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lundi 9 janvier 2012

Le curé et les consuls


Titré à la manière de Jean de La Fontaine, cet article n’a pourtant rien d’une fable. Il stigmatise une des « frictions » qui ont opposé, au fil des siècles, les habitants d’Aubière et leurs édiles, qu’ils soient féodaux, municipaux ou religieux.
Ce conflit a lieu à Aubière en 1684 et, une fois n’est pas coutume, il est à l’initiative du curé Amable Aubény, prêtre vénérable, qui se sent spolié de ses droits curiaux par la Luminerie, représentée en l’occurrence par Martin Thévenon. Celui-ci, semble-t-il soutenu par la population, s’effacera sous la protection des consuls, véritables représentants des habitants d’Aubière.
À l’aide, entre autres, des documents relevés aux Archives départementales du Puy-de-Dôme, nous essayerons de comprendre l’organisation des structures de la paroisse Saint-Martin d’Aubière et les raisons pour lesquelles le curé Aubény adresse une plainte à l’official du diocèse, le 23 mai 1684.


Le mardi 23 mai 1684, un enfant, en nourrice à Aubière, meurt. Amable Aubény, curé de la paroisse, se rend au domicile des parents nourriciers afin d’enlever le corps et de procéder à l’enterrement (1). Quand arrive le convoi, l’église est fermée. La fosse qui avait été faite pour inhumer l’enfant est même comblée !
Amable Aubény, qui harcelait journellement en vain le luminier de ses revendications, décide d’en référer aussitôt à l’official (2). Le luminier, Martin Thévenon, averti, en avise les consuls de l’année, Michel Dégironde, Blaise Decors et Jacques Gioux, qui répliquent. Les requêtes vont ainsi se succéder jusqu’au 24 juillet, entre le curé, les consuls et l’official (3).


Les requêtes du curé
Outre les faits rapportés ci-dessus, Amable Aubény se plaint (4) :
•    Que depuis plusieurs années, le luminier s’est approprié trois clefs qui « me sont de la plus grande utilité… à savoir, la clef de la porte de l’église, celle des reliques et celle des ornements. »
•    « Qu’y a-t-il de plus dérésonnable, s’écrit-il, qu’un curé soit obligé, et bien souvent à toutes les heures de la nuit, de courir chez un luminier pour y aller prendre la dite clef ; pendant lequel temps il est très dangereux qu’une personne meure sans recevoir les sacrements ».
•    « Quant à la clef des reliques, j’ai aussy un nottable intérêt à la demander pour empescher les luminiers et mesme leur femme d’y mettre la main ny de sortir les dites reliques. C’est au curé qu’il revient de les sortir comme une chose pour laquelle l’on doit avoir beaucoup de vénération. »
•    « J’ai aussy intérêt à voulloir la troisième clef pour ouvrir le coffre des ornements ; soit pour changer la couleur suivant les temps de l’année, ou pour prendre le nécessaire à mes fonctions ».
Il ajoute que
•    « pour ce quy concerne les apports des dites reliques, j’ai droit, suivant les statuts de feu Monseigneur Louis Destaing, évêque de Clermont, d’en demander la moitié et la restitution depuis vingt ans que je n’ai pas perçu. »
De plus, 
•    « voyant le mauvais usage que les consuls et luminiers font du linge de la luminairie et de l’huille, en faisant leur propre, je me trouve obligé de requérir qu’on leur fasse deffence de vendre le linge et l’huille sans mon autorisation ».
•    « Ces mauvaises choses appartenant à la luminerie, ne sont faites que par une brigadde d’habitants qui se nomment les uns les autres pour en faire leur profit. Il est important que ce soit à moi d’en faire la nomination, pouvant mieux connoitre que personne quels sont les plus honnêtes gens et les plus capables d’exercer une telle charge. »
•    « Qu’ils ne s’attachent pas à exiger pour la sonnerie des enterrements des enfants estrangers des sommes extraordinaires, et qu’ils me permettent de faire sonner la petite cloche quand ils ne voudront pas sonner les autres. »
•    Enfin, Amable Aubény demande que les luminiers soient tenus de lui rendre leurs comptes.

