C’est à Aubière, entre la rue du Chambon et l’Artière, que Antoine Pezant, dit Antonin, installa ses champs de semis de dahlias, qui feront de lui un personnage hors du commun et mondialement connu dans la sphère de l’horticulture. Voici comment le quotidien La Liberté du 25 février 1954 présentait Antoine Pezant et son exploitation :
Extrait de La Liberté du 25 février 1954 |
Des racines aubiéroises
Même s’il s’est marié à Maringues, le 9 septembre 1905 avec Jeanne Passemard, et même s’il est né à Chamalières, le 25 octobre 1877, les racines d’Antoine Pezant sont en grandes parties aubiéroises.
De ses ancêtres patronymiques, nous ne connaissons que quatre générations : Jean Pezant (° ca1761) marié à Michelle Chanteloze ; Guillaume Pezant, tailleur d’habits, (°30/01/1788 à Clermont-Ferrand ; +31/10/1846 à Aubière) x08/07/1813 à Aubière avec Marie Fineyre ; Antoine Pezant, fournier, (°11/02/1823 à Aubière ; +07/10/1879 à Aubière) x08/02/1849 à Aubière avec Marie Cohendy ; et François Pezant, cultivateur, (°02/02/1850 à Aubière) x18/11/1876 à Chamalières avec Marie-Antoinette Bourcheix.
Le premier légionnaire aubiérois
Les parents d’Antoine (François Pezant et Marie-Antoinette Bourcheix) sont cousins issus de germains. La grand-mère paternelle de Marie-Antoinette, Marie Pezant, est en effet la sœur de Guillaume, le grand-père de François Pezant.
Marie Pezant a épousé le 8 juillet 1815 à Aubière, Antoine Bourcheix (°06/12/1788 Aubière, fils de Annet et Antoinette Jalut). Ce jour-là, qui voit le retour à Paris de Louis XVIII pour la seconde Restauration, Antoine Bourcheix arbore fièrement sur la poitrine sa médaille de la Légion d’Honneur.
Il l’a reçue des mains de Napoléon 1er lui-même au lendemain de la Bataille de Dresde en août 1813 ! Blessé lors de cette bataille, déclaré invalide militaire, Antoine est alors le premier Aubiérois à avoir reçu cet honneur.
Son fils, Étienne Eugène Bourcheix, né le 28 septembre 1830 à Aubière, deviendra employé du Télégraphe et devra quitter Aubière. Sa première épouse, Michelle Vigier, lui donnera, le 2 juillet 1859 à Clermont-Ferrand, Marie-Antoinette Bourcheix, l’épouse de François Pezant. Antoine Pezant, dit Antonin, naîtra de l’union de ces derniers à Chamalières, moins d’un an plus tard, en octobre 1877.
François Pezant, père d'Antoine (Collection Michel Pezant) |
Marie-Antoinette Bourcheix, mère d'Antoine (Collection Michel Pezant) |
Un œillet pour commencer…
Marié à Jeanne Passemard en 1905 à Maringues où naissent ses fils, Antoine Pezant s’installe peu après à Aubière où il crée son entreprise d’horticulture.
Il commence à se faire un nom grâce à l’œillet, pour lequel il obtient un grand premier prix. Le journal L’Avenir signale ses débuts en écrivant que la culture des œillets confère déjà au jeune et infatigable horticulteur d’Aubière, M. Pezant, une réputation enviable.
Dès 1910, alors qu’il vient de créer son établissement horticole, ses dahlias de toutes sortes lui procurent une première récompense : un diplôme de médaille d’or (concours de la Société d’Horticulture et de Viticulture du Puy-de-Dôme du 7 août 1910 à Clermont). Ainsi, débute pour Antoine Pezant une longue série de récompenses horticoles. Au concours suivant, la presse l’encense.
Le rapport de la Société d’Horticulture et de Viticulture du Puy-de-Dôme de 1911 souligne que dans le même temps que tant d’horticulteurs diminuent leurs exploitations ou disparaissent, Antoine Pezant à Aubière transforme et étend ses cultures. Dans la foulée, il obtient un diplôme d’honneur au Palmarès de 1912.
Comment Antoine est-il devenu horticulteur, dans une ville où le seul arôme que l’on respirait était celui du vin ?
« C’est parce que j’aimais les fleurs, se confiait-il. Tout enfant, mon père m’avait laissé un petit bout de jardin que je cultivais en fleurs, ce qui me procurait un peu d’argent de poche. C’est insensiblement et sans m’en rendre compte, que je suis devenu horticulteur, disons le mot : par vocation. J’ai fait mon apprentissage moi-même, sans études spéciales, quoique je sois sorti de l’École professionnelle avec le premier prix d’honneur ».
