En ce jour de la Sainte-Cécile, un article du journal « L’Avenir » en 1924 :
« La plus belle de nos sociétés
musicales rurales, La Gauloise
d’Aubière, fêtait dimanche, à la fois, la Sainte-Cécile et l’élection de son
nouveau président, M. Pezant.
En raison du deuil récent qui a frappé la
société, en la personne de M. Alfred Gioux, la fête eut simplement un caractère
d’intimité familiale. On s’abstint de manifestations bruyantes, encore que très
harmonieuses, comme le défilé traditionnel. Mais si La Gauloise, pour le motif que nous venons de signaler dût fêter la
Sainte-Cécile plus discrètement que de coutume, elle n’en affirma pas moins une
vitalité plus puissante que jamais, en dépit des vides que le mort creuse dans
ses rangs.
On connaît le sens vrai de la phrase
historique : « Le Roi est mort, vive le Roi ! » Ce
raccourci qui exprimait d’une manière saisissante la continuité des
institutions monarchiques de la vieille France peut s’appliquer en ce moment à La Gauloise.
Après avoir pleuré l’entraîneur d’hommes,
le chef loyal qu’était Alfred Gioux, les sociétaires de La Gauloise, fièrement, comme l’ancêtre figuré sur leur bannière,
ont relevé la tête et ont puisé dans le malheur qui les frappait la volonté de
vivre et de se développer encore sous l’impulsion d’un nouveau chef. Voilà bien
un des traits saillants de cette force race arverne dont les Aubiérois de La Gauloise sont les dignes rejetons.
La fête débuta par une cérémonie religieuse
à l’église paroissiale.
Pendant la messe, La Gauloise, sous la direction de M. Montel, exécuta quelques
morceaux appropriés d’un style très délicat.
À l’Évangile, M. le chanoine Lestrade,
ancien aumônier militaire, chevalier de la Légion d’honneur, avec cette
éloquence sobre et simple qui va droit au cœur, parla de l’Harmonie, qui a fait
la beauté, en musique et la force dans les Sociétés. Le chanoine Lestrade
évoqua le souvenir de M. Gioux et salua en M. Pezant le digne continuateur de
son œuvre.
Sainte Cécile |
Le banquet
À midi et demi, au restaurant Gioux, cent
trente convives étaient réunis. Il y avait là tous les musiciens, un certain
nombre de membres honoraires et quelques invités.
Un menu fut servi, qui était un véritable
défi à la vie chère. MM. Gioux, vieux amis de La Gauloise, reçurent vraiment en amis généreux ; ils surent
réunir, pour un prix tout à fait démocratique, l’abondance et la qualité ;
de sorte que ce menu remarquable, appuyé sur le non moins remarquable vin des
« Etats-Unis » (ainsi dénommé parce qu’aux Etats-Unis on ne boit plus
de vin, emporta un franc succès.
A la table d’honneur, autour de M. Pezant,
nous avons remarqué : M. Marc Blatin, conseiller général ; M.
Monbarin, directeur de l’Harmonie des Usines Bergougnan ; M. Taravaud,
président d’honneur de l’ « Union musicale » de Beaumont ; M.
Montel, chef de La Gauloise, M.
Joannet, président d’honneur ; MM. Montagnon et Vacher, vice-présidents
actifs ; Chatagner, Théringaud, Bourcheix-Dutemple, vice-présidents
d’honneur ; les docteurs Mercier et Sahut ; M. Matray,
pharmacien ; MM. Bernard, trésorier, Aubény, secrétaire ; Bouchard,
chef de l’ « Union musicale » de Beaumont ; l’aviateur
Michel ; MM. Francione, Planche, membres honoraires ; M. Pignol,
vice-président et M. Cohendy-Morel, secrétaire de l’ « Union
musicale » de Beaumont ; MM. Bayle-Noëllet, Roche, membres honoraires,
etc.
Lorsque le champagne pétilla dans les
coupes, M. Bernard prit la parole.
Discours de m. Bernard
Le sympathique trésorier de La Gauloise commença par ces belles
paroles à l’adresse du regretté M. Alfred Gioux :
« La
fête patronale de Sainte-Cécile qui nous rassemble aujourd’hui, semble voilée
de tristesse celui que nous aimions voir présider nos agapes, donner la note de
l’entrain, de la joie, du mouvement, n’occupe plus sa place habituelle.
Sans
effort de pensée, nous le voyons encore au milieu de nous recevant ses invités,
donnant ses ordres, tout heureux d’être au sein de sa Société environné d’amis.
Messieurs,
nous nous rappellerons toujours de notre cher Alfred, de celui qui, sans nul
souci de son poste autre que le plus grand bien de La Gauloise, se montra
toujours le meilleur des camarades.
Que
sa famille reçoive de tous notre reconnaissance et nos respects. »
M. Bernard parla ensuite du nouveau
président :
« … Il y a une quinzaine de jours, la commission administrative se
réunissait à l’effet d’élire un nouveau président, et aux acclamations
générales M. Pezant était désigné.
Ce
choix a été particulièrement heureux, il a été accueilli avec une égale
approbation par la Société et par la population qui s’intéresse vivement à son
existence.
Né
d’une famille aubiéroise, M. Pezant vint à l’âge d’homme s’établir à Aubière.