Le clergé de la paroisse Saint-Martin d’Aubière en 1684 :
  •  Amable Aubeny, prêtre, curé d’Aubière : Il est le fils de Gilbert Aubény, notaire royal à Aubière, et d’Antoinette Taravant. Né entre 1620 et 1630, il meurt le 19 mars 1693 à Aubière, après avoir testé une dernière fois, le 16 mars 1693. Il fut vicaire puis curé de la paroisse Saint-Martin d’Aubière, à partir de 1654 environ, succédant à Pierre Deliesse, chanoine de la Cathédrale de Clermont et curé d’Aubière (dont on a un testament du 29 décembre 1653). Il est de nombreuses fois parrain entre 1639 et 1690.
  •  Blaise Chabozy, prêtre, vicaire et communaliste de la paroisse d’Aubière. Il est le fils de Jamet Chabozy, laboureur et cordonnier, et de Marguerite Chossidon. Il est né le 2 janvier 1656 à Aubière ; il est décédé avant 1725. Il a testé le 29 juin 1688.
  •  Gilbert Martin, prêtre et communaliste de la paroisse d’Aubière. Il est le fils de Pierre et de Jacquette Dumolin. Il est né vers 1620 et meurt le 15 juillet 1697 à Aubière. Il est l’oncle maternel de Jehan Tailhandier, qui suit.
  •  Jehan Tailhandier, prêtre et communaliste de la paroisse d’Aubière. Il est le fils d’Anthoine et de Clauda Martin. Il est né vers 1650, teste le 2 mai 1690 à Aubière, et meurt après 1706. Sa famille, au moins à partir de son père Anthoine, porte le sobriquet de Blasie. L’église d’Aubière avait à l’époque un reliquaire portant cette inscription : Reliquiae St Blasii. Les Taillandier faisaient vraisemblablement parties des bailes de la confrérie de Saint-Blaise, d’où le sobriquet... (?) -- Voir la Communauté des prêtres...

Dans une dernière requête, du 19 juin 1684, Amable Aubény fait part d’observations qu’il aurait omis, et affirme qu’il est « de la dernière importance qu’il soit faict un règlement » :
•    « En premier lieu que les luminiers prennent la moitié de la cyre servant aux enterrements depuis plusieurs années, ensemble la moitié des (suères) ce qui doibt entièrement appartenir au suppliant, l’oblige de demander qu’il soit faict deffences aux dits luminiers de ne plus rien prendre soit de la dite cyre que (suères) ;
•    « En second lieu qu’ils seront tenus de faire parapher par Monsieur le Lieutenant général les registres des baptêmes et mariages, fournir le papier, les mettre au greffe.
•    « En troisième lieu, que outre ce qu’il a esté dit au procès touchant les enterrements des estrangers, qu’il sera loisible au dit Sr curé de donner des fosses aux deffunts où bon luy semblera à l’exception des tombeaux des particuliers.
•    « En quatriesme lieu, qu’ils seront obligés de faire toutes les réparations de l’esglise et d’entretenir les ornements, linge et cloches.
•    « En cinquiesme lieu, que les Consuls ny habitants ne prendront connoissance de la nomination des bailles de la Charité et que la connoissance en appartiendra au dit suppliant pardevant qui les bailles rendront leurs comptes en fins d’années ; ne feront aucunes assences qu’en la veue du dit suppliant et ne feront aucunes (buriestes ?) aux despans de la dite Charité en faisant les dites assences ny en recevant le prix d’icelles.
•    « En sixiesme lieu, ne donneront aucune aumosnes et ne feront aucune délibération pour faire la dite aumosne qu’en la présence du dit suppliant, et ne l’emploieront à autre chose que pour les véritablement pauvres ou réparations de l’esglise.
•    « En septiesme lieu, pour empescher une despance excessive qui se fait journellement aux despans de la dite Charité, les bailles, Consuls et autres, buvant le vin de la dite Charité, sera donné une clef de la cave où loge le dit vin ou du grenier où est le bled pour le dit vin et le vin estre vendus et les deniers en provenant estre ainsi logés pour les réparations de l’esglise.
•    « En huictiesme lieu, seront faictes deffences aux Consuls d’assister à l’administration à la dite aumosne pour obvier aux grands frais qu’ils font dans cette administration ou qu’ils n’ayent à faire aucune despance aux frais de la dite Charité.
•    « En neuviesme lieu, qu’ils ne prendront aucune choses dans l’esglise, soit linge, huille, estaing et autres choses, ny mesme aucuns vins ny bled de la dite Charité que ne soit à la vue du dit suppliant pour estre employé pour les pauvres et réparations de l’esglise comme il a esté dict.
•    « En dixiesme lieu, qu’ils soyent à randre compte devant le dit suppliant des sommes qu’ils ont reçues tant des noyers qu’ils ont vandus de la luminerie, linge, estain, ensemble du bled et vin de la dite Charité, des dons particuliers et des sommes qu’ils ont recues des Chavi ralis avec deffances d’exiger à l’advenir de semblables droits de chaviralis. (5)
•    « Et enfin, que les Consuls ny habitants du lieu ne singereront de prendre les cordes des cloches pour les faire servir à encaver leur vin, comme ils ont accoustumé de faire. Le tout à peine de cent livres d’amende toutes lesquel(le)s demandes estant pressantes et raisonnables le dit suppliant a esté conseillé de vous bailler la présente requeste pour luy estre pourveu. »

