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lundi 2 janvier 2012
L'humeur vagabonde d'une lignée de Gioux
La rumeur moqueuse a décrété que les Auvergnats sont casaniers, et ne se sentent heureux que dans leurs villages, toujours en vue du majestueux Puy de Dôme.
Alors qu'est-il arrivé à Antoine Gioux, lointain ancêtre, qui a fui Aubière pour se mettre à parcourir l'Europe ?
Est-ce par un traumatisme dû aux deux mariages de son père Julien : l'un contracté avec Jeanne Carton en 1858 et qui s'est concrétisé par sa naissance en 1864, le second avec Michèle Chaput ; ou est-ce pour ne pas s'occuper de ses nombreuses parcelles de vignes ou de vergers ; ou plus vraisemblablement pour se libérer de la domination envahissante d'Anna Bourcheix, fille de François, expert-géomètre, qu'il a épousée le 12 février 1887 ?
Plus personne maintenant ne pourra en fournir la moindre réponse.
Cependant il existe des certitudes : ses études lui conférant le titre de Conducteur des Ponts et Chaussées, son départ avec son épouse dans le Cantal pour diriger la construction des lignes de chemins de fer entre Riom-ès-montagnes et Mauriac, et aussi la naissance de son fils Amédée le 8 mai 1889 à Vendes, commune de Bassignac, dans le Cantal.
En 1900 le voilà parti pour la lointaine Russie où il va mettre ses compétences à la disposition des Russes pour construire leur réseau ferré. Son passeport, couvert de nombreux cachets officiels, atteste les dates de voyage. Tandis que son épouse Anna, revenue Place Saint-Étienne (aujourd'hui, place de la République) à Aubière, l'attend, tout en s'occupant de son fils Amédée et de ses vignes.
Antoine revient chez lui pour assister aux obsèques de son père Julien, le 23 juillet 1903, auquel il ne survivra que quelques mois. Il s'éteint le 29 novembre 1903 à l'âge de 39 ans.
Anna doit vivre seule. Mais c'est une maîtresse femme, de robuste santé, dure envers elle-même et envers ceux qui l'approchent. Elle en fait la preuve durant la guerre de 14-18, durant laquelle, en qualité d'infirmière, elle prodigue ses soins aux blessés. Elle meurt en 1959 à près de 100 ans.
Quant à Amédée, il poursuit ses études au Lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, jusqu'à ses examens dans l'administration des Ponts et Chaussées. Jeune diplômé, il s'embarque en 1912 pour la Tunisie.
Service militaire dans un régiment de Tirailleurs Tunisiens. Mariage le 8 février 1913, célébré à Aubière, avec Marie Hervais, fille de Guillaume, qui participa, il y a bien des années, dans sa jeunesse, aux premiers combats contre les Pavillons Noirs, dissidents de l'armée chinoise s'attaquant aux possessions françaises du Tonkin.
Amédée est mobilisé dès les premiers jours d'août 1914 pour participer à cette longue et effroyable guerre qui, en quatre ans, fit tant de morts, de blessés, d'invalides. Mais malgré tout, et grâce aux rares permissions, la vie n'arrête pas de se perpétuer. Ainsi naquirent en Tunisie : Andrée en 1914, et Louis-Jean, votre serviteur, en 1916 ; et, bien des années plus tard, Antonin, venu au monde en 1928 à Aubière dans la maison de la Garenne dont Amédée avait dressé les plans.
Que peut-il donc advenir à ces enfants auxquels les deux grands-pères ont, sans le savoir, inoculé le goût de l'aventure ?
Andrée, la fille aînée, après des études d'architecture aux Beaux-Arts de Clermont, et son mariage, va vivre en Algérie, puis en Suisse, pour finalement s'éteindre le 20 juillet 1985 à Clermont, ses quatre enfants étant installés en Auvergne et à Paris.
Louis-Jean, son cadet de deux ans, après ses diplômes d'ingénieur, se retrouve dans l'aviation en 1938 où il sert comme lieutenant-pilote des Forces aériennes de la France Libre. Durant la guerre 39-45 il vole en Afrique du Nord, au Sahara, aux U.S.A. et bombarde l'Allemagne nazie. A peine les hostilités terminées, il se marie en Algérie le 8 mai 1945. De cette union avec Louise Bernabé va naître, toujours à Alger, deux fils : Hervé en 1946 et Loïc en 1957.
Ces deux jeunes Gioux, les années passant, se lancent dans la vie professionnelle : l'aîné dans le métier des banques avec de longs séjours au Gabon, au Nigéria, en Grèce. L'autre, dans les Travaux Publics où il participe à de grandes réalisations en Arabie Saoudite, en Côte d'Ivoire, en Libye, avant de s'installer en Amérique Centrale.
Mariés, les deux frères ont chacun un garçon et une fille qu'ils entraînent dans leurs voyages. Cette nouvelle génération de jeunes Gioux accumule les heures de vol en avion, tout en poursuivant des études et découvrent ainsi les différents continents.
Quant à Antonin, le plus jeune fils d'Amédée et de Marie, il opte pour la Marine Marchande et devient officier au long cours. Durant son service militaire, il sert comme pilote dans l'Aéronavale en Extrême Orient. Il obtient une permission pour venir se marier à Clermont avec Françoise Bourgeois. Le mariage étant difficilement conciliable avec la vie vagabonde des marins, les deux époux renoncent aux longs voyages, pour se consacrer à l'éducation de leurs trois enfants qui, eux, ont perdu l'esprit d'aventure et ont préféré des métiers plus calmes de pharmaciens ou d'informaticien, prosaïquement installés dans l'Hexagone.
Alors, après ce succinct récit d'une famille aubiéroise, quelles sont les mauvaises langues qui persisteront à dire que les Auvergnats sont casaniers ?…
© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière, 1999 - Louis-Jean Gioux.
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