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mercredi 4 juillet 2012

Le coffre des consuls_01


(1783-1791)

En 1783, plusieurs personnes, de passage dans l’église d’Aubière, constatent la présence inhabituelle et suspecte de plusieurs hauts personnages de la paroisse autour du banc-coffre des consuls renfermant les archives rassemblées par les paroissiens et leurs édiles depuis des temps immémoriaux.
Ce fait troublant alimente aussitôt les conversations, mais aucun évènement officiel ne vient mentionner et mettre sur la place publique ce « scandale ». Bientôt, on finit par oublier l’incident.

Le banc-coffre des consuls d'Aubière.
L'intérieur des 4 cercles a été martelé à la Révolution.
 
Durant ces années qui précèdent la Révolution de 1789, Pierre André d’Aubière, seigneur et baron du lieu, a, semble-t-il, quelque difficulté à faire rentrer dans ses caisses le produit d’une dîme… Les papiers concernant cette dernière, très ancienne, indispensables pour prouver sa bonne foi, échappent à ses recherches en son château. N’oublions pas que la famille André n’est propriétaire du fief d’Aubière que depuis 1718. Tous les papiers s’y rapportant lui ont-ils été transmis ?
La légitimité de cette dîme étant contestée par certains habitants d’Aubière, les consuls ont-ils voulu montrer leur bonne volonté pour soutenir les Aubiérois en révélant au baron André que le coffre de l’église pouvait contenir la preuve tant recherchée ?...
Pierre André se doute bien qu’il n’obtiendra pas de la totalité des consuls les clés nécessaires pour ouvrir les cinq serrures du coffre. Sans doute envisage-t-il de le forcer…
Mais qu’en est-il exactement ?
Une instruction est lancée six ans plus tard par le lieutenant général criminel de Clermont-Ferrand. Neuf témoins paraissent entre le 7 et le 14 août 1789. Deux autres témoins seront interrogés plus tard, dont le dernier le 10 janvier 1791. A travers ces témoignages, plusieurs contradictions apparaissent. Où est la vérité ?...
Voici ces témoignages (1) :

Information faite à la requête du corps commun des habitants de la paroisse d’Aubière pour suite et diligence d’Antoine Noellet, laboureur, leur sindic plaintif.
Contre des quidams complices et adhérants de soubstraction et enlèvement de titres et papiers de ladite commune d’Aubière, devant monsieur le Lieutenant Général criminel de cette ville de Clermont, le 7 août 1789.

Témoin n°1
Michel Gioux, maréchal, habitant de ce bourg d’Aubière, âgé de 60 ans (2).
Dépose qu’il y a environ six ans que le sieur André, seigneur d’Aubière, et le nommé Desribes, son domestique, vinrent chercher pendant deux fois consécutives le déposant en sa qualité de maréchal pour enfoncer les coffres de la commune d’Aubière, placé dans l’église paroissiale. Le déposant s’y refusa pendant les deux fois et, comme il s’attendait que monsieur André le forcerait d’y venir, il fut se cacher dans sa fenière, et monsieur André et le sieur Desribes son domestique vinrent le découvrir dans ladite fenière et, en le prenant par les cheveux, le forcèrent à le suivre dans l’église paroissiale où ils l’obligèrent d’enfoncer un coffre où était renfermé tous les papiers de la communauté des habitants d’Aubière, lesquels papiers le sieur André et son domestique emportèrent et, en présence du déposant. Il fut fait lecture par le sieur Joubert, pour lors vicaire de la paroisse d’Aubière et actuellement curé de la paroisse de Saint-Cirgues du côté d’Issoire, d’un desdits papiers enlevés, lequel contenait les droits et privilèges de ladite église et notamment la nouvelle construction d’icelle (3). Le déposant, après cette première lecture, ne s’occupa point à entendre la lecture des autres papiers qui furent enlevés ; il se retira sur le champ et il observe que le coffre qui renfermait lesdits papiers était fermé par cinq serrures. Dans le moment qu’il se retira, le sindic et les consuls de la paroisse survinrent, mais il n’était plus temps, les papiers étaient enlevés.
Qui est ce qu’il a dit savoir ; lecture lui en fut faite.

Témoin n°2
Jean Farnoud dit père, originaire du lieu de Cournon, et actuellement domestique chez Antoine Arnaud, vigneron au lieu d’Aubière (4).
Dépose qu’il y a environ six ans, que demeurant en qualité de domestique à Aubière depuis un mois seulement, son maître lui envoya faire une commission aux environs de trois heures et demie du soir. Le déposant, pour raccourcir son chemin, traversa l’église qui a deux portes d’entrée et, lorsqu’il fut dans ladite église, il y trouva monsieur André, seigneur d’Aubière, avec le nommé Desribes, son homme d’affaire, lesquels forçaient le nommé Michel Gioux, maréchal, d’enfoncer un coffre de ladite église. Le nommé Jean Mallet, vigneron dudit lieu d’Aubière et à cette époque consul de ladite paroisse, était présent ; lequel ayant aperçu le déposant le fit sortir de ladite église en lui demandant ce qu’il faisait là.
Qui est.