Martin Thévenon, Luminier :
Nous n’avons pas retrouvé de Martin Thévenon ayant vécu à cette époque. Il semblerait qu’il s’agisse de Michel Thévenon, né vers 1652, luminier en 1688, dont on parle plus loin. Sans doute confusion de prénoms, bien que nous n’ayons pas son acte de baptême en 1652 (lacunes dans les R.P.), mais prénommé Michel lors de son mariage en 1676. Les luminiers pouvant très bien se succéder à eux-mêmes, il n’est pas étonnant qu’il ait été luminier dès 1684.

La réponse des consuls
Les consuls, prenant fait et cause pour le luminier, Martin Thévenon, adressent une « réquisition » à l’official du diocèse, dans laquelle ils réclament aussi qu’il soit fait un règlement (6) :
«  … les suppliants en la dite qualité de Consuls et en titre de délibératoire de la dite communauté, sont obligés de conserver ses droits et de maintenir ceux qui sont acquis à leur luminaire et pour l’esfet d’intervenir et prendre le fait et cause du dit Thevenon et de le soutenir que la requeste présentée par le dit Sr Aubény est une suite [...] qu’il luy fait journellement, ne se contentant pas de jouir paisiblement des revenus de sa cure et de la communauté, mais encore il voudrait jouir, s’il pouvoit, de ceux de la luminairie au préjudice de la dite communauté qui entretient le dit Sr curé et prestre, de tous les ornements nécessaires pour les fonctions de leur ministère et de toute la lumière nécessaire pendant l’année, ni pouvant, par ce, dire, le dit Sr curé, que depuis plus de trente ans qu’il possède la dite cure, il aye fait aucune dépense dans la dite église en ornements ny pour quelque cause que ce soit, ce qui est extraordinaire parmy les personnes de cette qualité et par exprès dans l’occasion qui s’est présentée qui est que l’église ne pouvant contenir le peuple du dit lieu d’Aubière, les habitants ont estés obligés de la faire agrandir et de faire une dépense assez considérable et le dit Sr curé n’y a jamais voulu contribuer (7) dans une chose, quoiqu’il aye un revenu plus que suffisant pour son entretenement et pour l’ornement de son église à laquelle il doit une considération toute particulière, soit parce qu’il y a esté baptisé, soit parce qu’il en est curé, et si les autres curés de ce diocèse en estoient de mesme et n’avoient pas plus de charité que luy, leur église seroit dans le dernier désordre de sorte que les suppliants, voyant que le Sr curé se comporte de la manière et qu’il prend non seulement ses droits, mais encore ceux de la luminairie dans les enterrements estrangers, qui consistent aux droits des cloches ou pour la lumière et ornements. Ils ont intention de l’empescher, à l’advenir, et de vous faire cognoitre que les faits, par luy allégués dans la requeste, sont supposés parce qu’il est certain que le dit Thevenon n’a point fermé les portes de l’église ny donné ordre de le faire, et c’est si vray que la porte du costé du clocher estoit ouverte par laquelle l’on passe souvent lors des enterrements. Il n’a tenu qu’au dit Sr curé d’y passer. Les luminiers, apres vespres, qui se disent ordinairement à nuit close, estant tenus de fermer les portes de l’église affin d’éviter quelque désordre et qu’on ne volle dans la dite église, et si le dit Sr curé avoit adverty les luminiers qu’il vouloit faire ouverture de la porte, ils n’auroient pas manqué de luy faire ouverture de la porte ; bien davantage, il fust prendre le corps de l’enfant sans faire sonner les cloches comme ils