La rue du Dahlia
Il s’installe dans une petite maison, rue Saint-Loup à Aubière. En face de sa maison, une petite rue conduit jusqu’à la Tour Rossignol. C’est dans cette rue qu’Antoine Pezant a sa grange, qui devient son premier lieu de vente. On s’y précipite de toute la région pour y admirer ou acheter ses œillets ou ses dahlias qui font sa renommée.
Et cette petite rue s’appellera rue du Dahlia, dès 1953.
Après la Grande Guerre, où il est blessé en janvier 1916, Antoine Pezant revient à ses fleurs et à ses semis. Régulièrement, comme il le faisait depuis de longues années, il prend des notes de cultures dans un petit cahier. Il y traite de tout, non seulement des fleurs mais aussi des arbres, fruitiers ou non, de la vigne, des divers engrais nécessaires ou autres recettes contre les maladies des plantes… Voici quelques titres trouvés au fil des pages : Greffage du rosier, greffage du lilas, greffage de l’abricotier, de l’amandier, du cerisier, du châtaigner, de cognassier, du noyer ou du pommier ; greffage en fente, greffe en fente terminale, greffe en fente sur bifurcation de la vigne, greffage à l’anglaise, greffage en écusson ; Préparation des greffons, écussonnage en pépinière, écussonnage à œil poussant ou dormant ; taille du rosier ; culture en pot du rosier ; fécondation artificielle des roses ; émondage des églantiers tiges ; le blanc des rosiers ; forçage du rosier en pot ; bouturage des rosiers ; culture en pot des œillets ; semis des œillets ; culture en pleine terre des chrysanthèmes décoratifs ; greffage du chrysanthème ; formules d’insecticides (à base de jus de tabac et d’alcool à brûler) ; destruction des limaces ; le sulfate d’ammoniaque comme engrais ; la valeur des différents fumiers et leur emploi (il cite ainsi par ordre de valeur : la colombine de pigeon, de volaille, de lapin, le fumier de chèvre et de mouton, d’âne ou de mulet, enfin, le fumier de cheval, de cochon et de vache) ; recette contre le puceron ou contre le blanc des rosiers ; culture des giroflées de Nice ; emballage des fleurs de dahlias ; serres et châssis ; culture du gerberas ; culture de la verveine des Indes ; l’hybridation en horticulture ; culture de l’asperge ; taille des arbres fruitiers ; mise à fruits des arbres ; hivernage des pieds mères de chrysanthèmes ; hivernage des tubercules de dahlias ; ou encore la fabrication du vin de paille…
Président de « La Gauloise »
En 1923, Antoine Pezant fait partie de l’équipe de football d’Aubière avec Cl. Montagnon, Chapon, Chauvet, Vialette, J. Montagnon, Vacheron, Andanson, Moins, Decorps et Fournel. Comme tout Aubiérois qui se respecte à cette époque, Antoine adhère à une société de musique. Il choisit La Gauloise dès son arrivée à Aubière. En 1924, il est hissé à la présidence, à la suite du décès d’Alfred Gioux. Voici quelques extraits d’un des discours qui ponctuent son élection, celui de Monsieur Bernard, trésorier de La Gauloise : « … Il y a une quinzaine de jours, la commission administrative se réunissait à l’effet d’élire un nouveau président, et aux acclamations générales M. Pezant était désigné.
Ce choix a été particulièrement heureux, il a été accueilli avec une égale approbation par la Société et par la population qui s’intéresse vivement à son existence.
Né d’une famille aubiéroise, M. Pezant vint à l’âge d’homme s’établir à Aubière.
Très doué au point de vue musical, il entra de suite à La Gauloise, certain d’y trouver la satisfaction de ses goûts artistiques, certains aussi d’y rencontrer de véritables amis.
C’est à son modeste pupitre de musicien que ses amis sont venus le prendre pour l’élever à la présidence.
Vous le savez tous, avec les ressources de son travail et de son intelligence, il a fondé à Aubière un des établissements les plus florissants de la région dans l’art horticole.
Nous sommes assurés que M. Pezant mettra au service de sa Société une bonne partie de l’activité et de la volonté déployées dans la création de sa maison commerciale.
L’année dernière, dans une réunion de famille, nous aimions à rappeler les souvenirs qui nous unissaient aux anciens Présidents dont les portraits ornent cette salle. Aujourd’hui nous venons saluer un nouveau venu, c’est le portrait de M. Ebely.