Témoin n°3
Catherine Monneyron, femme de Gilbert Mazen dit Lonzard (sic), habitante du bourg d’Aubière, âgée de 65 ans (5).
Dépose, sans pouvoir se rappeler l’époque, que, se trouvant dans l’église paroissiale d’Aubière, elle a aperçu que le nommé Desribes, homme d’affaire de monsieur André, seigneur d’Aubière, emportait sous son bras, en présence dudit seigneur d’Aubière et d’un particulier qu’elle croit se nommer Jean Cohendy dit Mallet, pour lors consul en exercice de ladite paroisse, des papiers qu’ils avaient pris dans un coffre de la commune d’Aubière placé dans ladite église. Lequel coffre servait de siège aux consuls de l’année pendant le temps de la messe de paroisse.
Qui est.

Témoin n°4
Isabelle Gioux, femme d’Annet Dégironde, habitante du lieu d’Aubière, âgée de 66 ans (6).
Dépose ne savoir autre chose sinon qu’elle croit qu’il y a environ six ans que, se trouvant dans l’église paroissiale d’Aubière, elle vit arriver Mr André, seigneur d’Aubière, le nommé Desribes, son homme d’affaire, le nommé Jean Cohendy dit Mallet, consul en exercice, et le nommé Gioux maréchal, lequel enfonça ledit coffre ; la déposante se retira sur le champ au moment que l’on commençait à l’enfoncer sans l’avoir vu ouvrir ni vu rien emporter de ce qu’il contenait. Elle a seulement ouï dire que Mr André avait fait emporter les papiers de la commune qui y étaient renfermés et qu’il avait obligé ledit maréchal de l’enfoncer, sous prétexte que la clef était perdue.
Qui est.

Témoin n°5
Marguerite Chossidon, femme de Guillaume Chabosy, vigneron, habitante du lieu d’Aubière, âgée de 29 ans (7).
Dépose ne savoir autre chose sinon qu’il y a environ six ans, que se trouvant dans l’église paroissiale d’Aubière, elle aperçut le nommé Desribes, homme d’affaire de Mr André, seigneur d’Aubière, le nommé Jean Cohendy dit Mallet, pour lors consul en exercice de ladite paroisse, et le nommé Gioux maréchal, lesquels étaient tous trois occupés à enfoncer un coffre de la commune d’Aubière, placé dans ladite église. Elle se retira sur le champ ; elle ne vit rien emporter.
Qui est.

Témoin n°6
Françoise Perole (sic), femme d’Antoine Noellet, vigneron, habitante du lieu d’Aubière, âgée de 30 ans (8).
Dépose qu’il y a environ 6 ans et après midi autant qu’elle peut s’en rappeler, qu’elle vit sortir de l’église paroissiale le nommé Desribes, accompagné du nommé Gioux maréchal, lequel Desribes, homme d’affaire de Mr André, seigneur d’Aubière, portait sous son bras un paquet de papier.
Qui est.

À suivre…

Notes :
(1) – Sources : Archives communales d’Aubière, GG2, AI1. Il faut ajouter aux sources de cet article le « Journal économique » de Jean-Baptiste André (Archives privées) qui apporte de nouveaux éclairages.
(2) – Michel Gioux, né vers 1735, fils de René et Anne Dégironde d’Oust, marié le 10 janvier 1758 à Catherine Monteil. Voir aussi : Registre d’Audience 01 sur ce blogue.
(3) – Quand on sait que l’église ne fut reconstruite qu’en 1855, on ne peut que saluer la grande patience des paroissiens aubiérois…
(4) – Antoine Arnaud : né le 30 janvier 1723, fils de Guillaume et Antoinette Jozat, marié le 4 février 1744 à Ligière Versejoux.
(5) – Catherine Moneyron, née vers 1725, fille d’Antoine et Anne Bouyon, marié avant 1756 à Gilbert Mazen, dit Luzard.
(6) – Isabeau Gioux, née le 2 avril 1722, fille de Jehan et Marie Falateuf, mariée le 17 janvier 1747 à Annet Dégironde d’Aoust.
(7) – Marguerite Chossidon, née le 9 mai 1759, fille de Claude et Marguerite Arnaud, mariée le 11 janvier 1780 à Guillaume Chabozy.
(8) - Françoise Perol, née le 15 janvier 1760, fille de André et Marie Gioux, mariée le 14 février 1775 à Antoine Noëllet.

Sources : Archives communales d’Aubière.

© Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix




Voir le Journal économique de Jean-Baptiste André : Épisode 16

Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/
 
 

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