Actualités


vendredi 8 février 2013

Le maire Girard, déshonoré !



Le sacre de Napoléon 1er et le rétablissement du culte catholique n’ont pas fait que des heureux à Aubière. Aux républicains déçus s’ajoutent les déserteurs, de plus en plus nombreux sous le 1er Empire, pour manifester leur mécontentement. A Aubière, semble-t-il, on a l’habitude d’être, sinon bienveillants, au moins indifférents avec les fauteurs de troubles, tant qu’il n’y a pas mort d’homme. S’en plaindre à la Préfecture impliquerait la venue de la force publique et de ses montures qu’il faudrait loger et nourrir.
Mais le Préfet, averti, n’est pas de cet avis, et, en son absence, charge son conseiller de préfecture de régler le problème promptement et fermement ! Et celui-ci n’y va pas de main morte, le bougre ! Le maire Girard et son conseil sont enfoncés plus bas que terre et sommés de dénoncer malveillants, déserteurs et criminels qui hantent leur bonne (mauvaise) ville d’Aubière. Et sans délai.

(Archives communales d'Aubière)
 
Clermont-Ferrand 8 Nivôse an 13 (samedi 29 décembre 1804)

Le conseiller de préfecture au maire d’Aubière,

Depuis long-tems, Monsieur, la commune que vous administrez est le théâtre de scènes scandaleuses.
Quelques hommes aussi factieux qu’immoraux ne cessent d’y provoquer et d’y commettre des délits contre le respect du culte de la Nation, culte que notre auguste Empereur a restauré pour le bonheur de la grande majorité du Peuple français.
Le Ministre de la religion a été plusieurs fois insulté jusques dans le sanctuaire et interrompu avec audace dans l’exercice de ses fonctions. Pourquoi, Monsieur, ne m’avez-vous pas instruit de ces délits ? Pourquoi votre adjoint ne les a-t-il pas constatés et n’a-t-il pas provoqué leur répression ? Si des faits aussi publics ne sont pas révélés à la justice, on doit conclure que le silence des témoins est une preuve de complicité, et que la population presqu’entière y a participé.
On n’a pas répandu avec des intentions moins perfides le rétablissement prochain des dîmes et des droits féodaux. Les auteurs de ces fausses nouvelles ont cherché à allarmer les citoyens et à enlever au gouvernement le respect et la confiance qui lui sont dus. Il faut que des malveillants aussi criminels soient connus et punis.
Enfin, il y a peu de jours que les nommés Martin Pignol dit Belle-oreille et Guillaume Bussière fils à Jean ont été maltraités sur la place publique par les nommés Antoine Bertine déserteur, et Lamonne, mauvais sujet, déjà condamné par le tribunal de police correctionnelle. Ce délit, grave sous plus d’un rapport, a été commis au milieu d’un attroupement de deux ou trois cent personnes.
J’ai dénoncé les deux coupables au magistrat de sûreté, et je poursuivrai leur punition avec rigueur.
Ainsi dans votre commune, insulte publique et journalière au culte catholique, propos outrageant pour le gouvernement, excès commis sur deux citoyens, protection aux déserteurs, puisque l’un des coupables est chef des troubles ; violation des propriétés des magistrats, et l’on pourrait penser que je ne déploierai pas toute la rigueur des lois contre une commune dès long-tems (1) déshonorée par le crime et le pillage des propriétés !!!
Pour procéder avec ordre, pour pouvoir distinguer les innocents des coupables ; pour découvrir le mal jusques dans sa racine, le Maire, l’adjoint et les membres du conseil municipal seront tenus de répondre par écrit et sans désemparer aux questions suivantes :
1° A quelles époques et combien de fois M. le succursalier (2) a-t-il été insulté et interrompu dans l’exercice de son ministère ?
2° Quels sont les auteurs de ces délits ; quelles sont les personnes qui en ont connaissance ?
3° Depuis quelle époque a-t-on répandu le bruit du rétablissement des dîmes et des droits féodaux ?
4° Quels sont les auteurs de ces bruits ?
5° Combien y a-t-il de déserteurs dans la commune ?
6° Où logent-ils ?
7° Où loge Bertine ?
8° Quelles sont les personnes qui ont vu ce déserteur et Lamonne maltraiter Pignol et Bussière ?
9° Combien convient-il d’envoyer de militaires en subsistance dans la commune jusqu’au rétablissement de l’ordre ?
10° Pendant combien de tems 50 chevaux pourraient-ils y être nourris ?
11° Quels sont les individus qui, par leur immoralité et leurs excès, sont dangereux pour la tranquilité publique ?
12°Quels sont les moyens d’existence de ces individus ?
13° Ont-ils déjà été condamnés pour quelques délits ?
Les réponses à ces questions seront apportées lundi prochain à la Préfecture par le Maire, l’adjoint et cinq membres au moins du conseil municipal. (3)
Je suis fâché, Monsieur, d’être obligé de sévir contre votre commune, mais le châtiment sévère qui lui sera infligé contiendra celle qui voudrait l’imiter dans ses écarts, ses excès et ses crimes.
Je vous salue.
Signé : Labarte.

Notes :
(1) – Dès long-tems : lire depuis longtemps.
(2) – Succursalier : depuis le culte révolutionnaire de l’Être Suprême, les paroisses et églises étaient appelées succursales et leurs servants, succursaliers.
(3) – Les édiles seront donc obligés de passer une partie du dimanche, seul jour de repos hebdomadaire, à plancher sur ce questionnaire inquisiteur !

Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire