(1783-1791)
En 1783, plusieurs personnes, de passage dans l’église d’Aubière, constatent la présence
inhabituelle et suspecte de plusieurs hauts personnages de la paroisse autour
du banc-coffre des consuls renfermant les archives rassemblées par les
paroissiens et leurs édiles depuis des temps immémoriaux.
Ce fait troublant alimente aussitôt les conversations,
mais aucun évènement officiel ne vient mentionner et mettre sur la place
publique ce « scandale ». Bientôt, on finit par oublier l’incident.
Les interrogatoires se poursuivent…
[Continuation de la dite instruction du 10 août 1789]
Témoin
n°7
Jacques Joubert, curé de la paroisse de Saint-Cirgues près
d’Issoire, y habitant, âgé d’environ 37 ans.
Dépose qu’il y a plusieurs années, sans pouvoir se rappeler
l’époque que, demeurant au lieu d’Aubière en qualité de vicaire de la paroisse,
et étant venu à la sacristie de l’église paroissiale, il entendit faire
beaucoup de bruit dans ladite église, il s’approcha et remarqua que le nommé
Gioux maréchal à Aubière enfonçait un coffre qui était dans ladite église. Il
en demanda le motif et on lui répondit que l’on avait perdu la clef ;
quoiqu’il ne soit pas bien mémoratif de ce qui se passa, il se rappelle
cependant qu’ayant regardé dans le coffre, il y vit beaucoup de papiers qui
étaient très bien en ordre. Il se rappelle que ledit nommé Desribes, homme
d’affaire de Mr André, seigneur d’Aubière, était présent, et sans pouvoir
l’assurer, il croit que Jean Cohendy dit Mallet était également présent. Il ne
peut se rappeler qu’il y vit d’autres personnes et il ne vit point qu’il fut
emporté aucun papier en sa présence, et au surplus il ne s’en rappelle pas. Il
peut se faire qu’il se retira avant eux.
Qui est.
Banc-coffre des consuls d'Aubière : les trois compartiments ouverts. |
[Continuation du 12 août 1789]
Témoin
n°8
Marie Herbaud Bontems, femme de Pierre Chirol dit Roudait,
tailleur d’habits, habitante du lieu d’Aubière, âgée de 31 ans (1).
Dépose sans pouvoir bien s’en rappeler, il y a environ sept
ans, qu’étant un peu incommodée, elle se rendit à l’église paroissiale entre midy
et une heure ; elle y aperçu Mr André, seigneur d’Aubière, le nommé
Desribes, son homme d’affaire, le nommé Jean Cohendy dit Mallet et le nommé
Gioux, maréchal, les deux derniers habitants d’Aubière ; ledit maréchal
heurtait beaucoup sur un coffre servant de siège aux consuls en exercice, ledit
coffre fut ouvert. Mr André sortit du coffre un rouleau de papier qu’il examina
et ensuite il le mit sous son bras. Ils parlèrent tous quelques moments
ensemble et sortirent de l’église avec ledit rouleau de papier.
Qui est.
[Continuation du 14 août 1789]
Témoin
n°9 et dernier
Gilberte Chatanier, femme d’Annet Brun, laboureur, habitante
du bourg de Lempdes, âgée de 31 ans (2).
Dépose qu’il y a environ six ans, que faisant sa prière dans
l’église paroissiale à Aubière d’où elle est originaire, elle s’aperçu que le
nommé Gioux, maréchal à Aubière, enfonça un coffre de la dite église qui
servait de siège aux consuls et où étaient renfermés les papiers de la commune
d’Aubière. Cette opération se faisait en présence de Jean Cohendy dit Mallet
d’Aubière, du nommé André Tiennon, continuellement journalier chez Mr André,
seigneur d’Aubière. Et la déposante croit que le nommé Desribes, homme
d’affaire dudit seigneur d’Aubière, y était. L’on sortit dudit coffre les
papiers qui étaient dans un sac, lequel fut emporté par ledit André Tiennon,
qu’elle croit se nommer Moinarde, qui est tout ce qu’elle dit savoir.
Lecture à elle faite de sa déposition a dit icelle contenir
vérité et y a persisté.
*
Interrogatoire fait devant sieur
Dijon, président du Tribunal
À Antoine Desribes, homme
d’affaire du sieur André, habitant du lieu d’Aubière.
