Les
billets du docteur Kyslaw – 3
Kyslaw,
prononcez « qui s’lave ». C’est le pseudonyme que se
donnait le bon docteur Casati qui
n’avait pas de cabinet médical à Aubière, mais qui était malgré
tout soucieux de la santé de ses concitoyens aubiérois et aimait
prodiguer des conseils par l’intermédiaire du Bulletin
paroissial d’Aubière, dans
les années 1908-1910.
Nous
allons, au fil des mois prochains, vous distiller quelques-uns de ses
billets.
Aujourd’hui,
le Dr Kyslaw veut bien nous communiquer quelques réflexions fort
sages sur la propreté dans les lieux publics. On ne les lira pas
sans intérêt ni profit, nous l'espérons, du moins en ce qui concerne
l’église.
Interrogez
un touriste étranger : anglais, suisse, japonais ou scandinave,
sur ses impressions personnelles. Invariablement il vous dira :
« Certes votre pays est magnifique ; c’est plaisir de
voyager en Auvergne… mais pourquoi faut-il que ce plaisir-là soit
gâté par le sans-gêne répugnant de nombre de vos compatriotes ?
Impossible de se promener à l’aise dans vos temples et vos
monuments publics. Tout en admirant chapiteaux, nervures, sculptures
ou tableaux, il faut avoir un œil détourné vers le sol, de peur
d’y fouler des crachats et de glisser sur le pavé ».
Hélas !
comme c’est vrai ! non seulement à la mairie, à l’école,
au bureau de poste, à la gare, en tramway, en wagon, mais même au
musée et à l’église, partout, on peut voir sur le sol,
quelqu’une de ces petites mares ignobles, jaune-verdâtre, ou
gris-sale, mousseuses ou gluantes, expectorées là par des
bronchitiques, des emphysémateux, des asthmatiques, des tuberculeux…
Horreur ! y a-t-il chose plus hideuse, plus répugnante que ces
crachats, renez-vous de tous les microbes de la création.
Pour
ma part, durant ma longue carrière, et certes j’en ai vu de toutes
sortes, il y a une chose à laquelle je n’ai jamais pu m’habituer ;
je m’y soumets par devoir professionnel, mais avec d’inévitables
soulèvements de cœur : c’est l’examen des crachats de mes
malades. Et l’on reste stupéfait, vraiment, à la vue de ces gens
qui, pour ne pas salir leur mouchoir de poche, ne craignent pas
d’imposer aux autres une si désagréable incommodité.
Leur
malpropreté et sans-gêne égoïste sont bien la signature d’une
mauvaise éducation. Oui bien ! la signature ! Chacun sait
que de nos jours ce n’est pas la richesse du vêtement, ni sa
coupe, mais bien la façon de le porter qui distingue une personne
d’une autre. Eh bien ! porterait-il le plus merveilleux
costume et les plus belles parures, voire même le fameux gilet de
cinq cent mille francs de l’ancien fondateur des Magasins du
Louvre, défunt M. Chauchard, celui qu’on voit cracher sur le
parquet ou le pavé d’un lieu public signe par là même
« je ne suis pas distingué »
ou mieux « je
suis un malpropre ».
Jetés
sur le sol d’une maison, ou d’un lieu public, les crachats sont
fort désagréables à la vue, mais de plus, combien dangereux pour
la santé ! Que de maladies contagieuses contractées par ce
moyen. Les mouches se posent dessus, sucent, puis vont se promener
sur les mains, ou le visage d’une personne, sur ses aliments…
Autre exemple : un tuberculeux crache sur le pavé de l’église,
dix fois, vingt fois durant un office. D’abord ces crachats
incommodent les voisins ; puis ils se dessèchent et se
réduisent en poussière. Cette poussière, que soulèvent les pas,
le remuement des chaises ou du balai et les jupes des dames, se
mélange à l’air qu’on respire. Ce sont des milliers de bacilles
tuberculeux qui, à chaque inspiration, passent dans les poumons des
assistants. Comme parmi ces assistants il s’en trouve de trop
faibles pour résister à ces assauts de microbes, ceux-ci offrent
aux bacilles un terrain de culture éminemment favorable. Ils feront
de la tuberculose et ce sera pour eux qu’on sonnera le glas dans
quelques années, peut-être dans quelques mois, et que de nouveau il
y aura affluence à l’église. Songe-t-on à la terrible
responsabilité encourue par l’auteur de tout ce mal ?
Le
fait date de quelques années. Parmi douze employés d’un bureau,
rue de Rivoli, à Paris, se trouvait un tuberculeux.
Docteur Kyslaw, alias
Docteur Casati.
Paru
dans Bulletin
paroissial d’Aubière – Août 1909-Septembre 1909
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