mardi 18 février 2014

Les Sœurs de la Charité d’Aubière_01



Le partage des fossés

Les Français du XXIème siècle ont la chance de posséder des services de santé efficaces et bien organisés. Où que nous soyons, nous pouvons, le cas échéant, être pris en charge, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Nous avons l’illusion que la mort s’éloigne de nous, et en plus, la publicité alimentaire télévisée nous explique comment nous maintenir en bonne santé, à croire qu’il arrivera un jour où nous mourrons étouffés par l’excès du “principe de précaution”.
Mais trêve de plaisanterie, je suis comme tout le monde, ébahie par les merveilleux progrès de la médecine et par le dévouement des soignants.
Au XVIIème siècle, il n’en était pas de même. La mort rôdait partout et s’attaquait à tous les âges de la vie. Les médecins étaient rares et se trouvaient en ville. Comme tout le monde je me suis amusée de l’image qu’en donnait Molière.
La plupart des gens se soignaient comme ils pouvaient, et lorsque leur santé était trop délabrée, ils se tournaient naturellement vers le curé, pour assurer leur salut éternel, et vers le notaire pour répartir leurs biens de la manière la plus judicieuse.

Des Institutions religieuses s’étaient émues de cet état de fait. Des “Ordres soignants” furent fondés pour tenter de soulager toute cette souffrance, surtout sous l’impulsion de Saint-Vincent de Paul. C’est ainsi que Jean-Baptiste Delaveyne (1653-1719), prêtre bénédictin, après s’être laissé attirer par la facilité de la vie mondaine, prit conscience des conditions inhumaines de la population rurale et fonda, en 1680, la Congrégation des « Sœurs de la Charité de Nevers », dont la vocation était de soulager et d’enseigner les pauvres.
Au lendemain du Grand Hiver de 1709, qui fit tant de victimes, et du suivant qui vit quantité de fièvres malignes semer la mort dans les familles, Aubière en appelle à cette communauté.

Jean-Baptiste Delaveyne (1653-1719)

En 1711, le curé d’Aubière, Durand Marie, décida de léguer 3.000 livres pour l’établissement de deux religieuses de cette Communauté à Aubière.
Ici va se greffer tout un imbroglio financier. La somme léguée est confiée aux Pères de l’Oratoire de Clermont, placée au denier vingt cinq (Les Sœurs touchaient 1 denier pour 25 livres, annuellement). Ces religieux, trouvant que c’était un taux trop important, demandèrent aux habitants d’Aubière de les décharger de cette somme.
Le 12 mai 1720, eut lieu un délibératoire, lors duquel les Aubiérois approuvèrent un taux au denier 35. C’était plus avantageux pour les Sœurs de la Charité. Deux mille livres furent confiées aux Dames Religieuses de Beaumont et les 1.000 livres restant, à Me Albanel, notaire à Beaumont. Mais après quelques années les Dames Religieuses de Beaumont trouvèrent, elles aussi, ce taux pas assez rentable pour elles et en diminuèrent le pourcentage.
Les deux Sœurs de la Charité, Anne Fauconnier, supérieure, et Jeanne Desmolin, menacèrent de quitter la paroisse, mais les habitants, probablement conscients de l’aide qu’elles leur apportaient, décidèrent d’augmenter leur participation et leur donnèrent les fossés de la ville qui leur appartenaient, en 1726.

Une sœur de la Charité

Les archives d’Aubière, font état des procès, que soutinrent les habitants contre leurs seigneurs successifs, pour maintenir leurs droits. Au Moyen-âge, le château et la ville étaient entourés de fossés pleins d’eau, alimentés par l’Artière. Le seigneur prétendait que ceux-ci lui appartenaient et empêchait les Aubiérois d’en tirer profit. Le 12 avril 1496 il fut précisé que les fossés du château appartenaient au seigneur, qui avait le droit de pêche, mais qui devait les entretenir. Quant aux fossés de la ville, ils appartenaient aux habitants qui avaient les mêmes droits et les mêmes obligations. Ces fossés longeaient les murailles d’Aubière, depuis la Porte de la Quaire (rue du 4-Septembre) et suivaient les remparts, le long de la rue Saint-Antoine, la rue Nationale et la Place des Ramacles, jusqu’à ce qui est actuellement la rue Vercingétorix. Vers 1592, les fortifications avaient été démantelées et les fossés asséchés, mais ceux-ci appartenaient toujours à la communauté des Aubiérois.

En 1736, les Sœurs, Jeanne Desmolin, supérieure, et Eulalie Moreau, décidèrent de céder ces fossés à certains habitants d’Aubière, moyennant une rente annuelle variable. (*)

Note : (*) - Vous pourrez consulter la liste des Aubiérois dans le troisième volet.

© - Cercle généalogique et historique d’Aubière  (M-J. C.)



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