Vous l’avez tous connu, celui-là fut un modeste, mais il fut un des meilleurs serviteurs de La Gauloise, nous serons heureux et fiers de voir désormais ses traits ici, devant son image les anciens se souviendrons, les nouveaux le prendront comme modèle. »
Antoine Pezant deviendra aussi bientôt adjoint au Maire d’Aubière.
Antoine Pezant, « maître es dahlia »
Pendant de longues années, avec un acharnement et une persévérance peu commune, Antoine Pezant, son fils Jean dans ses pas, multiplie les semis de dahlias afin d’obtenir le plus gros, le plus beau ou le plus coloré des dahlias. Durant toutes ces années, il parcourt la France de long en large, d’exposition en Congrès nationaux ou internationaux, se présentant à tous les concours, trustant les prix, lorsqu’il n’est pas déclaré « Hors concours » comme ce fut souvent le cas.
En 1931, Antoine Pezant était devenu président de la Section du Massif Central de la Société Française du Dahlia.
Un « inventeur de fleurs »
Entre 1939 et 1946, ses expositions se cantonneront à Clermont-Ferrand. En 1947, il est à Vichy ; en 1948, à Nevers ; 1949, à Clermont-Ferrand ; 1950, à Bourges … Angers en 1952 … Bourges en 1959 … Dijon en 1961 … Sélestat en 1962… Chaque fois, Antoine Pezant et son fils Jean décrochent un ou plusieurs prix et nombreuses de leurs créations sont certifiées !
La renommée des Établissements Antoine Pezant et fils ne se dément pas au fil des années. Ces « inventeurs de fleurs » créent des dizaines de nouvelles variétés, dont voici quelques exemples de dahlias : … Deuil de Clémenceau, Madame Jeanne Pezant, Madame Georges Pezant, Ville de Clermont, Souvenir de Marcel Michelin, Coquetterie, Légionnaire Antoine Bourcheix, Madame Philomène Spizzi, Ville d'Aubière, Louise Pezant, Royal d'Aubière, Jean Pezant, Neige Aubiéroise, Souvenir Antonin Chastel, Abbé Rajek, Madame Chassaigne, Mlle Yvonne Chaize, Madame Jean Pezant, Zoo de Mulhouse, Dentelle d'or, Candeur Auvergnate, Le Gaulois, Chanturgue…
« Aviateur Pezant » (création Pezant de 1964) était d’ailleurs une variété de dahlia encore recherchée en 2006 par la Société Française du Dahlia.
Antoine Pezant, à gauche, parmi ses semis, dans ses jardins d'Aubière |
La presse se fait régulièrement l’écho de leurs succès, autour desquels d’autres Aubiérois commencent à s’illustrer :
« Dimanche dernier dans le hall du champ de foire de Nevers se sont déroulés l’exposition de la société d’horticulture de la Nièvre et congrès national du Dahlia.
Il n’est pas trop tard pour signaler le succès sans précédent remporté par les horticulteurs clermontois qui ont obtenu les prix les plus importants alors que cependant on comptait au nombre des exposants les plus réputés parmi les spécialistes horticoles de France.
C’est ainsi que M. Pezant, d’Aubière, a été gratifié du 1er prix attribué aux professionnels, de même dans la catégorie amateurs MM. Girard et Groslet de Clermont ont remporté de haute lutte la première place.
En ce qui concerne les collections de Dahlia Cactus, le 1er prix revient encore à M. Pezant pour les professionnels et à MM. Girard et Groslet, pour les amateurs, le 2ème prix étant attribué à M. Ladin également de Clermont.
M. Pezant obtient la deuxième place professionnels pour la collection de Dahlias décoratifs alors que le 1er prix amateur a été décerné à M. Ladin et le 2ème prix à MM. Girard et Groslet.
De même le 1er prix professionnel pour la plus belle collection de nouveautés françaises a été accordé à M. Pezant et la plus haute récompense pour les amateurs était donnée à MM. Girard et Groslet et le 2ème prix à M. Ladin.
La médaille d’argent du Ministère de l’Agriculture a été remise à M. Pezant, tandis que les principales récompenses offertes aux amateurs par la société d’horticulture de la Nièvre par la Fédération des syndicats d’exploitants et par la chambre de Commerce de Nevers étaient l’apanage de MM. Girard et Groslet et de M. Ladin.
Nous sommes particulièrement heureux d’adresser à nos horticulteurs clermontois nos plus vives félicitations pour ce magnifique succès » (L’Éclair du 25 septembre 1948).