offrent de vérifier en cas de dény, ce qui causa de l’escandalle à tout le peuple, et quand il se plaint de ce qu’on a comblé la fosse, il ne peut imputer aucune faute aux luminiers parce que ce ne sont pas eux qui l’ont fait, mais ceux auxquels les tombeaux appartenoient, comme il sera aussi vériffié. Le dit Sr curé n’ayant pu ny deub faire faire la dite fosse dans les tombeaux d’autruy et l’ordonnance que vous avez rendu sur la réquisition du dit Sr curé en décide l’acquisition. Ainsy il se voit que le dit Sr curé s’est plaint malapropos. Le dit Sr Chabozy, son vicaire ayant fait l’enterrement du dit enfant mercredy dernier [24 mai 1684] et sonné les cloches sans la participation des luminiers, mesme d’exiger leurs droits ; bien davantage le mesme jour, sur le soir, il avoit menacé de faire sonner les cloches quand bon luy sembleroit, mesme de les rompre, ce qu’il n’a pu ny deub faire, mais les suppliants n’en font pas la mesme chose, car le dit Sr curé faisant toutes ses fonctions la confusion et sans aucun ordre et que le peuple n’en retire aucune satisfaction ny instruction, n’y ayant aucune heure pour la messe de paroisse et vespres, ce qui fait que la plupart des habitants n’y assistent pas, dans l’incertitude de l’heure que le divin office se célèbrera ; ce qui cause un dommage et désordre très grand aux habitants et à leur famille qui profiteraient de la doctrine et instruction, que le Sr curé est obligé de leur donner à son prône, de quoy ils sont privés la plus part du temps au deffaut de règlement.
C’est pourquoy les suppliants pour la dite communauté ont esté conseillés de vous donner la présente réquisition et ces causes.
Mon dit Sieur, il vous plaira donner aux dits suppliants de ce qu’ils interviennent en l’instance intentée par le dit Sr curé, contre le dit Thevenon, et prendront les faits et cause et de ce qu’ils employent le contenu en la présente réquisition, pour contestation à celle du dit Sr curé, comme aussy de ce qu’ils conclueront incidemment à ce qu’il soit condamné à rendre aux dits luminiers le droit de lumière et ornements qu’ils a exigé pour enterrement du dit enfant suivant la taxe qui en sera par nous faite et que deffence luy seroit faite d’exiger aucun droits appartenant à la dite luminairie pour les enterrements des estrangers et de les faire sans le soin des dits luminiers en charge, à peine de répondre en son privé nom des droits de la dite luminairie, et que l’office divin soit réglé tant pour la messe de paroisse que vespres, à des heures certaines, affin que le peuple assiste plus assidument, et en conséquence, enjoindre au dit Sr curé, son vicaire et prêtres de la dite communauté, d’exécuter le Règlement qui sera par vous fait, à peine d’interdiction…
»

Les consuls d’Aubière en 1684
  • Blaise Decorps, fils de Annet et de Marguerite Marie Chavaignat, il est né vers 1630 et décédé le 18 décembre 1684. Marié en premières noces le 26 janvier 1660 (cm) à Aubière (63) à Jacquette Gioux, dont il aura trois enfants, et en secondes noces, le 18 octobre 1671 (cm) à Ceyrat (63) à Marie Dourdouille, dont il aura 6 enfants.
  • Michel Dégironde Maugue, fils de Guillaume et de Louise Boudemeuf, il est né avant 1630. Il se marie par contrat à Aubière, le 19 février 1656 à Perette ou Poncette Deroche, dont il aura deux enfants.
  • Jacques Gioux : nous n’avons pas pu identifier précisément ce troisième consul (homonymies et aucune autre mention en tant que consul).