Très
doué au point de vue musical, il entra de suite à La Gauloise, certain d’y
trouver la satisfaction de ses goûts artistiques, certains aussi d’y rencontrer
de véritables amis.
C’est
à son modeste pupitre de musicien que ses amis sont venus le prendre pour
l’élever à la présidence.
Vous
le savez tous, avec les ressources de son travail et de son intelligence, il a
fondé à Aubière un des établissements les plus florissants de la région dans
l’art horticole.
Nous
sommes assurés que M. Pezant mettra au service de sa Société une bonne partie
de l’activité et de la volonté déployées dans la création de sa maison
commerciale.
L’année
dernière, dans une réunion de famille, nous aimions à rappeler les souvenirs
qui nous unissaient aux anciens Présidents dont les portraits ornent cette
salle. Aujourd’hui nous venons saluer un nouveau venu, c’est le portrait de M.
Ebely.
Vous
l’avez tous connu, celui-là fut un modeste, mais il fut un des meilleurs
serviteurs de La Gauloise, nous serons heureux et fiers de voir désormais ses
traits ici, devant son image les anciens se souviendront, les nouveaux le
prendront comme modèle. »
Des applaudissements nourris ponctuèrent le
discours du sympathique trésorier ; lorsqu’ils se furent apaisés, M.
Pezant se leva.
Discours de m. Pezant
« Ce n’est pas sans émotion que je me
retrouve aujourd’hui à notre banquet traditionnel de Sainte-Cécile.
Pour la première fois depuis 20 ans, j’ai
dû déserter, à cette table, le petit coin où (c’était une tradition) se
réfugiait tout un groupe de nos vieux musiciens. Je l’aimais surtout parce
qu’il n’y avait rien d’officiel.
Votre estime et votre affection m’appellent
à l’honneur. Du plus humble de vos camarades vous avez fait celui qui présidera
désormais aux destinées de notre belle Gauloise. Cela me grandit et m’étonne.
Pour toute la fierté que j’en ressens soyez remerciés.
Mais pourquoi faut-il que votre choix se
soit porté sur moi, tant d’autres en étaient dignes et je me sentais si bien à
ma place à mon petit coin de table.
Messieurs, je ne voudrais pas vous
attrister, mais je manquerais au premier de mes devoirs si je ne rendais un
hommage ému à la mémoire de mon regretté prédécesseur. »
Et M. Pezant fit de M. Gioux un éloge
délicat.
« Son nom restera gravé pour toujours,
sur le Livre d’or de La Gauloise,
comme son souvenir l’est déjà dans nos cœurs.
Permettez-moi maintenant, de saluer les
nobles figures qui, ,sur les murs de cette salle, dans leur cadre doré,
semblent nous regarder avec la fierté affectueuse des grands-pères pour leurs
petits enfants.
Les unes représentent pour nous tout le
passé de La Gauloise, l’incarnation
de l’Honneur et du Devoir, les autres tout le présent avec ses belles
espérances.
Permettez-moi de saluer bien bas encore le
tableau d’honneur où sont inscrits les noms de nos héros morts pour la France.
Inspirons-nous des exemples donnés par tous
ces braves gens pour qu’avec la bonne volonté de tous, nous arrivions à une Gauloise, toujours plus grande, toujours
plus belle et pour que nos enfants aient un jour la fierté et la joie de fêter
son centenaire.
Pourrions-nous jamais manquer de foi dans
ces destinées, quand nous voyons autour de nous des hommes dont le dévouement
se cache et se refuse à toute récompense comme M. Bernard, M. Aubény et notre
chef aimé, M. Montel ; cette belle jeunesse enthousiaste et tant d’amis,
tous ces vieux musiciens qui ont vu grandir La
Gauloise et participe depuis plus de 40 ans à tous ses succès. »
M. Pezant salua ensuite les nouveaux élus
du bureau : MM. Montagnon et Vacher, vice-présidents actifs, les
vice-présidents honoraires : MM. Bourcheix-Dutemple, Chatagner et
Théringaud, le nouveau sous-chef, M. Baptiste Gioux, M. Joannet, président
d’honneur. Le président adressa aussi d’aimables compliments à M. Blatin, en
qui il salua l’un des plus éclairés défenseurs de la cause paysanne, à M.
Monbarin, directeur de l’Harmonie Bergougnan, à M. Taravaud, président
d’honneur de l’ « Union musicale » de Beaumont, au représentant de
l’ « Avenir » et termina ainsi :
« Nos remerciements vont aussi de
grand cœur à tous nos amis et aux nombreux membres honoraires qui ont tenu à
rehausser par leur présence l’éclat de notre fête.
Je n’aurais garde d’oublier notre
restaurateur Mme Gioux qui nous a beaucoup gâté aujourd’hui.
Messieurs, je bois à votre santé à tous et
en l’honneur de notre belle Gauloise. »
Un membre de la « clique », M.
Chausseprat, au nom des tambours et clairons, adressa un « speech »
très cordial à M. Pezant et lui remit une gerbe de fleurs. Le nouveau président
se montra très touché de cette démarche et remercia M. Chausseprat avec
émotion. »
In L’Avenir du 23 décembre 1924
et Cahier n°3 du
C.G.H.A., Aubière, Musique, Théâtre,Chant choral, 2007
Vers La Gauloise
Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur : http://www.chroniquesaubieroises.fr/
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