceux qu'on dépossède doivent céder à la force ils n'en gardent pas moins le
pouvoir de protester contre les dénis de justice dont ils sont victimes ;
de revendiquer leurs droits méconnus ; de rappeler aux électeurs et aux
élus qu'en cette affaire leur responsabilité se trouve gravement engagée ;
et même enfin, au défaut de la justice humaine, d'en appeler à la justice de
Dieu.
Je n'ajoute
qu'un mot : quand vous lirez ces réflexions le clergé d'Aubière n'occupera
plus ce vieux presbytère où vécurent ces prêtres qui ont laissé parmi vous des
souvenirs impérissables :
M. Parrique,
pour ne citer que ceux du dernier siècle, qui pour fuir la persécution de 1793,
avait émigré en Suisse ;
M. Fredet qui
vit la construction et la consécration de l'église ;
M. Teilhol, que
plusieurs d’entre vous ont connu ;
M. le chanoine
Teytard, dont vous admirez, la belle vieillesse ;
enfin cette
pléiade de jeunes auxiliaires dont la liste occuperait une place trop
considérable.
Désormais nous
habiterons, rue Saint Loup, la maison Théringaud. C'est là que je vous attends,
chers amis, et que je serai très heureux de vous accueillir et de m'entretenir
avec vous de vos joies et de vos peines, de vos intérêts matériels et
spirituels. Signé : F. X. BRÉCHARD, curé d'Aubière (Extrait du Bulletin
paroissial d'Aubière - Juin 1913 - Pages 4, 5 et 6)
Place de l'église en 1915 La cure a disparue. Le mur de l'église en porte encore les traces. |
Dommages collatéraux à la démolition
Lettre du curé d’Aubière au Préfet du 12 novembre 1914 :
Monsieur le
Préfet, Le presbytère d’Aubière étant devenu propriété communale a été démoli
au cours de l’été dernier, et pendant les travaux de cette démolition, un
vitrail de notre église a été brisé par quelques pierres tombées mal à propos.
Il porte en son milieu une ouverture d’environ 30 centimètres sur 25 et d’autres
à côté de moindre importance.
Il en résulte
depuis la mauvaise saison des courants d’air dont se plaignent avec raison les
paroissiens qui fréquentent l’église. Ne pouvant moi-même répondre à ces
plaintes, j’ai par deux fois, en date du 24 septembre et du 5 novembre, prié
Monsieur le maire de vouloir bien faire réparer le vitrail au moins à titre
provisoire. Je n’ai reçu aucune réponse. Et c’est pourquoi je me permets,
Monsieur le Préfet, de recourir à votre haute autorité.
Je ne sais si
c’est à la commune ou à l’entrepreneur de la démolition qu’incombe la charge de
la réparation, mais il me semble bien naturel de la demander, notre église ne
pouvant demeurer avec une fenêtre ainsi ouverte pendant la mauvaise saison.
[…] Signé :
Desolmes, curé d’Aubière.
Cinq jours plus tard, le Préfet fit suivre la lettre au maire d’Aubière,
lui demandant de donner une suite favorable à la requête du curé. Nous osons
croire que le vitrail fut réparé dans les semaines suivantes.
La halle ne fut détruite, quant à elle, seulement quelque temps avant le
début de la guerre de 1939-1945.
Note :
(*) - Le "trou" du curé : à Aubière, tout passage abrité, par une maison ou un rempart, est appelé "trou" (Trou de l'Homme, Trou du Roudet...).
Sources :
Archives communales d’Aubière et Archives départementales du Puy-de-Dôme.
© - Cercle
généalogique et historique d’Aubière.
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