Le jugement de l'Official
(Règlement établi par Me Tiolier, notaire à Aubière) (8) :
« Et ce pour satisfaire au jugement indiciellement rendu entre les partyes le .... du mois de juin Despartant que la cause est appoint en droit à servir et produire dans le temps de l’ordonnance, affin que par les moyens de ces pièces sans avoir esgard à la requeste d’intervention des dits Consuls, de laquelle ils seront déboutés, le dit Martin Tevenon, luminier, soit condamné à l’amende et aux despans pour son esgard et à l’esgard des demandes incidentes faictes par les dits Consuls par leur dite requeste d’intervention qu’ils en soyent aussy débouttés, et fesant droit sur les requestes incidentes présentées par le dit Sr AUBENY, ordonne :
•    que le dit AUBENY curé, ne sera tenu d’appeler les luminiers dans ses fonctions, ny d’obliger les parens des deffunts de prendre plus ou moins des cloches,
•    que le dit Sr curé ne sera obligé de dire la messe de paroisse qu’à l’heure de sept du matin depuis Pasque jusques à la Toussaint et vespres à quatre heures, et depuis la Toussaint à Pasques, la messe à huit heures et vespres à trois heures ; si ce n’est les jours de festes solennelles, auxquels jours il sera loisible au dit Sr curé de la dire quand il verra bon estre, avecq deffence aux [prêtres filleuls ou communalistes] du dit Aubière de célébrer leur messe avant celle de paroisse ;
•    qu’il sera délivré trois clefs au dit Sr curé, Scavoir, celle de l’esglise, celle des reliques et celle des ornements ;
•    qu’il sera délaissé au Sr curé la moitié des apports des reliques ;
•    qu’il sera fait deffence aux dits Consuls et luminiers de vendre ny linge ny huile sans l’adveu du dit Sr curé ;
•    qu’il luy appartiendra de faire la nomination des luminiers qui seront obligés de rendre compte pardevant luy, en fin de chaque année ;
•    qu’il sera faict deffence aux luminiers d’exiger d’autres sommes pour la sonnerie des enterrements des enfants estrangers que celle qui sera par vous taxée et ou et quand les luminiers ne voudront sonner les cloches ;
•    qu’il sera permis au dit Sr curé de faire sonner la petite cloche ;
•    que les luminiers seront tenus de faire parapher par Monsieur le Lieutenant général les registres des baptêmes et mariages, fournir le papier et les mettre au Greffe ;
•    qu’il sera délaissé au Sr curé toutte la syre servant aux enterrements, les suaires ensemble les offrandes ;
•    que le Sr curé pourra donner des fosses où bon luy semblera à l’exception des tombeaux des particuliers ;
•    que les dits luminiers seront tenus de faire toutes les réparations de l’esglise et d’entretenir les ornements, linge et cloches ;
•    que les Consuls ny habitants ne prendront cognoissance de la nomination des bailles de la Charité et qu’elle en appartiendra uniquement au dit Sr curé pardevant lequel ils rendront leur compte en fin de chaque année ;
•    qu’il ne sera fait aucune assences qu’avec la veue du dit curé et ne sera fait aucune aux dépans de la dite Charité en fesant les assences ny en recevant le prix d’icelles ;
•    qu’il ne sera faict aucune délibération pour faire l’aumôsne qu’en présence du dit curé et ne sera employée que pour les véritablement pauvres ou réparations de l’esglise ;
•    qu’il sera donné une clef de la cave où loge le vin de la Charité et une du grenier où loge le bled au dit Sr curé, pour le dit bled et vin estre vendu, et les deniers en provenant estre employés aux réparations de l’esglise ;
•    qu’il sera faict deffence aux Consuls d’adssister à l’administration de la dite aumosne, si mieux ils n’ayment faire aucune dépense aux fraix de la dite Charité ;
•    qu’il leur sera aussy faict deffence de prandre aucunne chose dans l’esglise, soit linge, huille, estain ny autre chose ny mesme aucune vin ny bled de la dite Charité que ce ne soit à la veue du dit Sr curé, pour estre employé pour les dits pauvres ou réparation de l’esglise ;
•    qu’ils rendront compte devant le Sr curé des sommes qu’ils ont reçues tant des noyers qu’ils ont vendus, linge, huille, estens, des dons des particuliers et des sommes qu’ils ont receues des charynalier (9) avecq deffence d’exiger à l’advenir de semblables droits à peine d’amende ;
•    que les Consuls ny aucun habitants ne s’ingéreront de prendre [les cordes des cloches] pour à l’advenir les faire servir à encaver leur vin, le tout à peine de cent livres d’amende contre chacun des contrevenants, et les dits Consuls condamnés aux depans de l’infamie…
»