Aubière
capitale internationale du dahlia
nos compatriotes du dahlia à l’honneur
capitale internationale du dahlia
nos compatriotes du dahlia à l’honneur
« Durant trois jours, dans le cadre reposant du Jardin des Plantes de Clermont-Ferrand, nous avons pu admirer la magnifique exposition du dahlia, organisée par la Société d’Horticulture.
Chaque Aubiérois a pu ressentir un moment de fierté devant les belles et incomparables présentations de notre compatriote Antoine Pezant, dont les multiples variétés s’harmonisaient dans un arc-en-ciel merveilleux. Aux superbes récompenses obtenues à l’Exposition internationale du Dahlia à Moulins, où M. Pezant reçu la coupe d’honneur offerte par M. le Président de la République ; à Clermont-Ferrand, où M. le Sénateur-Maire, après avoir dit dans son allocution toute sa sympathie, son admiration et son amour des belles fleurs, remit au lauréat la coupe offerte par la municipalité clermontoise, nous apportons à celui qui a fait d’Aubière la capitale internationale du dahlia, l’expression des sentiments qu’éprouve l’âme de ses compatriotes, quand elle est frappée par les caractères du beau.
Toutes nos félicitations au jeune et sympathique Jacques Jantzen qui, suivant les traces du maître incontesté, saura maintenir, par sa ténacité au travail, son ardeur juvénile et son goût, une tradition heureuse. Ses magnifiques présentations, appréciées des membres du jury, lui ont valu, à Moulins et à Clermont-Ferrand, les plus belles récompenses » (La Montagne du 20 septembre 1956).
Antoine Pezant (premier à partir de la gauche) dans une cave d'Aubière |
Au terme de sa carrière particulièrement bien remplie, voici comment Antoine Pezant jugeait lui-même son métier et son parcours :
« … je ne regrette rien. Notre métier est passionnant, s’il n’enrichit pas son homme. J’ai eu, à côté de bien des déboires, des satisfactions d’amour-propre. J’ai toujours été optimiste, j’ai toujours pris la vie du bon côté. Cela sert quelquefois. Chez nous, c’est comme partout : il faut aimer son métier. Si l’on peut obtenir des résultats, il faut s’imposer des sacrifices. Mais, quand on a obtenu une belle variété, quelle satisfaction !
Imagineriez-vous que, dans un semis de 4 à 5.000 plants (c’est à peu près ce que je fais toutes les années) il n’y a pas une fleur qui ressemble à sa voisine ? Le dahlia est perfectionnable à l’infini, comme forme et comme coloris. C’est ce qui m’a poussé à chercher, à produire et à me spécialiser dans la recherche de la nouveauté. De par la réputation que je me suis faite, je suis tenu de faire quelque chose de très beau. Mais il faut bien 4 ou 5.000 plants avant d’obtenir une belle variété.
Le dahlia est une plante qui mérite d’être plus connue. J’ai fait ce que j’ai pu dans ce sens.
J’ai écrit dans des revues, françaises et américaines. Je suis rapporteur, tous les ans, au congrès de la Société française du Dahlia. Cela me prend un peu de temps, mais il faut mettre son goût sur quelque chose.
En plus du dahlia, je fais aussi beaucoup de chrysanthèmes, des œillets. Il faut bien faire bouillir la marmite. Mais ma grosse affaire, ce sont les plantations de dahlias. Il ne nous faut pas du reste compter commercialiser avant 5 années d’études ou de travail. Cela n’arrive pas à nous couvrir de nos frais.
Quand j’ai obtenu de bonnes variétés, je les fais connaître par le moyen des catalogues et des expositions, et je les mets en commerce. Mais je ne dispose pas de la publicité nécessaire pour vendre suffisamment. Je suis désavantagé par rapport aux grosses maisons qui, disposant d’une large diffusion, vendent par centaines, par milliers de plants.
J’expose un peu partout. C’est ainsi que je fais connaître mes nouveautés et que je rentre dans une partie de mes frais. J’ai expédié des dahlias dans toutes les parties du monde : à Sydney, à Toronto, à Buenos-Aires, dans le Levant, à Addis-Abeba, etc. En 1952, j’ai été en tête du concours international organisé par le jardin d’essai de la Société royale belge du Dahlia, à Linkebeck, avec 96 points sur 100.
Quand j’ai commencé, on ne connaissait guère que le dahlia simple. Maintenant, il y a un nombre infini de variétés, de toutes formes et de tous coloris.
Dahlia cactus |
© Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix
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