Interrogé de son nom, âge, qualité et demeure :
A répondu : Antoine Joseph Desribes, originaire du lieu
de Saint-Cirgues, régisseur du sieur André, habitant du lieu d’Aubière, âgé
d’environ 34 ans.
Avons fait faire lecture au répondant des 4 premiers
articles de l’édit de juillet 1773 et, après les lui avoir donné à entendre, il
a déclaré élire domicile en la maison de Mr Barre, juge de paix, son conseil.
Interrogé si dans l’année 1783 il ne vint pas avec le sieur
André chercher pendant deux fois consécutives le nommé Michel Gioux, maréchal,
habitant du lieu d’Aubière, pour enfoncer les coffres de la commune d’Aubière
placés dans l’église paroissiale :
A répondu qu’en ladite année, le sieur André ayant été
assigné par le ci-devant Bureau de Finance pour produire les aveux et
dénombrement de la cy-devant Terre d’Aubière, plusieurs particuliers dudit lieu
prétendirent que les limites de leur territoire s’étendait jusqu’à la Maie et
le Maréchal, que le sieur André n’ayant rien trouvé dans ses titres qui fut
relatif à ce tènement, les consuls d’alors et le sindic dirent qu’il était
possible que les titres de la commune donnassent à cet égard quelques
éclaircissements ; qu’alors ils se rendirent avec lui répondant et le
sieur André un jour qui fut fixé dans l’église paroissiale où étaient déposés
les coffres de la commune ; que les clefs ne s’étant pas alors trouvées,
lui, répondant, ne se souvient pas s’il fut lui-même chercher le nommé Gioux
maréchal, mais il se rappelle que ce maréchal vint dans l’église et fit
l’ouverture des coffres sans rien briser attendu qu’ils étaient mal fermés.
Interrogé si le nommé Gioux maréchal, ayant refusé de se
rendre à l’église, lui, répondant, et le sieur André ne furent pas dans le
fenière et le prenant par les cheveux ne le forcèrent pas à les suivre dans
l’église :
A répondu que le fait était faux et que ledit maréchal se
rendit à l’église à la première réquisition qui lui en fut faite.
Interrogé si lui, répondant, et le sieur André n’emportèrent
pas tous les papiers de la commune :
A répondu que ni lui ni le sieur André n’emportèrent aucun
papiers ; que les papiers furent lus et visités en présence du sindic et
des consuls et remis ensuite dans ledit coffre ; qu’ayant ensuite aperçu
un sac de papier qui était au-dessus du tambour, ce sac et ses papiers furent
emportés au cy-devant château d’Aubière et que n’y ayant rien observé qui fut
relatif au tènement dont il est question, ils furent remis à la place d’où ils
avaient été tirés.
Interrogé pourquoi lui, répondant, ou tout autre fut
chercher un maréchal pour enfoncer ledit coffre :
A répondu qu’on envoya de la part du sindic chez plusieurs
consuls les uns après les autres pour demander la clef dudit coffre et que
cette clef n’ayant pas été apportée, tous les assistants prirent le parti de
faire ouvrir par le maréchal ledit coffre.
Avons observé au répondant que ses réponses ne sont pas
conformes aux charges et aux formations :
A répondu avoir dit la vérité et y a persisté.
Lecture à lui faite de son interrogatoire, a dit icelui
contenir vérité et y a persisté.
À suivre…
Notes :
(1) – Marie Arbobontens, née le 21 juin 1759, fille de Victor et Antoinette
Deperes, mariée le 11 janvier 1785 à Pierre Chirol. Fils de charron, ce
dernier, tout comme ses frères, charrons ou pas, ont porté le sobriquet de
« Roudait » (roudeix ou roudet) qui signifie charron (voir la Place du Roudet).
(2) – Gilberte Chatanier, née le 6 ou 7 mai 1758, fille de Jean et Gilberte
Dégironde Doux, mariée 1 le 20 janvier 1781 à Paul Gioux, mariée 2
le 3 février 1789 à Lempdes (63) à Annet Brun.
Sources : Archives
communales d’Aubière.
© Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix
Voir le Journal
économique de Jean-Baptiste André : Épisode 16
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