Inventaire des documents
Voici la liste des documents produits par les parties dont s’est servi Me Tiolier pour établir notamment le « Jugement » rapporté plus haut :
•    … deux pièces attachées ensemble, la première est la requeste présentée par le dit demandeur contre Martin Tevenon, prétendu luminier, le vingttroisième may de présente et l’Ordonnance intervenue sur icelle le mesme jour, la seconde est l’exploit de signification de la dite requeste et ordonnance en datte du vingt quatre may du présent, plus une requeste présentée par les dits Michel Degironde, Jacques Gioux et Blaise Decors, Consuls, avecq l’Ordonnance intervenue sur icelle le vingt sixième jour de may de la dite, signiffiée à Me Gilbert Tiolié, procureur du dit demandeur (10), par Bourday, greffier, le mesme jour ;
•    … la contestation qu’il a fourny à la requeste d’intervention des dits Consuls, signiffiée à Me Anthoine Borye, leur procureur, le huitième juin de la dite année par le dit Bourday ;
•    … une coppie d’acte pour en venir à l’audience pour faire joindre touttes les requestes au principal, la dite signification faite par Bourday le cinquième juin de la dite année ;
•    … une autre requeste incidente par luy
[Amable Aubény, curé] présentée ensemble l’Ordonnance intervenue sur icelle le treizième juin de la dite année ;
•    … le dit jugement de jonction porttant appointement ;
•    … une autre requeste par luy [Amable Aubény, curé] présentée ensemble l’ordonnance sur icelle intervenue le dix neuf juin de la présente année ;
•    … deux pièces attachées ensemble sont deux coppies de contestation fournies aux deux requestes du suppliant et ...
•    … une coppie de requeste d’intervention présentée par Mres Gilbert Martin et Jean Thaillandier, prêtres au dit Aubière, le quinzième juillet, de l’année présente ;
•    … la contestation fournye à la dite requeste d’intervention ;
•    … une coppie d’acte pour en venir à l’ordonnance pour faire joindre la dite requeste d’intervention au principal ;
•    … une écriture fournye contre les dits Consuls signiffiée le vingt quatrième juillet de l’année présente 1684 ;
•    … le présent Inventaire.


De l'honnêteté des « trésoriers » du village
Dans cette affaire entre le curé, le luminier et les consuls, transparaît en filigrane l’honnêteté des trésoriers du village. Le curé, Amable Aubény, ne semble pas mâcher ses mots dans les requêtes qu’il transmet à l’Official.
Il revendique la nomination des luminiers :
•    « … connaissant mieux que personne ceux qui sont les plus honnêtes et les plus capables d’exercer une telle charge » ;
•    « … ces mauvaises choses, appartenant à la luminerie, ne sont faites que par une brigadde d’habitants qui se nomment les uns les autres pour en faire leur profit ».
Il associe même les consuls (trésoriers « publics ») aux luminiers (trésoriers « cultuels ») : « voyant le mauvais usage que les consuls et luminiers font du linge de la luminairie et de l’huile, en faisant leur propre… »
Mais s’agit-il d’une véritable accusation ?
Je pencherais plus pour une revendication du curé pour lui-même, qui a laissé échapper des avantages ou des droits financiers depuis quelques années. Pendant des années, Amable Aubény a en effet fermé les yeux lorsque les luminiers se nommaient entre eux et ne lui rendaient plus de comptes en fin d’exercice.
Bien sûr, luminiers et consuls « en font leur profit », non pas pour eux-mêmes mais pour la Fabrique. On sent bien que le curé Aubény se « démarque » un peu des affaires matérielles de la paroisse, puisque l’église vient d’être agrandie sans aucune participation financière de sa part. Sa volonté testamentaire, en date du 24 août 1680, de donner 500 livres pour ce projet ne compte pas, et pour cause !
Certes, les luminiers se nomment entre eux et ne rendent plus aucun compte au curé, mais un détournement de revenus de la Fabrique (faibles malgré tout) vers leur cassette personnelle serait vite découvert. N’oublions pas qu’ils restaient, comme les consuls, sous l’étroite surveillance de la communauté paroissiale.
Leur honnêteté n’est donc pas remise en cause par ce conflit de 1684. Une remise à plat des statuts de la Fabrique était cependant nécessaire, et c’est ce qu’il advint. C’est ce que nous retiendrons.



Notes :(1) - A cette époque, il est de coutume de procéder aux enterrements le jour même du décès, ou dès le lendemain, selon l’heure de la mort. On procède de même pour les baptêmes.
(2) - Official : Juge ecclésiastique délégué par l’évêque pour exercer, en son nom, la juridiction contentieuse. Il est notamment sollicité par les différends où les clercs sont en cause (Larousse). NDLR : de plus, cette année-là, l’évêque du diocèse de Clermont, Louis d’Estaing, vient de mourir, et le siège épiscopal est donc vacant.
(3) - Si nous avons connaissance, par les documents relevés aux A.D. 63 par André Chapeau, des « prétentions » du curé Aubény, et de la sentence finale et règlement, établi par le notaire Tiolier sur les instances du juge ecclésiastique, seule la première réplique des consuls, si tant est qu’il y en ait eu plusieurs, nous est parvenue. D’après un inventaire (pièce 22 – A.D. 63 – 1 G 1974 – voir plus loin), douze pièces ont été versées à ce dossier, parmi lesquelles une requête d’intervention de deux prêtres communalistes de la paroisse d’Aubière, messires Gilbert Martin et Jean Thaillandier.
(4) - AD 63 – 1 G 1974 – pièce n°7.
(5) - Chaviralis : déformation de « charivari » que l’on trouve, dès 1316, d’après une édition du Dictionnaire de l’Académie française, sous la forme « chalivali » (tapage, huées et chahut). Ce concert, où se mélangent les sons discordants et bruyants d'ustensiles de cuisine entrechoqués, de crécelles, de cris et de sifflets, était organisé pour montrer une certaine réprobation devant un mariage mal assorti, un remariage ou la conduite choquante d'une personne. La forme « charivary » apparaît en 1694.
(6) - A.D.63 – Document 35 du 26 mai 1684.
(7) - Note transmise par André Chapeau : Toutefois, on trouve dans le testament rédigé par le curé Aubeny, en date du 24 août 1680, les termes suivants : « Donner 500 livres pour l’agrandissement de l’église lorsqu’on trouvera à propos d’y travailler ». NDLR : Ce que les consuls ne pouvaient connaître.
(8) - en date du 24 juillet 1684.
(9) - Charynalier : voir plus haut la note Chavilaris = charivari.
(10) - Procureur : Mandataire, curateur, celui qui agit en justice au nom de quelqu’un. Avocat.
NDLR : Gilbert Tiolié (x Anne Olivier), est né vers 1635, procureur à Aubière, fils d’Anthoine et de Gilberte Celme. Il est le cousin germain de Jean Tiolié, père de Pierre, notaire d’Aubière et mari d’Anne Aubény. Cette dernière est la nièce du curé Amable Aubény. Dans le conflit qui oppose en 1684 le curé aux consuls, Gilbert Tiolié représentera le curé Amable Aubény, fils du notaire Gilbert.
Les consuls seront représentés par maître Anthoine Borye, Procureur à la Cour des Aydes, Bailli d'Aubière en 1689, marié à Anne Renoux, fille du marchand de Clermont, Pierre Renoux.


© - Cercle généalogique et historique d’Aubière (Pierre Bourcheix)




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